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On vous explique la crise politique que traversent Angela Merkel et sa coalition sur la question des migrants

En désaccord avec Angela Merkel sur la question des migrants, le ministre allemand de l'Intérieur menace de démissionner. Les deux dirigeants doivent se réunir, lundi, pour d'ultimes négociations.

Article rédigé par franceinfo - Juliette Campion
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La chancelière allemande, Angela Merkel, au côté de son ministre de l'Intérieur, le conservateur bavarois Horst Seehofer, au Parlement allemand à Berlin, le 12 juin 2018. (KAY NIETFELD / DPA / AFP)

Angela Merkel et son ministre de l'Intérieur Horst Seehofer doivent tenter, lundi 2 juillet, de résoudre une nouvelle fois leur différend sur la situation migratoire en Europe. Cette opposition entre le patron des conservateurs bavarois de la CSU et la chancelière allemande (CDU) menace la coalition à la tête du gouvernement et la cohésion européenne.

Au centre du bras de fer : le refoulement aux frontières de tout migrant enregistré au préalable par un autre pays européen voulu à tout prix par le ministre de l'Intérieur Horst Seehofer. Cette mesure a été rejetée par la chancelière allemande, qui craint un effet domino en Europe et la fin de la libre circulation. En réponse, Horst Seehofer a évoqué son intention de démissionner de son ministère et de la tête du parti, avant de suspendre sa décision pour engager un dernier round de négociations avec Angela Merkel. Franceinfo vous explique les origines de cette crise.

Comment en est-on arrivé à une telle crise ? 

Voilà des années que la CDU, le parti d'Angela Merkel, et la CSU, son allié bavarois, qui représente l'aile la plus conservatrice de son gouvernement, se déchirent sur la question des réfugiés. En 2015, les deux partis s'était déjà vivement opposés, lorsque la chancelière centriste avait laissé entrer un million de demandeurs d'asile en Allemagne. Au delà de la question migratoire, les conservateurs bavarois jugent depuis longtemps qu'Angela Merkel a trop déplacé, en près de treize ans de pouvoir, le camp conservateur vers le centre.

Depuis début juin, les dissensions entre les deux partis ont été relancées alors que le président de la CSU, Horst Seehofer, également ministre de l'Intérieur, a expliqué qu'il souhaitait "renvoyer systématiquement à la frontière les demandeurs d'asile étant déjà inscrits dans un autre pays de l'Union européenne", explique La Croix. Mais la chancelière allemande s'y est opposée, expliquant que cette proposition entrerait en contradiction avec le droit européen. 

A quatre mois des élections en Bavière, la priorité de la CSU est de remporter la majorité absolue contre le parti d'extrême droite, Alternative für Deutschland (AfD), qui la talonne dans les sondages. Dimanche 1er juillet, lors d'une réunion au siège de la CSU à Munich, Horst Seehofer a annoncé qu'il quittait le parti et le ministère de l'Intérieur. Il a finalement proposé un ultime rendez-vous le lendemain à Angela Merkel pour négocier.

Que demande le camp du ministre de l'Intérieur ? 

Pour gagner du temps face aux pressions de ses alliés de la CSU, Angela Merkel avait demandé à obtenir un délai, qui lui a été accordé. Horst Seehofer lui a laissé ainsi jusqu'au sommet européen du 28 juin pour trouver une solution pour réduire les flux migratoires au niveau européen. Bouclé au petit matin, l'accord sur les migrations prévoit la création de "plateformes de débarquement" de migrants en dehors de l'UE pour les dissuader de traverser la Méditerranée ou encore des "centres contrôlés" pour les migrants secourus en mer. 

Un accord insuffisant pour le patron de la CSU, qui a réuni le 1er juillet des dirigeants de son parti à Munich pour décider de leur participation à la coalition. A la suite de cette réunion, le ministre de l'Intérieur a détaillé trois scénarios : il pourrait soit rentrer dans le rang, soit passer outre la position d'Angela Merkel et imposer de son propre chef les refoulements aux frontières, ce qui entraînerait son limogeage et un éclatement probable de la coalition gouvernementale. Troisième issue possible : une démission.

J'ai dit que je remettais les deux postes à disposition et que j'exécuterai cette décision dans les trois jours à venir.

Horst Seehofer

La chancelière ne peut cependant pas céder à cette demande de Horst Seehofer : elle prendrait le risque de voir à leur tour les sociaux-démocrates (SPD) claquer la porte du gouvernement.

Que se passera-t-il si les négociations de lundi échouent ?

Le risque d'implosion de la fragile coalition au pouvoir depuis trois mois est élevé. En cas de départ de Horst Seehofer, plusieurs scénarios sont possibles. Le ministre de l'Intérieur pourrait être remplacé par un autre membre de la CSU, ce qui pourrait préserver la coalition mais serait une solution politiquement peu durable, précise Le Monde.

La CSU pourrait quitter le gouvernement, mais Angela Merkel se verrait alors privée de majorité et serait à la tête d'un gouvernement minoritaire. Troisième solution : la chancelière pourrait déposer une motion de défense au Bundestag comme le permet l'article 68 de la Constitution. Si le vote est positif, elle pourrait former une nouvelle majorité composée notamment du CDU, du SPD et des Verts. En cas de refus, le président de la République aurait 21 jours pour dissoudre le Parlement et organiser des élections anticipées.

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