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Guerre en Ukraine : trois questions sur la décision de Volodymyr Zelensky de suspendre la procureure générale et le chef de la sécurité

"Les liens établis entre des responsables ukrainiens en charge de l'application des lois et les services spéciaux russes posent des questions très sérieuses aux dirigeants concernés", a déclaré Volodymyr Zelensky dimanche soir. 

Article rédigé par Valentine Pasquesoone
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, lors d'une conférence de presse avec le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, le 11 juillet 2022 à Kiev (Ukraine).  (SERGEI SUPINSKY / AFP)

Il s'agit, selon le Washington Post*, de la plus grande réorganisation au sein des autorités ukrainiennes depuis le début de l'invasion russe, le 24 février. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a décidé, dimanche 17 juillet, de suspendre la procureure générale Iryna Venediktova, ainsi que le chef des services de sécurité (SBU) de l'Ukraine Ivan Bakanov, du fait de soupçons de trahison de certains de leurs employés au profit de Moscou. 

"Le président Zelensky montre ainsi qu'il fait du ménage dans ses rangs", commente auprès de franceinfo Carole Grimaud Potter, et fondatrice du Center for Russia and Eastern Europe Research (CREER) à Genève. Qu'est-il reproché à Ivan Bakanov et Iryna Venediktova, "deux personnes proches du président" comme le relève la spécialiste de la Russie et des espaces post-soviétiques ? Franceinfo répond à trois questions sur cette mise à l'écart, près de cinq mois après le début de la guerre en Ukraine

1Qui sont Iryna Venediktova et Ivan Bakanov, les deux responsables suspendus ? 

Comme le souligne le Washington Post*, la procureure générale relevée de ses fonctions est une ancienne conseillère de Volodymyr Zelensky, en charge des affaires étrangères lors de sa campagne présidentielle, selon Politico*, et également élue de son parti. Iryna Venediktova, nommée procureure générale en 2020, est la première femme à avoir occupé ce poste. Certains Ukrainiens, précise le journal américain, la critiquent pour son manque de résultats en matière de lutte contre la corruption. Lors de sa nomination, le président ukrainien avait prévenu qu'elle serait remplacée si ses efforts pour mettre un frein à la corruption ne produisaient pas assez de résultats. 

Depuis le début de la guerre en Ukraine, elle est particulièrement connue pour son rôle dans les enquêtes sur les crimes de guerre présumés commis par les forces russes en Ukraine. 

Ivan Bakanov, de son côté, connaît Volodymyr Zelensky depuis l'enfance. Ils ont travaillé ensemble pour une société de production de divertissements, avant qu'Ivan Bakanov ne supervise la campagne présidentielle de Volodymyr Zelensky, détaille Politico. Ce proche du président ukrainien a été nommé aux services de sécurité ukrainiens, qui compte environ 30 000 agents, en 2019. Plusieurs voix critiques l'avaient jugé inapte à gérer un organisme d'une telle importance. 

2Que leur reproche Volodymyr Zelensky ? 

Dans une vidéo diffusée sur Telegram dimanche soir, le dirigeant ukrainien a annoncé avoir "pris la décision de relever de leurs fonctions la procureure générale", Iryna Venediktova, "et le chef des services de sécurité" Ivan Bakanov. 

"À ce jour, 651 procédures pénales ont été enregistrées concernant des activités de trahison et de collaboration (avec la Russie) d'employés de parquets, d'organes d'enquête préliminaire et d'autres agences de maintien de l'ordre", poursuit le président. "En particulier, plus de 60 employés du bureau du procureur et des services de sécurité de l'Ukraine sont restés en territoire occupé (par les forces russes) et travaillent contre notre État", a-t-il ajouté. 

"Un si grand nombre de crimes contre les fondations de la sécurité nationale et les liens établis entre des responsables ukrainiens en charge de l'application des lois et les services spéciaux russes posent des questions très sérieuses aux dirigeants concernés."

Volodymyr Zelensky

lors d'un discours diffusé sur Telegram dimanche

"Chacune de ces questions recevra une réponse", a-t-il assuré. La mise à l'écart d'Ivan Bakanov et d'Iryna Venediktova vise à acter leur manque d'actions pour éviter ces actes de "trahison", mais aussi à prévenir "leur influence potentielle" dans les procédures pénales lancées contre leurs employés, a précisé Andriy Smyrnov, chef adjoint du cabinet de Volodymyr Zelensky. 

Lundi, ce dernier a souligné que le fait de suspendre Ivan Bakanov et Iryna Venediktova n'impliquait pas, à ce stade, leurs renvois de ces deux postes, rapporte l'agence de presse ukrainienne Ukrinform*. Il s'agit plutôt d'une première étape, car "le président et nous tous attendions depuis suffisamment longtemps que les chefs de ces agences prennent des mesures plus spécifiques et, peut-être, radicales pour éliminer les collaborateurs et les traîtres d'État".

Des vérifications et enquêtes seront menées sur les deux responsables concernés, a précisé Andriy Smyrnov. En fonction des conclusions de ces enquêtes, "le président prendra une décision sur la nécessité de déposer une motion au Parlement, pour approuver la révocation de la procureure générale et du chef des services de sécurité d'Ukraine"

3Que sait-on des cas de "trahison" dénoncés ? 

Selon le chef adjoint du cabinet du président ukrainien, "des collaborateurs (auprès des Russes), continuent d'être identifiés au sein de ces agences de maintien de l'ordre presque chaque semaine".

Fin juin, Politico* a révélé que Volodymyr Zelensky et son entourage avaient déjà pour objectif de remplacer Ivan Bakanov, du fait d'"échecs" en matière de sécurité depuis le début de l'offensive russe. Le média américain citait, dans son enquête, le cas de Serhiy Kryvoruchko, à la tête du conseil d'administration de la branche locale du SBU à Kherson : celui-ci est accusé d'avoir enclenché l'évacuation de ses agents avant l'entrée des Russes dans la ville, et ce contre les ordres du président ukrainien, souligne Politico.

Son assistant, le colonel Ihor Sadokhin, est également soupçonné d'avoir informé des troupes russes sur la présence de mines ukrainiennes, et d'avoir contribué à l'élaboration d'une trajectoire de vol pour un avion russe. Il s'est aussi enfui avec d'autres agents du SBU vers l'ouest. Un autre agent des services de sécurité ukrainiens, Andriy Naumov, est en outre accusé d'avoir fui quelques heures avant le début de l'invasion russe de l'Ukraine. 

Pour des responsables ukrainiens cités par Politico, la prise rapide de Kherson par l'armée russe, le 3 mars, est également liée à l'incapacité du SBU de détruire le pont Antonovskiy, permettant ainsi l'avancée des forces russes dans la ville. "L'occupation russe de Kherson s'est faite relativement pacifiquement. Ils (le gouvernement ukrainien) soupçonnent qu'il y ait eu une aide locale pour faciliter la tâche des Russes", analyse Carole Grimaud Potter. La chercheuse pointe les bons résultats du parti prorusse "Opposition Platform - For Life" dans la région du sud de l'Ukraine, lors des élections locales en 2020. "Il s'est positionné comme un parti pro-paix", ajoute-t-elle. La spécialiste juge très probable la présence de soutiens de ce parti au sein de la branche locale du SBU. 

*Ces liens renvoient vers des articles en anglais.

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