"Plus personne dans les rues à la fin de l'année": pourquoi la promesse d'Emmanuel Macron n'est pas tenue
En juillet, dans un discours concernant les demandeurs d'asile, le chef de l'Etat avait souhaité "ne plus voir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois ou perdus" d'ici la fin décembre. Franceinfo revient sur cette promesse alors que 2017 touche à sa fin.
"La première bataille, c'est de loger tout le monde dignement. Je ne veux plus, d'ici la fin de l'année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois ou perdus", déclarait Emmanuel Macron le 27 juillet. Quelques jours avant le passage à 2018, le président de l'association Droit au logement s'est rappelé à son bon souvenir. "On n'oubliera pas que le président de la République a dit qu'il n'y aurait plus personne cet hiver à la rue", a lancé lundi 25 décembre Jean-Baptiste Eyraud sur franceinfo, insistant sur le fait que le pays compte quelque 140 000 personnes sans-abri.
Certes, la promesse d'Emmanuel Macron, formulée lors d'une cérémonie de naturalisation à Orléans (Loiret), ne concernait a priori que les demandeurs d'asile. Mais certains d'entre eux restent à la rue, malgré une augmentation des places d'hébergement d'urgence. Franceinfo vous explique pourquoi cet engagement présidentiel ne sera pas tenu dans les temps.
Des évacuations de camps sans solutions durables
Après le démantèlement de la "jungle" de Calais l'an dernier, la destruction du camp de Grande-Synthe (Nord), en avril, et l'évacuation de celui de La Chapelle à Paris cet été, il ne reste plus de grands camps de migrants en France. Mais régulièrement, ici ou là, de plus petits se reforment, et sont à leur tour démantelés par les forces de l'ordre. Au cours du mois de décembre, des camps ont ainsi été évacués à Tatinghem (Pas-de-Calais) et à Mâcon (Saône-et-Loire).
Des "mises à l'abri" temporaires sont le plus souvent proposées aux personnes évacuées, mais les solutions de long terme n'existent pas. Et quelques jours plus tard, les migrants sont de retour. Selon un chiffre diffusé en novembre par Médecins du monde, un millier de migrants se trouvent ainsi en situation "d'errance" à Paris et en Seine-Saint-Denis.
"L'objectif n'est pas atteint", observe ainsi le directeur de France Terre d'asile, Pierre Henry. Interrogé par franceinfo, il estime que sur l'ensemble du territoire, "il y a probablement quelques milliers de migrants à la rue en cette fin d'année". Une situation qu'il incombe à la politique menée par le ministre de l'Intérieur : "Il a considéré que 'plus personne à la rue', ça voulait dire 'plus aucun demandeur d'asile', et que selon lui, certains n'étaient pas des demandeurs d'asile, critique le directeur de l'association. On a inversé les priorités. La priorité aurait été de mettre tout le monde à l'abri puis, ensuite, que l'on regarde la situation des personnes."
Des hébergements d'urgence supplémentaires, mais dont le nombre reste insuffisant
"La mobilisation du gouvernement est totale pour répondre à l’engagement présidentiel du 'plus personne à la rue', se défend le ministère de la Cohésion des territoires, interrogé par franceinfo. 80 000 places sont consacrées aux demandeurs d’asile dans le dispositif national d'accueil géré par le ministère de l'Intérieur."
Quant à l'offre d'hébergement d'urgence généraliste, le ministère précise qu'elle s'élève cette année à 141 000 places pour accueillir les plus démunis, soit 13 000 de plus que l'année dernière à la même période. Un parc qui doit être élargi, avec 4 000 places supplémentaires en 2018 et 3 500 en 2019.
Mais malgré ces efforts, le système d'hébergement d'urgence reste saturé. En 2012, une enquête de l'Insee évaluait à 141 500 personnes le nombre de personnes sans domicile en France (demandeurs d'asile compris), un chiffre en hausse de 50% en une dizaine d'années. "Plusieurs indicateurs nous montrent que le phénomène a tendance à s'accroître", déplore le directeur de la Fondation Abbé-Pierre, interrogé par franceinfo. "Les hôtels et les hébergements affichent complet dans pas mal de grandes villes, observe Christophe Robert. Et en 2017, un appel sur deux au 115 n'a pu déboucher sur aucune solution immédiate d'hébergement."
Un plan "Logement d'abord" qui mettra du temps à produire ses effets
Les moyens alloués à l'hébergement d'urgence ne sont qu'une partie du problème. "Les crédits augmentent chaque année, mais ce n'est absolument pas suffisant. Il faut des solutions beaucoup plus durables", estime Christophe Robert. Le député LREM Aurélien Taché, spécialiste des questions de logement et président du Conseil national de l'habitat, acquiesce : "On ne sortira jamais de cette spirale si on ne traite pas les questions de fond", estime-t-il, interrogé par franceinfo.
Cela passe notamment par une remise à plat complète du système de l'asile en France, explique le député, mais aussi par la possibilité pour les sans-abri d'accéder directement à un logement, sans passer par les centres d'hébergement. "Ça n'a jamais été fait et on est en train de le mettre en œuvre", s'enthousiasme-t-il. Le plan "Logement d'abord" préparé par le gouvernement vise ainsi à financer, sur la durée du quinquennat, 50 000 logements destinés aux plus précaires.
Ce plan de longue haleine ne produira pas ses effets immédiatement. Pour aller plus vite, le ministère de la Cohésion des territoires a lancé un appel aux collectivités locales : quinze territoires seront choisis, dans lesquels l'Etat garantira une mise en œuvre accélérée de ce plan.
Devant ces annonces, les associations restent pour le moment prudentes. A la Fondation Abbé-Pierre, qui milite pour ce système depuis plusieurs années, Christophe Robert reconnaît que "la stratégie est la bonne", mais estime aussi que "l'ambition n'est pas suffisante à ce stade". Surtout, il pointe l'"incohérence" du gouvernement qui parallèlement à ces annonces a décrété une baisse des aides au logement, à raison de 60 euros par an pour chaque bénéficiaire et de 800 millions d'euros pour les bailleurs sociaux qui risquent ainsi de moins construire de logements.
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