Réunion sur l'Ukraine à l'Élysée : "Il faut être très très précautionneux quand on emploie les mots 'sans limites' entre puissances nucléaires", s'alarme Marine Tondelier

Invitée, jeudi, sur franceinfo, la secrétaire nationale d'EELV s'inquiète du vocabulaire employé par Emmanuel Macron au sujet de la guerre en Ukraine.
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La secrétaire nationale des Écologistes, Marine Tondelier, à Paris, le 24 janvier 2024. (TELMO PINTO / NURPHOTO)

"Il faut être très très précautionneux quand on emploie les mots 'sans limites' entre puissances nucléaires", s'alarme, jeudi 7 mars, sur franceinfo Marine Tondelier, secrétaire nationale d'EELV, après la réunion des chefs des partis politiques convoquée jeudi matin à l'Elysée par Emmanuel Macron. Le président de la République a affirmé lors de cette réunion qu'il n'y avait "aucune limite" ni "ligne rouge" au soutien de la France à l'Ukraine.

Franceinfo : Que retenez-vous de cette réunion ?

Marine Tondelier : D'abord, c'est une bonne nouvelle pour notre démocratie que ce genre de réunions puisse avoir lieu, c'est nécessaire. Si nous étions, en plus de toutes les difficultés que notre pays et que le monde traverse, dans une forme d'incommunicabilité entre partis politiques malgré nos divergences, ce serait dramatique pour notre démocratie. Ensuite, Emmanuel Macron nous a dit qu'il fallait être sans limites avec Vladimir Poutine. On peut entendre ce qui se joue en Ukraine, qu'il faut que l'Ukraine gagne absolument ce combat, mais on est plusieurs à avoir été choqués par cette déclaration. On a l'impression qu'il s'aligne sur Vladimir Poutine en disant que puisque lui est sans limites, nous devons être sans limites aussi et dire que nous le sommes, parce que sinon ça lui donne une forme d'avantage stratégique.

C'est une formule qu'il a déclaré pour quelque part justifier d'avoir mis sur la table la possibilité d'envoyer des troupes en Ukraine, et d'avoir fait ça à l'emporte-pièce sans prévenir ses partenaires français ni européens, ni même le principal intéressé. On parle de Vladimir Poutine qui a l'arme nucléaire et menace de s'en servir. Il faut être très très précautionneux quand on emploie le mot "sans limites" entre puissances nucléaires. Beaucoup de Français doivent être très préoccupés autant que nous le sommes par cette déclaration. En tant qu'écologistes, en tant que pacifistes, en tant qu'humanistes, ça ne peut pas être la ligne de mon mouvement.

A 4 mois des élections européennes, avez-vous le sentiment qu'Emmanuel Macron est en campagne ?

Totalement, et on sait bien que c'est une réunion où il vient défendre sa position. C'est quelqu'un d'assez descendant. Ce qui se joue en Ukraine aujourd'hui, ce n'est pas juste l'avenir et la liberté du peuple ukrainien, c'est l'avenir, la liberté et la paix sur notre continent et au sein même de l'Union européenne, car Vladimir Poutine est dans une stratégie méthodique de déstabilisation de la démocratie sur le continent européen, mise en œuvre jusqu'à des stratégies d'influence de l'information chez nous, de déstabilisation par des cyberattaques très poussées et très dangereuse. La Russie ne peut pas gagner cette guerre, ça c'est clair, je suis d'accord là-dessus avec le président de la République. Outre le fait de dire que ce n'était pas possible de ne parler que d'Ukraine et pas de Gaza et du risque de génocide en cours, on a fait des propositions sur l'Ukraine que nous portons depuis des mois sur de réelles sanctions sur la Russie.

Aujourd'hui, il y a des sanctions économiques, mais on continue chaque jour en Europe et en France à importer des engrais, du gaz, de l'uranium enrichi produits en Russie, et donc à financer l'économie de guerre russe. Ensuite, si vraiment on est sincères sur le soutien à l'Ukraine, il faut intensifier notre aide : on fournit aujourd'hui 3 000 obus par mois à l'Ukraine, qui en a besoin de 3 000 par jour, là où la Russie en utilise 10 000 par jour. C'est là un nœud stratégique, une partie de la guerre se joue là. Il faut être très courageux, beaucoup plus que nous le sommes, et dans les sanctions contre la Russie et dans l'aide à l'Ukraine, mais j'ai l'impression quelque part que les déclarations un peu "va-t-en guerre" et très virilistes du Président, et sur l'envoi de troupes et sur "il faut être sans limites avec Poutine", masquent le fait que nous ne faisons pas assez. Il suffit de comparer en milliards d'euros ce que la France verse en aides bilatérales à l'Ukraine par rapport à l'Allemagne, on voit qu'on fait pâle figure.

Vous êtes donc tous d'accord avec Jordan Bardella sur le côté "va-t-en guerre" du président de la République ?

Je ne suis pas d'accord avec Jordan Bardella, parce qu'il nous a quand même expliqué ce matin qu'il fallait comprendre que quand on versait trop d'argent à l'Ukraine, les Français trouvaient que c'était de l'argent pris sur nos services publics et que c'était mal compris. Parce que notre rôle de politiques, c'est aussi d'expliquer aux Françaises et aux Français que même si c'est dur, chaque euro va compter pour l'Ukraine.

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