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En Grèce, "des salaires bulgares mais des prix londoniens"

Alors que les dirigeants européens doivent s'accorder sur le deuxième plan d'aide au pays, les habitants s'enfoncent dans le marasme. Jusqu'à en oublier le goût du café.

 

Article rédigé par franceinfo
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Un musicien joue de l'accordéon devant un magasin fermé à Athènes (Grèce), lundi 30 janvier 2012. (JOHN KOLESIDIS  / REUTERS)

A peine le sommet de Bruxelles terminé, plusieurs responsables européens se sont réunis lundi 30 janvier dans la soirée pour aborder une nouvelle fois le dossier de la dette grecque. Autour de la table : le Premier ministre, Lucas Papademos, le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy. Ce dernier a pressé les ministres des Finances de la zone euro de trouver un accord sur le deuxième plan d'aide à la Grèce "avant la fin de la semaine".

Si l'urgence est économique, dans le pays, elle est aussi humanitaire. Le nombre de sans-abri a augmenté de 25 % en deux ans, et des ONG, qui accueillent d'habitude une majorité d'immigrés clandestins, se voient confrontées à un nouveau public. "Depuis un an, ce sont les Grecs qui viennent nous voir, confie le docteur Nikita Kanakis, de Médecins du monde, à Libération. Des gens de la classe moyenne qui, en perdant leurs droits sociaux, n’ont plus droit à l’hôpital public. Et depuis six mois, nous distribuons aussi de la nourriture comme dans les pays du tiers-monde."

• Des distributions  qui tournent en bagarres

Triste spectacle jeudi dernier en face du Parlement à Athènes. Des agriculteurs venus de Thèbes offrent 50 tonnes de pommes de terre et d'oignons. Mais des disputes et des cris s'échappent des étals où se sont précipités des habitants de la capitale avertis par la télévision. "On n’avait pas vu ça depuis l’Occupation", lance Andreas, cité par Libération, qui observe le spectacle à distance. Les souvenirs de la terrible famine survenue lors de la seconde guerre mondiale resurgissent.

Les distributions de nourriture deviennent un phénomène de masse à Athènes. Chaque jour, midi et soir, des centaines de personnes patientent devant la mairie dans une ambiance tendue. Tous attendent une gamelle en plastique remplie de purée et un soda. La distribution ne dure qu'une demi-heure, montre en main.

Parmi eux, Sotiris, 55 ans, qui évoque dans Libération la "honte" partagée par la plupart d'entre eux. Chômeur comme ses deux fils, qui vivent sous son toit avec leur mère alitée, il demande un euro avant de partir. "Juste pour un café. J’en ai oublié le goût."

• Les néo-pauvres, ces "SDF avec iPhone"

Dans ce pays où les allocations chômage ne durent qu'un an, une nouvelle catégorie de citadins est touchée par la crise. "On les appelle les 'néopauvres', ou encore les 'SDF avec iPhone'", relève Libération. Licenciés en raison de la faillite de leur entreprise ou à la suite des mesures d'austérité prises par le gouvernement, les voilà au chômage et parfois surendettés, victimes des crédits à la consommation des années fastes (4,2 % de croissance entre 2000 et 2007). En 2010, première année de crise dans le pays, 28 % de la population était considérée comme pauvre ou au bord de l'exclusion sociale. Et le taux de suicide en Grèce a augmenté de 40 % au premier semestre en 2011, selon Le Monde.

Les difficultés ne s'arrêtent pas aux portes d'Athènes, bien au contraire. A Thessalonique, capitale du nord du pays, on retrouve ces mêmes files d'attente pour un repas chaud. Anastasia, 45 ans, a dû fermer son centre de cours privé il y a trois mois. "Je ne suis pas encore à la rue, mais je n'ai plus de quoi manger tous les jours, confie-t-elle au Figaro. Tout est devenu si cher à présent. On nous impose des salaires bulgares mais les prix, eux, sont londoniens."

• Le système D, nouvelle économie parallèle

Pour faire face à la crise, Anastasia a tenté de faire montre de flexibilité. En vain. "Les parents d'élèves ne me payaient plus ou demandaient sans cesse de nouveaux délais, raconte-t-elle au Figaro. Je ne voulais pas que les enfants en pâtissent, alors j'ai accepté les échanges de services : certains me payaient en me donnant des vêtements pour mes enfants ou en faisant le ménage chez moi. Mais ça ne pouvait plus durer."

Certains mouvements de solidarité empruntent des chemins illégaux. Libération évoque ainsi les Robins des bois. Ce groupe contestaire distribue de la nourriture préalablement volée dans les supermarchés ou rebranche l'électricité à ceux qui en sont privés. "La police ne pourra jamais les arrêter parce que tout le monde les respecte au fond", explique Vangelis au quotidien.

• Des réformes qui se font attendre

Alors que la chancelière allemande Angela Merkel a exclu lundi soir de placer la Grèce sous tutelle, elle a cependant estimé que la question d'une surveillance accrue des décisions du gouvernement grec "se pose". En cause : les réformes promises ne sont pas toutes mises en œuvre. L'enjeu n'est pas mince car il s'agit du déblocage du second plan d'aide au pays. D'un montant de 130 milliards d'euros, il a été promis sous conditions par les Européens en octobre dernier. Cette aide est vitale pour la Grèce qui doit rembourser 14,5 milliards d'euros de prêts le 20 mars, faute de quoi elle sera en cessation de paiements.

Si les conventions collectives se réduisent comme peau de chagrin, l'État tarde à réduire le nombre de fonctionnaires. Une loi votée par le Parlement prévoyant le licenciement de 150 000 employés publics a été annulée par le gouvernement. "Résultat, rien n'avance", déplore l'historien Thanos Veremis dans Le Figaro"Nous sommes pris au piège des politiques. Rien que dans la fonction publique, entre la pression des syndicats et le système clientéliste, il est impossible de renvoyer un fonctionnaire, même s'il travaille mal." 

Même l'humoriste Antonis Kanakis, animateur de l'émission satirique la plus regardée de la télévision grecque, hésite entre drame et farce. "Rien ne fonctionnait correctement jusqu'à présent. Mais là, tout s'écroule, confie-t-il au Figaro. Personne ne s'étonne en Grèce que l'ambulance qui devait secourir le réalisateur Théodoros Angelopoulos [mort dans un accident le 24 janvier] soit tombée en panne et qu'il ait fallu en dépêcher une autre, puis une autre. On est même étonné qu'il y en ait eu une !" 

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