Une mosaïque politique peu efficace à redresser la Bosnie
Le 13 décembre 2011, les trois leaders bosno-serbe, bosno-croate et musulman du pays sont tombés d’accord sur la composition du gouvernement central, seize mois après les élections d’octobre 2010. Ce qui a enfin permis la mise en œuvre de plusieurs lois dans la perspective d’un rapprochement avec l’Union européenne. Vjekoslav Bevanda, de l’Union démocratique croate (HDZ), a été intronisé Premier ministre, le 10 février 2012.
Ces avancées ne sont que la partie émergée de l’iceberg, car les relations entre les différentes communautés de Bosnie restent antagonistes.
Les accords de paix de Dayton (Etats-Unis) ont établi les institutions actuelles de la Bosnie-Herzégovine, une des républiques de l'ex-Yougoslavie. Il s’agit d’une fédération formée de deux entités, la Republika Srpska (République serbe) (49% du territoire) et la Fédération de Bosnie-Herzégovine (51% du territoire). Les six formations politiques, représentant au Parlement les trois communautés, se partagent les neuf ministères.
D’autre part, une tutelle internationale est exercée par un Haut Représentant qui peut aller jusqu’à destituer les responsables politiques et imposer des lois. Mais ces institutions n’ont toujours pas permis un fonctionnement harmonieux du gouvernement.
La situation économique de la Bosnie est assez fragile
Le poids des dépenses publiques est important en raison de la complexité des institutions. On constate une baisse des transferts des Bosniens (terme regroupant les trois communautés, alors que les Bosniaques sont une des communautés à majorité musulmane) installés à l 'étranger et l’industrie locale subit les répercussions de la chute de la production industrielle européenne. La prévision de croissance pour 2012 s’établit à 0,7%. En juillet 2009, le FMI a octroyé une aide de 1,2 milliard d'euros sur trois ans, qui n'est pas encore épuisée, alors que Vjekoslav Bevanda entend redemander un nouveau prêt.
Du fait de la crise, les autorités souhaitent réduire pour le budget 2012 (qui s’élève à 713 millions d'euros) les salaires des 22.000 employés du secteur public. Cette baisse serait de 4,5% pour ceux qui gagnent plus de 255 euros par mois. Le 28 mai 2012, en raison d’une absence de concertation, la menace d’une grève générale a été lancée. En 2011, à cause de la situation politique, le budget avait été adopté trimestriellement.
Les vêtements pour enfants, un pont entre la Bosnie et la France
ZlatniLjiljan, le 18 mars 2012
Outre la persistance des dissensions entre les trois principales communautés, le sort des Roms et des juifs a mis en alerte Human Right Watch. Le pays est confronté à une discrimination ethnique à l’égard de ces minorités traitées comme des citoyens de seconde zone, notamment en matière de droits politiques. Les Roms sont également touchés par d'épineux problèmes de logement, d’éducation, de santé et d’emploi.
Autre dossier soulevé par Amnesty international, celui de la réparation pour les victimes des crimes commis durant la guerre 1992-1995. L’accès à la vérité et à la justice est bafoué. Si la plupart des leaders politiques de haut rang coupables de crimes à Srebrenica comparaissent actuellement devant le Tribunal Pénal International, les autorités nationales devraient, de leur côté, juger les autres responsables. Pour la juriste Céline Bardet, «tant que la justice n’aura pas établi les faits de manière complète et équitable», la réconciliation ne pourra avoir lieu.
Sarajevo, 20 ans après la guerre
Le 1er mars 2012, les Bosniens ont commémoré le 20e anniversaire de la guerre qui a ravagé Sarajevo. Sur l’avenue du maréchal Tito, dans la capitale, les organisateurs ont installé pour la journée 11.541 chaises rouges sur 825 rangées. Restées vides, elles ont symbolisé les victimes, dont 1.600 enfants, du siège mené par les Serbes. Les chants collectifs qui ont marqué la cérémonie n’ont pas effacé les dissensions existant entre les communautés.
Pour l’historien Joseph Krulic, les ressentiments entre les Bosniens de différentes origines ne s’effaceront qu’avec un nouveau rapport à l’histoire transmis par l’éducation. Ainsi, «dans les manuels scolaire on n’apprend pas comment s’est passé la siège de Sarajevo parce que les Bosniens ne sont pas d’accord sur la façon d’aborder cette période». «Il faut investir dans les enfants», insiste-t-il.
Les Accords de Dayton, un carcan juridique
Certains observateurs expliquent qu'une partie des maux dont souffre la Bosnie vient de la grande complexité des Accords de Dayton. Pour Asim Mujkic, professeur de la faculté de Sciences politiques de Sarajevo, la Constitution adoptée à cette occasion a abouti a une coexistence «forcée» de trois nations, trés hétérogènes, défendues par leurs propres représentants : «Une solution insoutenable, avivant les tensions».
Le seul véritable liant entre Bosno-croates, Bosno-serbes et Bosniaques, c'est l'aspiration à l'intégration au sein de l'UE. Le chef du gouvernement devrait déposer officiellement la candidature à l'Union au début de l'été 2012.
La jeunesse confiante dans l'avenir
Face au scepticisme quant à l'avenir de la Bosnie, dont l'ancienne génération qui a vécu le conflit est porteuse, la jeunesse affiche, elle, des certitudes différentes: «Le multicuralisme doit être compris comme un atout. Les jeunes, affranchis des souvenirs douloureux de leurs parents, sont la clé d'une Bosnie meilleure et plus unifiée», affirme Nejara Plasto, étudiante en journalisme.
Preuve d'un pas vers les lumières de l'Union européenne, Sarajevo a été désigné par le Parlement de Strasbourg pour être la capitale européenne de la culture en 2014.
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