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Les migrants sont de retour à Calais

Malgré le démantèlement de la jungle, en octobre dernier, les migrants reviennent à Calais pour tenter la traverser vers l'Angleterre.

Article rédigé par Gaële Joly, franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Ils seraient plus de 200 migrants à être de retour à Calais. (GAËLE JOLY / FRANCEINFO)

À Calais, la jungle n'est plus là, mais les migrants, eux, sont bel et bien revenus.
Depuis quelques semaines, ils sont une trentaine à arriver chaque jour, selon les associations. Des jeunes, en majorité, qui ont quitté les centres pour mineurs isolés pour tenter le passage vers l'Angleterre.

Selon France Terre d'Asile, sur les 2 000 jeunes que la Grande-Bretagne avait promis d'accueillir, seul 791 ont été pris en charge. Paris a d'ailleurs appelé cette semaine Londres à respecter l'accord.

>> Avocats et ONG britanniques pointent la mauvaise volonté de Londres sur l'accueil des mineurs de Calais

Franceinfo s'est rendu à Calais et a suivi une maraude nocturne avec l'association Utopia 56, autour de l'ancienne jungle.

Des visages enfantins

Depuis trois semaines, Gaël Manzi, le cofondateur d'Utopia 56, est remonté à bord de son camion. "On va voir les jeunes, on va essayer de leur donner à manger. Mais ça ne va pas être simple, parce que la police nous a prévenu qu'ils n'avaient pas envie de nous voir", explique-t-il. "Tous les soirs on donne des repas, on donne des sacs de couchage... il y a un réel besoin."

Ils ne sont plus agglutinés dans la jungle, comme les images photographiées il y a quelques semaines le montraient. "Ils sont un petit peu partout, ils sont en centre-ville, à la gare, près de la jungle", décrit Gaël Manzi.

Ce sont principalement des mineurs que croise Utopia 56. "Je pense qu'il y a aussi des majeurs, mais on les voit beaucoup moins, parce qu'ils ont la crainte de se faire embarquer par la police", analyse le cofondateur de l'association. "Il y en a plus d'une centaine, je pense."

Dans la nuit glaciale, des ombres surgissent près d'un terrain vague, une vingtaine de jeunes, aux visages enfantins. "Il y en a des nouveaux", constatent, à moitié étonnés, les membres de l'association.

"Ça pourrait être nos gamins"

Robiel, 16 ans, ne fait pas partie de ces nouveaux. Il vient d'Érythrée, et après plusieurs mois dans la jungle, il a rejoint un centre pour mineur à Marseille avant de revenir à Calais.

Aujourd'hui, il n'a qu'un seul objectif : "Je veux aller en Angleterre. J'étais à Marseille, mais je n'ai pas aimé."

Le processus légal pour aller en Angleterre est complètement à l'arrêt, voilà pourquoi je suis revenu à Calais. Je vais essayer d'y aller illégalement.

Robiel, 16 ans, originaire d’Érythrée.

La police arrive pour faire des contrôles d'identité. "Ils font leur métier, et nous le nôtre", explique, fataliste, une membre d'Utopia 56. "C'est triste de voir des enfants dans la rue, dans le froid, dormir dehors, par terre, sans rien. À notre époque, en 2017, en France... C'est terrible de voir ça. Ça pourrait être nos gamins, c'est ce qui est terrible."

Les migrants ont détalé mais, avec des lampes torches, la police balaie l'horizon, avant de repartir. "Vous voyez à quoi ressemble notre vie", se lamente un des migrants. "S'ils vous attrapent, parfois, ils sont violents, et parfois ça se passe bien."

Le problème, c'est que dans les centres d'accueil, "on leur a dit qu'on allait traiter leur dossier. Eux, ils ont compris 'on va partir en Angleterre', parce que la plupart a de la famille en Angleterre", soupire encore cette militante de l'association.

Ils reviennent ici, mais il y en a qui ne se sont même pas rendu compte qu'il n'y avait plus de jungle.

Une militante d'Utopia 56.

Cette nuit-là, franceinfo a croisé une soixantaine de migrants, des ombres cachées dans les recoins de la ville.

Le retour des migrants à Calais. Reportage de Gaële Joly.

200 à 300 migrants sur place

Même si la préfète du Pas-de-Calais, Fabienne Buccio, s'en défend, ce retour des migrants, Gilles Debove syndicaliste chez Unité SGP Police FO, l'a constaté lui aussi. Cela fait 17 ans qu'il arpente le terrain. Si les pouvoirs publics n'agissent pas, il craint un retour de la jungle.

"Actuellement, on en est à 200-300 migrants présents", décrit-il. "Il suffit de voir le nombre de nos interventions police-secours qui commence à réaugmenter, le nombre de procédures qui sont traiter par mes collègues de la police aux frontières..."

Cette situation inquiète le syndicaliste. "On a toujours pas trouvé de solutions. Les collègues qui travaillent sur le secteur vont encore une fois essayer de vider le tonneau des Danaïdes, sans moyen et sans arsenal juridique."

Gilles Debove, syndicaliste chez Unité SGP Police FO, s'inquiète de ce retour des migrants.

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