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Reportage À Moscou, le musée de la Victoire a désormais une salle consacrée au "nazisme ordinaire" en Ukraine

Article rédigé par franceinfo, Sylvain Tronchet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
La salle consacrée au "nazisme ordinaire" en Ukraine, dans le musée de la Victoire à Moscou (Russie), fin mai 2022. (FRANCEINFO)

Le grand musée moscovite consacré à la deuxième guerre mondiale de Moscou a inauguré une salle intitulée "le nazisme ordinaire". Cette exposition établit un parallèle entre les combats d’hier et ceux actuellement menés par l’armée russe en Ukraine.

Aucun lieu plus que le musée de la Victoire à Moscou ne permet de comprendre l'omniprésence du souvenir de la deuxième guerre mondiale en Russie, "la grande guerre patriotique" qui a fait 27 millions en morts en URSS. Des dizaines de classes d'école primaires visitent tous les jours cet immense espace de 110 000 mètres carrés. Dans les couloirs on les croise, coiffés de calots de soldats marchant au pas ou jouant à la guerre avec leur guide : "Je pars en éclaireur pour vérifier que la voie est libre. S'ils me tuent, vous me vengerez, les amis", lance l'un de ces conférenciers d'une voix mi-enjouée, mi-mystérieuse, suscitant un mélange de rires et de cris de la part des enfants.

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"La Russie a une mission dans le monde"

Au rez-de-chaussée, des salles reconstituent les principales batailles de la guerre, tandis qu’une grande exposition consacrée à la "vérité historique" rassemble de nombreuses pièces d’archives et documents. Il faut monter au premier étage, pour accéder à la nouvelle salle intitulée "nazisme ordinaire". Inaugurée début mai 2022, elle raconte la supposée renaissance du nazisme en Ukraine, un phénomène  que le pouvoir russe invoque pour justifier son opération de "dénazification". Cet espace d'exposition est interdit au moins de 18 ans, en raison de la violence de certaines images que l’on peut y voir. Mais on y croise quand même des enfants avec leurs parents, dans l’ambiance sonore angoissante d’un métronome égrenant les secondes parfois entrecoupé d’une cloche sonnant le glas.

Au milieu de la salle trône une balançoire avec des peluches d’enfants. Au plafond sont accrochés des petits angelots sur lesquels sont inscrits des noms d’enfants et leurs âges. Aucun panneau n’explique le sens de cette présentation. D’après le média Meduza (interdit en Russie), il s'agirait de noms d’enfants victimes de la guerre dans le Donbass, apparus sur des sites web proches des séparatistes. 

Dans une vitrine, le drapeau ukrainien côtoie des emblèmes nazis sans qu'il n'y ait de texte explicatif. (FRANCEINFO)


D’une façon générale, l’exposition comporte peu d’éléments explicatifs. Un drapeau ukrainien côtoie ainsi une tasse décorée d’une croix gammée dans une vitrine sans que l’on sache pourquoi ces deux objets ont été ainsi rapprochés. D’autres vidéos montrent des images d’une grande violence a priori tournées récemment en Ukraine où l’on voit des soldats se faire exécuter. Là encore, aucun commentaire ne vient en préciser le contexte. Une vidéo se termine sur un détournement de l'hymne nazi,"Ukraine uber alles" ("l'Ukraine par dessus tout"). Autant d’images qui ont frappé Larissa, venue de Sibérie passer quelques jours à Moscou. Elle en a profité pour visiter le musée et elle se dit impressionnée : "C'est très émouvant, explique cette quadragénaire. On y voit comment les nôtres ont survécu au nazisme ou en sont morts. Et aussi la comparaison avec ce qui se passe en Ukraine aujourd'hui où le nazisme prospère. Et je ne veux pas de ça."

"Le fascisme sera vaincu"

L'exposition revient également sur le procès de Nuremberg et la figure de Stepan Bandera, nationaliste ukrainien ayant collaboré avec l’occupant nazi au début de la guerre. Les actuels dirigeants ukrainiens sont parfois qualifiés de "bandéristes" par le pouvoir russe.

Des enfants visitent le musée de la Victoire de Moscou (Russie), fin mai 2022 (FRANCEINFO)

Andrei, un autre visiteur sort convaincu que les actuels dirigeants ukrainiens sont les héritiers de ces nationalistes : "Je pense que la Russie a une mission dans le monde. L'histoire montre qu'aucun autre pays que nous n'est prêt à de tels sacrifices. Et là, tout est évident, ça en est une nouvelle preuve. Je pense que personne ne doit en douter. Nous serons victorieux. Le fascisme sera vaincu, cette fois encore."

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