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"Leur donner un visage peut changer les choses" : en Italie, des médecins légistes font tout pour redonner une identité aux migrants noyés

La médecin légiste italienne Cristina Cattaneo publie "Naufragés sans visage", ouvrage dans lequel elle alerte sur l’importance d’identifier les migrants morts en Méditerranée.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Cristina Cattaneo à Melilli en Sicile (Italie), le 5 novembre 2015.  (MARCELLO PATERNOSTRO / AFP)

Donner une identité aux morts, au-delà des chiffres, froids, anonymes. Dans son livre "Naufragés sans visage", publié mercredi 4 septembre chez Albin Michel, la médecin légiste Cristina Cattaneo relate le travail d'identification de migrants retrouvés noyés dans la mer Méditerranée, après l'un des plus gros naufrages survenus en Méditerannée, celui du "barcone". Ce chalutier avait sombré dans le canal de Sicile en 2015 avec près de 1 000 personnes à son bord. 

"Je suis médecin légiste, mon premier commandement c’est d’identifier les morts, a-t-elle expliqué mardi sur franceinfo. Quand un avion s’écrase, on court pour les identifier. On est devant la catastrophe la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale et personne ne ferait rien pour les identifier ? Identifier les morts, c'est très important pour les vivants."

40 personnes indentifiées parmi les 1 000 noyés 

En 2016, l'épave du "barcone" qui gisait à 370 mètres de profondeur, a pu être renflouée et ramenée sur la terre ferme, en Sicile. Cristina Cattaneo dirige alors le laboratoire médico-légal Labanof de l’université de Milan. Avec des pompiers, des médecins-légistes, elle se lance dans un travail terrible et minutieux : identifier les noyés du "barcone". Sur le millier de corps encore piégés dans la coque du rafiot, "40 ont été identifiés" explique Cristina Cattaneo. "C’est une croisade du monde académique italien qui a fait les autopsies et qui est en train de travailler avec la police, aussi, pour établir les profils d’ADN. On espère que cette expérience va sensibiliser l’Europe à faire quelque chose. C'est un problème européen."

Les objets que l'on a retrouvés nous rapprochent de ces gens. Les poches de ces adolescents sont pleines de choses qui sont aussi dans les poches de nos adolescents

Cristina Cattaneo

Pour permettre aux familles des migrants de reconnaître les cadavres, Cristina Cattaneo effectue des gestes scientifiques, mais regarde aussi les objets qui se trouvent sur les corps, journaux intimes, échantillons de terre du pays quitté : "J'ai trouvé un bulletin scolaire cousu dans les vêtements d'un Malien de 14 ans. On voit et on lit ces histoires... Parfois les morts parlent plus que les vivants."

"Leur donner un visage peut changer les choses" espère-t-elle, avant de raconter avoir rencontré "une femme anti-migrante qui a dit que le livre a changé quelque chose pour elle". Avec son livre, elle veut "faire connaître la vraie identité de ces personnes qui sont comme nous et qui ont les mêmes droits".

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