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Crise UE-Biélorussie : "Il faut faire pression sur Loukachenko et Poutine pour que ce chantage migratoire cesse", selon François Gemenne

"La Biélorussie fait venir sur son territoire des milliers de migrants qui viennent du Liban, d'Irak, parfois d'Afghanistan et les précipite à la frontière comme de la chair à barbelés", s'indigne l'universitaire, spécialiste des migrations.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Des migrants bloqués à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne, le 11 novembre 2021. (LEONID SHCHEGLOV / BELTA)

"C'est une crise organisée de toute pièce", a réagi François Gemenne, spécialiste des migrations et enseignant à Sciences-Po et à la Sorbonne, concernant la crise migratoire en cours entre la Biélorussie et l'Union européenne. Selon lui, le régime biélorusse "précipite" à sa frontière des migrants utilisés "comme une sorte de levier diplomatique", pour "faire pression" sur les Européens. "Tant que nous n'aurons pas de routes organisées, sécurisées, et un système de répartition de demandeurs d'asile au sein de l'Union européenne, nous resterons vulnérables aux passeurs qu'ils soient des trafiquants, des bandits, ou des dictateurs dans des régimes autoritaires", a exposé François Gemenne, appelant à "trouver des moyens de faire pression sur Alexandre Loukachenko et Vladimir Poutine pour que ce chantage migratoire cesse".

franceinfo : L'Union européenne accuse le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, d'orchestrer une crise migratoire à sa frontière avec la Pologne, est-ce le cas ?

François Gemenne : Très clairement, c'est une crise organisée de toute pièce. La Biélorussie fait venir sur son territoire des milliers de migrants qui viennent du Liban, d'Irak, parfois d'Afghanistan et les précipite à la frontière comme de la chair à barbelés. Elle les utilise comme une sorte de levier diplomatique pour faire pression sur l'Union européenne et pour essayer de la déstabiliser parce que la Biélorussie a évidemment compris que la question migratoire et les questions d'asile étaient en quelque sorte le talon d'Achille de l'Union européenne. Le président Alexandre Loukachenko sait très bien que cela risque de provoquer une crise politique.

Quel est le rôle de Vladimir Poutine ?

Alexandre Loukachenko n'aurait pas agi de la sorte s'il n'avait pas eu l'aval de Vladimir Poutine, je soupçonne même qu'il agisse en service commandé. On sait à quel point Vladimir Poutine cherche à déstabiliser les autres puissances.

"Pour les Européens, ces images de migrants qui se massent à la frontière sont très anxiogènes. Cela risque de favoriser l'émergence de régimes nationalistes et extrémistes en Europe et c'est aussi ce que cherche Vladimir Poutine."

François Gemenne, spécialiste des migrations et enseignant à Sciences-Po et à la Sorbonne

à franceinfo

Sait-on combien de personnes se trouvent à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne et que peut-on faire ?

C'est difficile à dire. On estime qu'il pourrait y avoir entre 20 000 et 30 000 personnes. Ces migrants sont piégés et se retrouvent coincés à la frontière dans des conditions pas possible. Il y a un impératif humanitaire. Il y a déjà eu une douzaine de morts à la frontière. Il fait très froid. Il y a des gens qui souffrent d'hypothermie. Il faut leur faire parvenir des secours humanitaires pour éviter que d'autres vies ne soient perdues. Ensuite, il faut trouver des moyens de faire pression sur Alexandre Loukachenko et Vladimir Poutine pour que ce chantage migratoire cesse. Il faut déployer un arsenal de mesures diplomatiques ou financières et puis, politiquement, il faudra que l'Union se dote d'une vraie politique d'asile et d'immigration de sorte à ne pas être aussi vulnérable à ce type de chantage. Tant que nous n'aurons pas des routes organisées et sécurisées et un système de répartition de demandeurs d'asile au sein de l'Union européenne, nous resterons vulnérables aux passeurs qu'ils soient des trafiquants, des bandits, ou des dictateurs dans des régimes autoritaires.

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