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Comment les quotas d'immigration professionnelle fonctionnent-ils dans les autres pays ?

Système à points, quotas définis par nationalité… Plusieurs pays ont mis en place des objectifs chiffrés pour limiter ou attirer des travailleurs étrangers. 

Article rédigé par franceinfo
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Le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, la secrétaire d'Etat chargée des Affaires européennes, Amélie de Montchalin, et le Premier ministre, Edouard Philippe, présentent des mesures sur l'immigration, le 6 novembre 2019 à Matignon. (CHARLES PLATIAU / AFP)

La France s'apprête à mettre en place un système de quotas pour l'immigration professionnelle. Cette mesure, dévoilée par Edouard Philippe mercredi 6 novembre à l'issue d'un comité interministériel, doit permettre aux filières en tension d'embaucher plus facilement des travailleurs étrangers. Pour cela, les besoins de main-d'œuvre par secteur d'activité et par territoire seront fixés chaque année après avoir été débattus au Parlement. 

En France, cette immigration professionnelle concernait 33 000 personnes en 2018 sur près de 260 000 arrivées tous motifs confondus. Mais comment cela se passe-t-il ailleurs dans le monde ? Pour quels objectifs ? Franceinfo fait le point. 

En Europe, des systèmes divers

Depuis le traité d'Amsterdam, signé en 1997, l'immigration, les visas et l'asile font partie des compétences de l'Union européenne. Ainsi, une "carte bleue" a été mise en place en 2009 afin de simplifier le recrutement de travailleurs non européens qualifiés par les Etats membres – à l'exception du Danemark, du Royaume-Uni et de l'Irlande. Il s'agit d'un permis de travail semblable à la carte verte américaine. L'Allemagne est le pays qui a délivré le plus de cartes bleues (27 000) en 2018. Mais le système peine à s'imposer dans le reste de l'Union, où une dizaine de pays applique déjà des politiques de quotas.

Au Royaume-Uni et dans la perspective du Brexit, le Premier ministre, Boris Johnson, a déclaré, en juin dernier, vouloir mettre en place un système à points, fondé sur le modèle australien ou canadien, confirmant des informations rapportées par The Financial Times. Les candidats à l'immigration seraient classés selon plusieurs critères, comme l'âge ou le cursus professionnel. L'idée est moins de faciliter la venue de main-d'œuvre que de limiter l'immigration. Sa prédécesseure, Theresa May, avait un temps proposé de limiter le nombre de nouveaux résidents, tous pays confondus, à 100 000 par an. 

En Allemagne, pas de quotas, mais une loi pour faciliter l'immigration professionnelle face au manque de main-d'œuvre qualifiée et au vieillissement de la population. Les sociaux-démocrates du SPD et les conservateurs de la CDU/CSU, au pouvoir au sein d'une coalition, se sont en effet mis d'accord pour que les personnes originaires de pays hors UE puissent obtenir un permis de séjour de six mois afin de trouver un travail. 

Depuis 2011, l'Autriche utilise notamment le système de la carte "rouge-blanc-rouge" réservée aux travailleurs étrangers hautement qualifiés ou pouvant occuper un emploi dans une liste de 45 métiers où la main-d'œuvre manque. Elle accorde, selon un barème de points, un permis de séjour et de travail pour un employeur précis et pour une durée d'un an, comme l'expliquait l'OCDE en 2013 (en PDF). Selon Les Echos (article abonnés), le nombre total de permis de travail est plafonné à 8% de la population active.

L'Estonie limite, elle, le nombre de non-résidents de l’UE à 0,1% de la population nationale permanente (soit 1 315 personnes en 2019), indique la Commission européenne, qui précise que ce quota ne s'applique pas "aux Estoniens de souche, à certains membres de la famille et aux conjoints de résidents permanents en Estonie, aux citoyens des Etats-Unis d’Amérique et du Japon, ni dans certains autres cas".

A l'image de ce que la France va mettre en place, les quotas sont de rigueur en Italie. Ils sont fixés annuellement par décret, comme le souligne le site du gouvernement (en italien). Certains cas particuliers, non précisés, peuvent cependant échapper à ce système. 

La législation du Portugal prévoit aussi un système de quotas en fonction des besoins de main-d'œuvre. Par exemple, en 2009, en pleine crise et avec un chômage élevé, le nombre de travailleurs étrangers en dehors de l'espace Schengen avait été limité à 3 850. En 2019, leur nombre s'élève à 8 200.

Au Canada, un système de points 

Le Canada, qui souffre d'une pénurie de main-d'œuvre, définit chaque année un nombre de personnes qui peuvent venir travailler dans le pays. Ainsi, pour 2019, l'objectif a été fixé à 330 000 personnes, soit un peu moins de 1% de la population du pays, comme le rapportait déjà franceinfo en janvier. Sur ce chiffre, environ 60% de travailleurs sont sélectionnés sur leurs compétences, le reste étant réservé au regroupement familial et aux réfugiés.

Pour sélectionner les candidats à l’immigration, le Canada utilise également un système de points. Les étrangers sont évalués en fonction de leurs compétences, de leur expérience professionnelle, de leurs diplômes, de leur âge et de la connaissance de l'anglais ou du français, les deux langues officielles du pays.

Toutefois, "cela concerne des permis à durée indéterminée, ce n'est pas la même philosophie que l'approche française des quotas. Pour l'immigration temporaire de travail, [le Canada et l'Australie] n'ont pas de limite numérique", nuance Jean-Christophe Dumont, chef de la division migrations internationales de l'OCDE.

Aux Etats-Unis, des quotas et un tirage au sort

Chaque année, les Etats-Unis attribuent 55 000 cartes vertes, qui permettent de devenir résident permanent. Ce titre de séjour, l'un des plus convoités de la planète, répond à un système d'attribution aléatoire qui favorise les pays ayant envoyé peu de migrants aux Etats-Unis sur les cinq années précédentes. Le tirage au sort qui désigne les gagnants complète un premier système de sélection. Les gagnants doivent absolument justifier d'un niveau d'études équivalant au bac ou de deux années d'emploi à un poste nécessitant une formation.

D'autres visas de travail peuvent être obtenus en dehors de cette loterie et répondent eux aussi à des systèmes de quotas. Ainsi, 65 000 visas H1B temporaires destinés à des emplois spécialisés demandant un diplôme de l'enseignement supérieur sont par exemple délivrés chaque année.

Intervenant devant la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, en septembre 2019, Jean-Christophe Dumont, chef de la division migrations internationales à l'OCDE, soulignait que les Etats-Unis et huit autres pays sur les 36 membres de l'organisation avaient instauré des quotas d'immigration. C'est le cas également de l'Australie ou de la Nouvelle-Zélande. 

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