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Reportage A la frontière entre la Biélorussie et la Pologne, la situation "complètement erratique" des migrants pris au piège

Des milliers de migrants sont bloqués entre la Biélorussie et la Pologne. franceinfo s'est rendu côté polonais, où l'état d'urgence a été décrété dans la zone frontière.

Article rédigé par franceinfo - Marie-Pierre Vérot
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Des migrants à la frontière polonaise dans la région de Grodno (Biélorussie), le 11 novembre 2021. (RAMIL NASIBULIN / BELTA VIA AFP)

Un épais brouillard enveloppe toute la zone frontière, jeudi 11 novembre au matin. La Pologne a scellé sa frontière avec la Biélorussie et toute la zone est interdite, aussi bien aux humanitaires qu'aux journalistes. Côté polonais, à Sokolka, la police est partout, et les migrants sont invisibles. Ils sont là pourtant, à une poignée de kilomètres à l'Est, plus de 2 000 migrants, surtout des Kurdes irakiens, pris en étau aux portes de l'Europe mais hors d’atteinte des médias et des ONG. Et même du Haut commissariat aux réfugiés qui n’a aucun accès à la frontière. C’est inédit, en effet : la Pologne a décrété l’état d’urgence dans la zone et l’on ne peut s’approcher à moins de trois kilomètres. Cette frontière longue de 400 kilomètres est une zone interdite.

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Pour porter secours aux migrants, les ONG doivent attendre qu’ils parviennent seuls à franchir en cachette, la nuit, ces barbelés, cette forêt épaisse, cette frontière. Même après avoir donné du thé et des vêtements chauds, les ONG sont souvent désemparées. A l'image, d'Anna Chmeliewska, une bénévole. "Nous ne pouvons leur donner aucun conseil. Lorsque nous appelons les gardes-frontières, ils peuvent soit les emmener au poste, soit les refouler en Biélorussie. Nous ne pouvons pas leur garantir qu’ils pourront déposer une demande d’asile ici en Pologne. C’est complètement erratique", dit-elle. La même semaine, Anna raconte avoir secouru deux familles. L’une a pu déposer sa demande d’asile, l’autre a été renvoyée en Bielorussie, à la merci des policiers du régime de Loukachenko.

La peur de l'étranger attisée dans les deux pays

Des images montrent ces migrants, hommes, femmes, enfants, certains tentant même de forcer les barrages de barbelés. Ce sont des images tournées soit par les gardes-frontières polonais soit par les policiers biélorusses. Des images prises parfois depuis les hélicoptères de l'armée qui survolent en permanence cette zone et qui servent la propagande de l’un ou l’autre camp. Car si le régime biélorusse instrumentalise les migrants contre l’Europe, la Pologne, elle, en profite pour fermer sa frontière et repousser des demandeurs d’asile en toute illégalité.

Il faut, selon la bénévole Anna Chmeliewska oublier la poltique. "Je veux dire aux pays européens que cette crise que nous avons ici est une crise humanitaire. Nous devons le crier haut et fort : c’est une crise humanitaire et nous devons la traiter comme tel." Mais pour l’instant, la détresse se vit loin des caméras et loin des yeux des dirigeants européens. 

Des Polonais tentent d'aider les migrants

Cette région de l’est de la Pologne est acquise au PiS, le parti au pouvoir qui agite une rhétorique anti-migrants très virulente. Le gouvernement rapporte à la télévision que les migrants sont des terroristes, vont venir voler les habitants, qu’ils sont des pédophiles.

Beaucoup ont donc peur. Pourtant, à Michalowo, une bourgade à quelques kilomètres de la frontière dirigée par l’opposition, la population se mobilise. La caserne des pompiers s'est transformée en un centre de collecte. Ce 11 novembre, jour de fête nationale en Pologne, des familles viennent apporter de l’aide pour les migrants. C’est notamment le cas de Mernamen, 14 ans. Il a fait une heure de route avec ses parents, leur véhicule est bourré de sacs. "On a des vêtements, de la nourriture, explique-t-il. Ces gens sont vraiment très pauvres, ils fuient leur pays et ils ont besoin d’aide, de notre aide. Ce sont nos vieux vêtements. On a acheté de la nourriture, du pain, des choses juste pour qu’ils puissent survivre. J’espère que cette aide ira vraiment aux migrants, mais je ne suis pas sûr. La manière dont ces gens sont traités, c’est horrible."

Les récits se multiplient en effet de brutalités policière, particulièrement côté biélorusse. Et l’on ignore combien de personnes ont réellement succombé. Il y a beaucoup de familles avec de très jeunes enfants, des femmes enceintes.

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