: Reportage Guerre en Ukraine : sur la route M14 pour Mykolaïv, des récits de frappes, de ruines, de tortures et d'enlèvements
Alors que la contre-offensive lancée par l'Ukraine porte ses fruits dans le nord-est et le sud du pays, l'envoyé spécial de franceinfo a pris la route M14, qui relie la ville d'Odessa à celle de Mykolaïv, encore régulièrement cible des frappes russes.
La voiture roule paisiblement sur les quelque 130 km de la route M14, essentielle et stratégique, qui relie Odessa à la contre-offensive ukrainienne dans le sud du pays, à Mykolaïv. L'autoradio crache un morceau de Phil Collins et sur le bord de la route, des chauffeurs de poids-lourds font une pause.
L'un d'eux, Fedyr, a 37 ans. Il achemine du blé à Odessa, et raconte la guerre, comment les bombardements sont devenus une habitude : "Il y a des frappes sur la route, décrit-il. Le plus récent a eu lieu il y a cinq jours à Mykolaïv : il a fait un trou au milieu de la route. Et à n'importe quel moment, derrière le camion, devant le camion, une autre frappe peut survenir. Le risque existe toujours."
La voiture a redémarré, sur l'air d'un curieux reggae ukrainien. A 100 km de Mykolaïv, un panneau sur le bas côté prévient que la zone est minée. Les kilomètres défilent, les maisons en ruine aussi.
"Avant, ici, c'était une maison..."
"Ça a tapé fort, ici, il y a un mois", explique Arkady, qui traduit les propos d'un homme rencontré alentours. "Avant, ici, c'était une maison, ce qu'on a devant nous !, s'exclame celui-ci, désignant les décombres. Un homme et un gardien ont été tués. C'est la guerre : à Mykolaïv, c'est un spectacle que je vois tous les jours."
A moins de dix kilomètres de la ville, la voiture est arrêtée à un checkpoint : des militaires contrôlent les papiers, puis laissent la voiture repartir. Un peu plus loin, Igor, 28 ans, est venu évacuer des amis restés à Mykolaïv. Il est originaire de Kherson, une ville de 280 000 habitants avant le conflit, prise par les Russes dès le début de la guerre le 24 février, et désormais la cible de la contre-offensive. "Je suis originaire de Kherson, explique-t-il.
"J'ai quitté cette ville le 19 août, explique-t-il. J'y ai connu l'occupation pendant cinq mois : tout est triste, Kherson se meurt petit à petit sous le contrôle des Russes. Il n'y a presque plus personne dans les rues, pas une voiture."
"L'un de mes amis a été enlevé en pleine rue"
"J'ai vu des gens se faire arrêter, poursuit Igor. L'un de mes amis, qui a fait son service militaire en 2014, a été enlevé puis détenu par les Russes. Ils l'ont pris comme ça, en pleine rue, avec sa femme."
"Je connais plusieurs personnes qui ont été torturées : ils ont subi des interrogatoires pour connaître leurs relations, pour savoir si des membres de leur famille étaient des militaires. Ils les passent à tabac juste pour s'amuser."
Igorà franceinfo
Igor dit qu'il va rejoindre l'armée ukrainienne. Selon lui, il y a eu des frappes à Mykolaïv la nuit dernière. Aussi, il faut faire demi-tour. Sur le retour vers Odessa, l'autoradio a renoué avec Phil Collins, sur un air doux, comme avant, quand il y avait la paix.
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