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Témoignage Guerre en Ukraine : un diplomate russe dénonce la "politique inamicale voire hostile" de Vladimir Poutine, et claque la porte

Dans une lettre rendue publique fin mai, Boris Bondarev annonce qu’il quitte la mission russe à l’Office des Nations unies à Genève en raison de l’invasion de l’Ukraine. Il se confie sur franceinfo.

Article rédigé par franceinfo - Marie-Pierre Vérot et Denis Kataev
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Le président russe, Vladimir Poutine, le 16 mai 2022 à Moscou. (SERGEY GUNEEV / SPUTNIK via AFP)

Sa voix est posée, malgré la peur et la colère. C'est une parole rare : un diplomate russe dénonce publiquement la guerre en Ukraine. Dans une lettre rendue publique, fin mai, publiée sur le réseau social professionnel LinkedIn, Boris Bondarev dit sa honte face à la guerre menée par Vladimir Poutine depuis le 24 février, qui est, dit-il, une guerre contre le peuple ukrainien mais aussi contre le peuple russe. Autant de raisons qui l'ont poussé à quitter avec fracas la Représentation permanente russe à l’Office des Nations unies à Genève (Suisse).

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Après avoir mis sa famille en sécurité auprès de lui en Suisse, il a accepté de se confier à franceinfo, dénonçant la dérive de la diplomatie russe depuis l'arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir. "Il n'est plus question de diplomatie", résume-t-il dans sa lettre rendue publique, mais "de bellicisme, de mensonges et de haine (...) Je ne peux tout simplement plus prendre part à cette ignominie sanglante, stupide et absolument inutile."

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"Seuls les faibles cèdent"


"Au début des années 2000, nous entretenions d'assez bonnes relations avec les pays occidentaux, explique Boris Bondarev à franceinfo. Nous avions fait de la coopération avec les États-Unis et l'Europe une priorité. Mais en 2007, il a ce fameux discours de Munich dans lequel Poutine tonne contre le monde entier et dit qu'il a été trompé, que l'Ouest n'a pas été à la hauteur de nos attentes. Il décide alors de mener une politique d'endiguement de l'Occident, et la diplomatie a dû épouser cette ligne, c'est une politique inamicale voire hostile.

Et Boris Bondarev de mettre en garde, Vladimir Poutine n'est pas dans un processus de négociation comme on l'imagine en Occident, mais il a une obsession : "La Russie a toujours raison et nous devons faire valoir nos intérêts sans faire de concessions, parce que seuls les faibles cèdent. Et qu'une grande puissance doit faire respecter pleinement ses intérêts vitaux."

"Notre avis n'est pas partagé par grand monde"

Boris Bondarev est le seul diplomate à avoir, pour l'instant, exprimé publiquement un désaccord aussi violent avec Moscou. Il affirme ne pas être le seul à penser cela : "J'ai des collègues qui partagent des sentiments similaires, des amis qui ont le même point de vue. On parle de cela, bien sûr, mais notre avis n'est pas partagé par grand monde, ce n'est pas le point de vue dominant."

La propagande et la peur ont fait leur œuvre. Boris Bondarev sait ce qu'il risque. Il vit aujourd'hui comme sa famille sous protection en Suisse où il a demandé l'asile politique. Spécialiste des questions de désarmement et de non-prolifération, il cherche un nouvel emploi et dispose d'un atout certain : sa connaissance intime des rouages de la diplomatie poutinienne.

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