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Guerre en Ukraine : que sait-on des drones iraniens employés par l'armée russe ?

Depuis trois semaines, les Shahed-136, des drones kamikazes, sèment la peur dans le sud de l'Ukraine. Une frappe a touché un objectif militaire, mercredi, dans une ville proche de la capitale Kiev.

Article rédigé par franceinfo
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Une image de drone abattu par les forces ukrainiennes, diffusée le 13 septembre 2022 et présenté comme un Shahed-136 de fabrication iranienne. (FORCES ARMEES UKRAINIENNES)

Certains bâtiments de Bil Tservka étaient encore en flammes au petit matin, mercredi 5 octobre. Cette petite ville à 80 kilomètres au sud de Kiev porte les stigmates d'une frappe russe, qui a fait au moins un blessé. Cette attaque, qui a ciblé la 72e brigade mécanisée, selon les autorités ukrainiennes, a été menée à l'aide de drones de fabrication iranienne, des Shahed-136. La même nuit, Kiev dit avoir neutralisé six autres appareils kamikazes du même modèle, dans la région de Mykholaïv.

Celle-ci a déjà été visée, trois jours plus tôt, par ces drones et plusieurs attaques similaires ont récemment été signalées dans la région de Kryvyï Rih et aux environs d'Odessa, ville jusqu'ici relativement épargnée, car hors de portée de l'artillerie russe. Depuis trois semaines, des drones Shahed-136 sont déployés à grande échelle par l'armée russe et les documents attestant l'emploi de ces armes à longue portée se multiplient. Franceinfo fait le point sur cette nouvelle menace contre l'Ukraine.

Des drones rebaptisés pour l'occasion

Les premières inquiétudes sont nées le 13 septembre, quand l'armée ukrainienne a diffusé les images d'un drone à longue portée, présenté comme un Shahed-136 en raison de "l'apparence des ailes". Un mois plus tôt, un premier test avait été mené par la Russie contre un obusier américain, selon Rodio Koulaguine, un officier ukrainien interrogé par le Wall Street Journal (en anglais).

Ces fleurs macabres ont été rebaptisées "Geran-2" ("Géranium"), mais il s'agit, en réalité, de Shahed-136 ("Martyr-136", en farsi). Ces appareils mesurent 3,5 mètres d'envergure pour 200 kg et peuvent être équipé d'une ogive de 40 kg. "Ces drones atteignent [leur] cible par coordonnées GPS, entrées avant [leur] décollage", expliquait à l'AFP Pierre Grasser, chercheur français associé au laboratoire Sirice à Paris. Leur "principal défaut, c'est qu'ils ne peuvent frapper que des cibles fixes". Ce type de drone est utilisé quand l'artillerie russe est à la peine.

"Ils font beaucoup de bruit, comme une tronçonneuse ou un scooter" et leur efficacité est "très basse", assurait Natalia Goumeniouk, porte-parole du commandement militaire ukrainien, interrogée par l'AFP fin septembre. Leur effet, essentiellement, est d'exercer une "pression psychologique sur la population". Elle reconnaissait, en revanche, que ces appareils "sont très difficiles à détecter car ils volent très bas". Ces drones sont lancés en "grappes", a précisé mercredi le porte-parole des forces aériennes ukrainiennes, Yuriy Ignat. Les signaux radars qu'ils provoquent peuvent alors être interprétés comme une cible unique.

"En fait, c'est comme un obus d'artillerie, il vole à 120 kilomètres par heure et descend à une vitesse plus élevée lorsqu'il atteint la cible."

Yuriy Ignat, porte-parole de l'armée de l'air ukrainienne

à la télévision ukrainienne

"Avec l'aide d'un autre drone qui observe et cible, les Shahed-136 fonctionnent comme des missiles guidés", expliquait récemment au Figaro Igor Delanoë, directeur adjoint de l'observatoire franco-russe à Moscou. Pour cela, il peut être appuyé par un autre drone de reconnaissance et de ciblage, comme le Mohajer-6, lui aussi de fabrication iranienne.

Kiev cherche encore la parade

Cet appareil de moyenne altitude et longue endurance est considéré comme le concurrent direct du Bayraktar TB-2 turc des forces armées ukrainiennes. En août, le renseignement américain, cité notamment par Politico (en anglais), avait également observé des mouvements d'aviation russe sur un aérodrome iranien. En jeu : des drones Mohajer-6, Shahed-129 et Shahed-191, dédiés à la reconnaissance, l'identification d'objectif et aux frappes ciblées.

Combien de ces drones Shahed-136 l'armée russe possède-t-elle ? Peut-être des centaines, selon Yuriy Ignat. Les forces ukrainiennes doivent donc trouver une parade en urgence. Il y a dix jours, cette question a fait l'objet d'une réunion entre le président Volodymyr Zelensky et plusieurs responsables, selon l'agence Reuters (en anglais).

Toutes les unités ne possèdent pas de fusils anti-drones, de brouilleurs d'onde et autres systèmes de défense aérienne. Certaines doivent improviser des systèmes artisanaux, avec des mitraillettes équipées sur des véhicules. Et avec de faibles garanties d'efficacité. "Voici le premier résultat des 'chasseurs de cyclomoteurs'", s'est félicité mercredi Vitaliy Kim, gouverneur de l'oblast de Mykolaïv, avec une photo de deux supposés drones iraniens. Il n'a pas précisé, toutefois, comment ces drones avaient été abattus.

Le gouverneur de la région de Mykolaïv, Vitaliy Kim, a publié une image de supposés drones iraniens, le 5 octobre 2022. (VITALIY KIM / TELEGRAM)

Kiev veut également réagir sur le terrain diplomatique, en réclamant des comptes à Téhéran. Le ministère des Affaires étrangères a dénoncé des livraisons, "en contradiction avec la position de neutralité affichée publiquement par les hauts responsables iraniens". L'accréditation de l'ambassadeur a été supprimée fin septembre, malgré les dénégations de l'Iran, et la présence diplomatique iranienne a été réduite en Ukraine.

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