: Témoignage "Je ne peux pas me taire", témoigne une Russe opposante à la guerre en Ukraine, un an après le début du conflit
Le 24 février, cela fera un an que la Russie a décidé d'envahir l'Ukraine . Un an que la guerre a éclaté et que des millions d'Ukrainiens en subissent les conséquences dans leur vie quotidienne. Si en Russie, la majorité de la population semble soutenir cette guerre, ou en tout cas continuent de soutenir le pouvoir, ce n'est pas le cas de tout le monde. Mais exprimer son opposition à la guerre est un délit qui peut vous conduire en prison. Et la surveillance, la répression, la censure ont éteint toute contestation. De nombreux Russes sont donc réduits au silence, isolés, et vivent mal la situation.
Appelons-la Youlia. La quarantaine, mère de famille bien connue dans son quartier de la grande banlieue de Moscou, Youlia est encore choquée aujourd'hui, un an plus tard, quand elle évoque le début de la guerre en Ukraine. "Au début, je ne suis pas sortie du lit pendant trois jours. C'était physiquement douloureux et je ne savais pas quoi faire, raconte-t-elle. Ensuite je suis allée manifester sur la place centrale avec une pancarte. C'est une petite ville, nous étions huit. Une voiture de police est arrivée, ils ont regardé et ils sont partis. Et j'ai réalisé que j'étais seule, que ça n'intéressait personne."
Quelques jours plus tard, Youlia a voulu comme des centaines de milliers d'autres Russes, faire ses valises et fuir son pays. Elle envisageait de partir pour le Mexique. " J'ai des amis en Amérique", explique-t-elle. "Mais mon mari est venu et m'a dit 'où vas-tu ? On a une hypothèque, on a des parents âgés ici'."
Aide aux réfugiés ukrainiens
Youlia et son mari n'arrivent pas à vendre leur appartement. Le marché de l'immobilier s'est effondré. Elle a donc décidé qu'elle aiderait les réfugiés ukrainiens qui arrivent par milliers en Russie. Certains veulent rejoindre l'Europe. Youlia parle anglais, elle les assiste, mais sait que certains voisins voient cela d'un mauvais œil. Elle craint d'être dénoncée au FSB, le service fédéral de sécurité de la fédération de Russie.
"Je vis constamment dans la peur que tôt ou tard ils viendront. Des volontaires ont déjà été convoqués pour des interrogatoires. Mais je ne peux pas me taire."
Youliaà franceinfo
"Si vous ouvrez ma page Facebook, je ne peux pas appeler la guerre une 'opération spéciale', je ne suis pas ce genre de personne." Au poignet, Youlia porte deux bracelets : un bleu et au jaune, les couleurs de l'Ukraine. Sur sa voiture il y a deux autocollants "Non à la guerre", elle sait qu'ils peuvent lui causer des ennuis, mais de temps en temps, un automobiliste lui fait un signe amical. Alors Youlia garde l'espoir que les choses s'arrangeront. "Dans mon frigo, il y a deux bouteilles de champagne. La première pour la mort de qui vous savez et la deuxième pour la fin de la guerre."
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