"Je n'ai jamais vu un boulot comme ça, c'est un peu comme de l'esclavage" : les livreurs sans-papiers de Frichti poursuivent leur combat
Ils sont 66 livreurs de la plateforme à se battre pour faire reconnaître l'existence d'un contrat de travail entre eux et la plateforme de repas.
Siaka, est ivorien, arrivé en France il y a trois ans. Quelques mois plus tard, même sans-papiers, il livre des plats pour l'entreprise Frichti : "De bouche-à-oreille, on se disait qu'il y avait une plateforme qui recrutait. Même si tu n'as pas de papiers, on te recrute, ça marche tranquillement. Voilà pourquoi nous tous, on allait s'inscrire à Frichti pour travailler. Il a fallu un article dans le journal 'Libération' pour que Frichti se rende compte qu'il recrutait des sans-papiers."
C'est effectivement en juin 2020 que le quotidien Libération révèle les conditions de travail de ces livreurs Frichti, entraînant l'annulation de leurs contrats et des craintes sur la régularisation de leur situation. Depuis, ils sont plusieurs à se battre pour obtenir la reconnaissance d'un contrat de travail et acter que la rupture de la collaboration "s'analyse en un licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse", précise leur avocat, Kévin Mention. L'audience de conciliation au conseil des prud'hommes de Paris n'a pas abouti jeudi 29 avril. La situation de ces 66 anciens livreurs sera examinée le 3 décembre prochain.
Plus aucun travail du jour au lendemain
Après la parution de l'enquête de Libération, l'entreprise change brusquement de politique de recrutement. Du jour au lendemain, près de 200 livreurs, comme Aboubakar, se sont donc retrouvés sans travail : "Un beau matin, on nous envoie un mail pour dire que lundi, ceux qui n'ont pas de document européen ne doivent par rentrer, parce qu'il y aura un contrôle."
C'est le début de plusieurs mois de manifestations, à l'issue desquels une centaine de livreurs obtiennent une procédure de régularisation. D'autres ont reçu une indemnité de 1 400 euros. Rien de tout cela pour les 66 qui ont saisi les prud'hommes. "Ils sont simplement là pour faire reconnaitre leurs droits, parce que Frichti ne les a même pas déclarés en tant que salariés, analyse maître Mention. On veut une reconnaissance, on veut des bulletins de paie parce qu'aujourd'hui, c'est ça qui leur permet d'accéder à la régularisation, en sachant qu'ils n'ont pas de papiers."
"Pour certains, ils ont travaillé parfois deux ans. Donc déjà, avec cette durée de travail, ils pourraient prétendre à des papiers. Malheureusement, vu que Frichti n'a pas respecté la loi française, ils ne peuvent pas déposer de dossiers aujourd'hui."
Kévin Mention, avocatà franceinfo
Au cœur du conflit se trouve le statut d'auto-entrepreneur. Mais lorsqu'il travaillait pour Frichti, Cheikh ne se sentait pas vraiment indépendant : "On nous dit qu'on est des auto-entrepreneurs, mais on ne décide de rien. Un auto-entrepreneur doit décider lui-même. Alors que là, c'est Frichti qui nous donne ses plannings, c'est Frichi qui nous met la pression, franchement, je n'ai jamais vu un boulot comme ça. C'est un peu comme de l'esclavage."
L'entreprise Frichti et son avocate, que franceinfo a essayé de joindre, n'ont pas donné suite à nos sollicitations.
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