Camion charnier en Angleterre : comment les enquêteurs ont remonté la piste d'un réseau de passeurs vietnamiens en France
Le 23 octobre 2019, 39 corps de migrants sont découverts dans un camion frigorifique près de Londres. L'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre (Ocriest) finit par démanteler la cellule de passeurs, pilotée notamment depuis le Val-de-Marne.
Dix mois après la découverte de 39 corps de migrants vietnamiens dans un camion frigorifique près de Londres, l'enquête se poursuit en Grande-Bretagne, en Belgique et au Vietnam où pourrait se trouver la tête de ce vaste réseau de passeurs. Onze personnes ont été mises en examen depuis mai dernier pour notamment "homicides involontaires et traite des êtres humains en bande organisée". C'est notamment grâce au traceur GPS du semi-remorque, fourni par les Britanniques, que les enquêteurs de l'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre (Ocriest) ont remonté la piste de cette filière clandestine implantée en France.
Depuis le Vietnam, les migrants passent en général par la Russie, les pays de l'Est, l'Allemagne, avant d'arriver en France. Les passeurs les font transiter d'un pays à l'autre. "Une fois qu'ils arrivent en France, ils sont pris en charge par des trafiquants, des organisateurs, qui les logent dans des structures d'accueil, des "safe houses", où ils sont mis en attente le temps que la filière organise leur montée dans le nord de la France", explique Xavier Delrieu, chef de l'Ocriest, un office rattaché à la police aux frontières. Dans ce cas-là, c'était par taxi, ça peut être aussi par véhicule particulier ou par camion, entre autres.
La tête du réseau dans le Val-de-Marne
Les données révèlent que le camion, qui allait se transformer en charnier, a stationné plus d'une heure le 22 octobre 2019 dans la zone commerciale de Bierne, un village près de Dunkerque, avant de prendre la route du port de Zeebruges en Belgique, destination l'Angleterre.
Sous le nom de code "Butterfly", les investigations françaises démarrent : bornages des téléphones des victimes, exploitation des images des caméras de surveillance de la zone industrielle. Tout est passé au peigne fin par la vingtaine de policiers de l'Ocriest détachés sur cette enquête. Ils remontent jusqu'à la tête du réseau, dans le Val-de-Marne : deux Vietnamiens en situation irrégulière, qui font appel à six chauffeurs de taxi franciliens et deux belges pour convoyer les migrants dans le nord de la France. Le 26 mai, les deux passeurs sont interpellés à leurs domiciles en compagnie de neuf sans-papiers vietnamiens.
Jusqu'à 24 000 euros le voyage
Dans ce dossier, "le tarif pour le simple passage de la France à la Grande-Bretagne était dans les 16 000 euros", indique Xavier Delrieu. Mais le coût total d'un voyage du Vietnam jusqu'en Grande-Bretagne peut s'envoler à "20 000 voire 24 000 euros" selon lui. Les passeurs ont une obligation de résultat, ils ne sont payés que lorsque les migrants arrivent à leur destination finale.
Mise en sommeil après la découverte des 39 personnes décédées en Grande-Bretagne, la cellule de passeurs a repris son activité durant l'épidémie de coronavirus. Pas de chargements aussi massifs dans les camions, mais plutôt des convoyages de migrants, toujours avec les mêmes réseaux de chauffeurs dans le nord de la France pour les charger dans les cabines de chauffeurs de poids-lourds, avec la complicité de ces derniers. Et des tarifs cette fois qui atteignaient les 20 000 euros juste pour le passage de la France vers la Grande-Bretagne.
Ce sont des gens sans foi ni loi qui traitent ces pauvres migrants comme des marchandises quelconques qui leur rapportent de l'argent.
Xavier Delrieu, chef de l'Ocriestà franceinfo
"On le constate, ils n'ont aucun remord sur ces personnes décédées en Grande-Bretagne, ils n'ont pas été le moins du monde émus", ajoute Xavier Delrieu. Chaque année, une dizaine de filières clandestines vietnamiennes sont démantelées en France.
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