: Reportage Kiev entre espoir et méfiance après l'annonce du retrait partiel des troupes russes à la frontière ukrainienne : "C'est du 50-50"
La Russie a annoncé le retrait partiel de ses forces déployées autour de l'Ukraine. Pour les habitants de la capitale, Kiev, c'est un soulagement qui n'efface pas une méfiance tenace.
Pour l'instant, l'affaire tient à une parole contre une autre parole : d'un côté, la Russie, qui a annoncé mercredi 16 février la fin de manœuvres militaires et le départ de certaines de ses forces de Crimée, et 100 000 de ses soldats massés aux frontières ukrainienne ; de l'autre, les pays occidentaux qui, eux, attendent des preuves concrètes de ce retrait.
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Mardi soir soir encore, Emmanuel Macron et Joe Biden se sont parlé au téléphone. Le président américain chiffre à 150 000 le nombre de soldats russes qui seraient encore déployés dans la région. Autant dire que si désescalade il y a, elle prendra un moment.
Ces informations, parfois contradictoires, ne semblent pas perturber les habitants de Kiev : dans la capitale ukrainienne, on ne cesse de le répéter ici, la vie continue. Et l'accordéoniste qui fait la manche dans le métro, sur la place Maïdan, n'a jamais cessé de jouer. Nadia, 69 ans, la vendeuse à la sauvette juste à côté, n'a jamais cessé d'espérer et l'annonce d'un retrait partiel des troupes russes ne fait que la conforter.
"C'est une bonne nouvelle, si c'est vrai. Pour moi, les Russes et les Ukrainiens sont des frères. Nous regarder droit dans les yeux et nous tirer dessus, de toute façon, je n'y ai jamais cru."
Nadiaà franceinfo
Près du palais présidentiel, Elena, 32 ans, profite tout simplement de la petite patinoire. Méfiante, elle se demande cependant ce que cette Ukraine qu'elle souhaite tournée vers l'Europe va bien pouvoir devoir donner en échange.
Dimitri, 38 ans, adopte lui un ton beaucoup plus ferme. C'est un vétéran de la guerre dans le Donbass. "La résolution du conflit dépend entièrement de la Russie, explique-t-il. Tant que Poutine est vivant, il n'y aura pas de solution pacifique. C'est du 50-50 : tout dépend de la Russie et de Poutine. S'il arrive à se calmer ou pas..." Des sentiments mêlés habitent donc les Ukrainiens que franceinfo a rencontrés. Certains se tiennent d'ailleurs prêts à parer à toute éventualité.
C'est le cas par exemple d'Olga, 37 ans, qui a combattu et fait la révolution en 2014. Cette tension qui va et qui vient ne l'ébranle pas et elle garde la tête froide. "Nous avons eu très peur en février 2014 et je ne pense pas qu'on ait plus peur maintenant qu'à l'époque", indique-t-elle.
"On a déjà vécu cette panique, cette crise, cette angoisse, ces espèces de terreur, alors que c'était vraiment l'inconnu, poursuit Olga. On n'avait pas de gouvernement et il y avait la Russie juste à nos portes."
"On a déjà vécu la pire peur : on a déjà eu les manifestants tués, fusillés dans la rue. Je ne pense pas que Poutine puisse nous faire plus peur que pendant la révolution : ça, ça faisait peur."
Olgaà franceinfo
"Bien sûr, j'ai de l'inquiétude parce que j'ai quand même de la famille, j'ai des responsabilités, poursuit Nadia, mais ce n'est pas de la peur, on ne va pas tout laisser tomber et se rouler en boule et avoir peur, non ? Il faut se préparer, surtout. La panique joue surtout pour la Russie. Il faut réfléchir à quoi faire, tous les jours, s'il se passe quelque chose : est-ce que je garde un peu de cash sur moi ? Est ce que je mets de l'essence dans la voiture ? Est ce que j'ai appelé mes grands-parents pour leur dire ce qu'on fait si jamais il faut partir de la ville ? On va se préparer pour la défense."
Le président ukrainien a appelé la population à faire preuve de patriotisme. Ce mardi est une journée d'unité nationale : l'invasion n'a pas commencé, et pour l'instant, l'accordéoniste de la place Maïdan peut encore continuer de jouer.
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