: Témoignage Guerre en Ukraine : "Quand j'ai enterré mon père je n’ai rien ressenti, je n’éprouve plus que de la haine et ça me fait peur", confie un combattant ukrainien
Si la contre-offensive ukrainienne surprend par son efficacité, l’impact psychologique de la guerre sur les combattants demeure un sujet tabou. franceinfo a recueilli le témoignage d’un soldat de Mykolaïv, ville dévastée par les frappes russes.
La contre-offensive ukrainienne surprend par son efficacité, mais comment les combattants ukrainiens, éprouvés par plus de six mois de guerre, se sentent-ils ? Yuri, 43 ans, soldat à Mykolaïv, l’une des villes les plus bombardées par l’armée russe, était professeur de sport dans sa "vie d’avant".
Il a réussi à faire fuir sa famille à l’étranger et combat depuis six mois. Ereinté par la guerre, il accepte de dire ses tourments, ceux qu’ici la plupart des combattants subissent, mais que très peu d’entre eux parviennent à exprimer.
"J’étais comme anesthésié"
"Je n’ai plus aucune émotion lorsque je vois des cadavres, des maisons détruites : je n’éprouve que de la haine, rien d’autre, explique Yuri. Ça me fait peur de me sentir ainsi… "
"Durant les premiers jours de la guerre, j’ai dû enterrer mon père et j’ai eu honte parce que je n’ai rien ressenti. J’étais comme… anesthésié."
Yuri, combattant ukrainienà franceinfo
À Mykolaïv, plusieurs écoles, maintenant à l’état de ruines, ont été visées par l’armée russe. Très souvent, les autorités ukrainiennes accusent l’armée russe d’avoir "visé un bâtiment scolaire" : c’est vrai, mais Yuri accepte de livrer une réalité plus complexe.
"Des habitants balancent aux Russes"
"Oui, nos gars, les soldats, étaient ici à l’intérieur, dans l’école, parce qu’il faut bien qu’on se me mette quelque part, confie Yuri. Malheureusement, il y a des habitants qui nous balancent aux Russes : ils ont donné les coordonnées GPS de l’école." Mykolaïv est un enfer pour les militaires : une partie de la population se sent plus proche de Moscou que de Kiev. "Ils ont déjà provoqué tellement de morts comme ça, et il y en aura encore !, se désespère Yuri. Parce qu’ils continuent !"
Les passants, visages fermés, refusent de parler. "Ils disent que la ville est bombardée parce que nous, les militaires, y sommes, continue Yuri. Lorsque ces salauds de Russes les menaçaient directement, ils nous vénéraient…"
"On a fait reculer les Russes, et maintenant, ils nous disent de nous tirer parce qu’ils bombardent à cause de nous. Mais merde !"
Yuri, combattant ukrainienà franceinfo
"Bien sûr, on peut les comprendre, mais on doit se mettre où ?, soupire Yuri. On nous dit d'aller en dehors de la ville, mais ce serait du suicide !"
Après six mois de guerre, la tension et la peur d’être abandonnés
Plus de six mois après le début de la guerre, malgré le succès de la contre-offensive actuelle, les tensions, l’épuisement, la peur sont présents. À cette peur-ci, s’ajoute celle de voir l’Europe et les Etats-Unis se lasser, et l'abandonner, lui, Yuri et ses compagnons, dans un conflit gelé.
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