Sommet Union européenne-Ukraine : la stratégie de séduction de Kiev pour intégrer rapidement l'UE
Une rencontre des plus symboliques en pleine guerre. L'Ukraine a accueilli vendredi 3 février un sommet avec plusieurs représentants européens, dont la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, et le président du Conseil, Charles Michel. Outre un nouveau paquet de sanctions contre de la Russie, les discussions ont porté sur l'accession de l'Ukraine à l'Union européenne (UE). Une priorité pour le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui estime que son pays, officiellement désigné candidat en juin dernier, mérite d'entamer dès "cette année" les pourparlers d'accession.
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Kiev veut aller vite, très vite. Le Premier ministre, Denys Shmyhal, a confié à Politico* qu'il souhaitait une adhésion "dans les deux ans". Une ambition jugée irréaliste par les diplomates européens ainsi que des experts. Depuis le début de la guerre, le pays a fait des bons de géants vers l'intégration, notamment en adoptant de nouvelles lois pour se conformer au droit européen. Mais un long chemin reste à parcourir. Ce qui n'empêche pas Kiev de déployer sa stratégie de séduction à destination de l'UE.
L'adoption de textes de lois en un temps record
Il s'agit d'un point essentiel, qui permet à l'Ukraine de montrer qu'elle prend sa candidature à l'UE au sérieux. Dans le cadre de sa pré-adhésion, le pays doit mener "mener les réformes administratives, politiques, économiques nécessaires pour intégrer le corpus législatif européen", explique Georgina Wright, de l'Institut Montaigne, au journal Le Monde. Presque tous les domaines sont concernés : des lois encadrant la liberté de la presse aux mesures contre la discrimination au travail, en passant par la réforme de son marché économique.
La Commission européenne avait identifié, en juin dernier, sept chantiers législatifs prioritaires. Selon le président du Parlement ukrainien, Ruslan Stefanchuk, l'Assemblée nationale du pays a adopté tous les textes législatifs demandés par l'UE, rapporte Euractiv. L'Ukraine ne compte pas s'arrêter là. "Nous préparons de nouvelles réformes (...) qui changeront la réalité sociale, légale et politique pour la rendre plus humaine, transparente et efficace", a expliqué Volodymyr Zelensky dans une vidéo* publiée le 31 janvier. Les progrès seront analysés par la Commission européenne au printemps. Cette dernière a d'ailleurs publié un rapport sur la concordance du droit ukrainien avec le droit européen* vendredi. Une fois ces efforts jugés satisfaisants, les négociations seront officiellement ouvertes avec Kiev.
Un renforcement de la lutte contre la corruption
L'une des principales critiques adressées à l'Ukraine est la corruption endémique qui subsiste au sein de ses institutions et administrations publiques. Le pays était classé à la 122e place sur 180 sur l'indice de perception de la corruption de l'ONG Transparency International en 2021. Kiev a accéléré ses efforts dans la lutte anti-corruption ces dernières semaines. Plusieurs hauts responsables, au gouvernement et dans les administrations régionales, ont ainsi été écartés, lundi 23 et mardi 24 janvier. Une vague de perquisitions visant administrations, fonctionnaires et personnalités a ensuite été lancée mercredi 1er janvier.
Une façon de donner un gage de rigueur financière aux alliés qui envoient des millions d'euros d'aide à l'Ukraine. Les efforts semblent payer. "Je suis rassurée de voir les organismes anti-corruption en alerte et détectant rapidement les cas de corruption", a salué Ursula von der Leyen, jeudi.
Une stratégie diplomatique offensive
"L'Ukraine, c'est l'UE, l'UE, c'est l'Ukraine", a lancé Charles Michel vendredi depuis Kiev. Un sentiment partagé par Volodymyr Zelensky, qui mène avec son gouvernement une stratégie diplomatique offensive pour accélérer l'adhésion de son pays. Le président ukrainien s'attache fréquemment à lier le destin de son pays à celui de l'Europe. "[Les forces russes] sont prêtes à prendre leur revanche, pas seulement contre l'Ukraine, mais contre toute l'Europe libre", a-t-il déclaré jeudi, rapporte Politico*. Un état de fait qui justifie, selon lui, que l'Ukraine mérite de commencer dès "cette année" les pourparlers d'accession à l'UE. L'objectif a beau être jugé irréaliste par la plupart des Européens, comme le confirmait un haut diplomate à franceinfo, il est aussi une manière de mettre la pression sur les Vingt-Sept.
Si l'UE a reconnu "les efforts considérables que l'Ukraine a déployés ces derniers mois", dans un communiqué signé par Charles Michel et Ursula von der Leyen à l'issue du sommet de Kiev, les attentes ukrainiennes pourraient être déçues, notamment parce qu'une partie des Etats membres s'inquiètent d'une adhésion trop rapide. "Les attentes des Ukrainiens sont très élevées, mais (...) ils doivent remplir toutes les conditions pour ouvrir les négociations d'adhésion", confiait ainsi un diplomate européen à l'AFP. La stratégie du président ukrainien est cependant critiquée en interne, rapporte Euractiv*. Le média européen relève qu'à force de vouloir aller trop vite, la stratégie ukrainienne pourrait se retourner contre elle-même et finir par agacer les partenaires européens.
* Les liens suivis d'un astérisque sont en anglais.
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