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Reconduite à la frontière : une procédure inutile et purement "statistique", dénonce une association d'aide aux migrants roms

Le collectif Solidarité Roms Lille Europe permet, depuis dix ans, à des Roms soumis à une obligation de quitter le territoire, d'éviter l'expulsion. Encadrés par la police aux frontières, ils réalisent un aller-retour de quelques minutes entre la France et la Belgique. 

Article rédigé par franceinfo - Laurine Benjebria
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Illustration d'un agent de la police aux frontières (PAF), au centre de détention administrative de Haute-Garonne. (ART CORE BEN / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP)

Les chiffres annuels sur l'immigration, l'asile et l'accès à la nationalité française, publiés jeudi 21 janvier par le ministère de l'Intérieur, sont-ils gonflés ? C'est ce que dénoncent de nombreuses associations comme le collectif Solidarité Roms Lille Europe. Depuis dix ans, il ramène sur le territoire français des Roms soumis à une obligation de quitter le territoire (OQTF). Un dispositif totalement légal mais ubuesque : l'an dernier, près de 130 Bulgares et Roumains ont été reconduits à la frontière franco-belge avant d'être de retour dans leur bidonville lillois deux heures plus tard. Une faille dont se sert le collectif pour éviter les expulsions.

Un aller-retour en Belgique de "quelques minutes"

Pour la quinzième fois en un an, Dominique Plancke, du collectif Solidarité Roms Lille Europe, se rend dans les bureaux de la police aux frontières (PAF). Là, il a ses habitudes : "Avec mes demandes de rendez-vous, je fais du copié-collé. Je change la date et les noms des personnes concernées." Cette fois, il est là pour accompagner quatre Roumains contrôlés la semaine dernière dans un bidonville de Wasquehal, au nord de Lille. 

Depuis janvier 2014, les Roumains et Bulgares, comme tout les citoyens de l’Union européenne, peuvent séjourner librement en France pendant trois mois mais doivent ensuite justifier d’un droit de séjour en prouvant qu'ils travaillent, sont à la recherche d'un emploi ou encore parcequ'ils sont étudiants.

Les quatre Roumains accompagnés par Dominique Plancke attendent dehors que la police aux frontières assigne un équipage. Au bout d'une demi-heure, l'attente est terminée. "D'habitude on part en convoi, là comme c'est un peu encombré aujourd'hui, la  police nous a proposé de nous retrouver directement sur le territoire belge", raconte le Lillois.

Le rendez-vous a lieu sur un parking de Baisieux, à une vingtaine de kilomètres de Lille. Un changement de frontière symbolique qui permet aux policiers d'attester que Constentin, Maria, Marie et George ont bien exécuté leur injonction de quitter le territoire. "Les personnes doivent quitter le territoire français pour pouvoir accéder à nimporte quel autre pays qui les accepte. La Roumanie fait partie de l'Union européenne donc ils peuvent aller en Belgique", explique Dominique Plancke. Dix minutes plus tard, Constentin retrouve son passeport. Le dispositif surprend ce trentenaire arrivé en France il y a deux ans : "Ça n'a duré que quelques minutes. Je pensais qu'on devait rester en Belgique plus longtemps".

"Personne n'est dupe"

Pour profiter de cette faille, il faut compter une demi-journée, un temps qui aurait pu être occupé à réaliser des démarches administratives, selon Cassandra, une Roumaine de 18 ans raccompagnée à la frontière l'an dernier. "Peut-être que dans cette journée-là on a des rendez-vous. D'un seul coup ils nous font partir chercher notre papier jusqu'en Belgique et pour rentrer ça prend du temps."

Selon la préfecture du Nord, l'an dernier,1 000 obligations de quitter le territoire (OQTF) ont été exécutées dans le département. Mais pour Dominique Plancke, ces statistiques sont loin de la réalité : "Ces chiffres sont artificiellement gonflés parce que, nous, l'année dernière on a reconduit 130 personnes et ces 130 personnes sont toujours en France aujourd'hui. Personne n'est dupe."

"Tout le monde sait, la préfecture, la police aux frontières et nous, qu'ils reviennent et que l'on peut recommencer ça dans trois mois. Ça n'a aucun sens."

Dominique Plancke, collectif Solidarité Roms Lille

à franceinfo

"Considérer que des gens qui n'ont pas envie de s'intégrer et qui ont un casier judiciaire doivent quitter le territoire français ça ne me choque pas, poursuit le membre du collectif Solidarité Roms Lille. Par contre, ici, ce n'est pas du tout le cas, on a des gens qui soit travaillent, soit cherchent du travail. Il vaudrait mieux mettre fin à ces OQTF de confort, de statistique." De son côté la préfecture dément tout tout objectif chiffré et assure qu'il n'y a pas de statistiques propres aux Roms.

Les absurdités de la procédure de reconduite à la frontière : reportage de Laurine Benjebria

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