Guerre en Ukraine : quatre questions sur le blocus visant les routiers ukrainiens à la frontière polonaise

Malgré le soutien de Varsovie à Kiev dans sa guerre contre la Russie, les deux pays voisins restent embourbés dans des disputes commerciales.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des camions bloqués au poste frontière de Korczowa, sur leur route de l'Ukraine vers la Pologne, le 5 décembre 2023. (WOJTEK RADWANSKI / AFP)

La situation s'améliore, mais reste tendue à la frontière entre l'Ukraine et la Pologne. Après un blocage de plusieurs semaines, des agriculteurs polonais ont levé, dimanche 24 décembre, le blocage du poste-frontière de Medyka, situé dans le sud du pays. "La circulation des camions a repris", ont annoncé sur Facebook les gardes-frontières ukrainiens.

Mais deux autres points de passage restent fermés côté polonais, dans le but de dénoncer la "concurrence déloyale" des routiers ukrainiens, sur fond de disputes commerciales entre Varsovie, Kiev et l'Union européenne. 

Alors que le trafic a repris doucement lundi dans le sens Ukraine-Pologne, le gouvernement polonais fraîchement nommé est resté à pied d'œuvre pour calmer les routiers du pays, après près de deux mois de blocages. Franceinfo revient sur cette crise frontalière aux dimensions européennes. 

1 Depuis quand les blocages routiers visent-ils les camions ukrainiens ?

Comme le rappelle l'agence de presse polonaise PAP, les transporteurs routiers du pays ont lancé leurs actions de blocus le 6 novembre dernier. Les postes de contrôle de Medyka, Dorohusk et Korczowa, trois principaux lieux de transit entre l'Ukraine et la Pologne, ont notamment été paralysés par des camionneurs et des agriculteurs polonais. 

Les manifestants n'ont pas seulement bloqué l'accès des camions ukrainiens vers la Pologne : ils ont aussi empêché des routiers de rejoindre l'Ukraine. Mi-novembre, près de 3 000 chauffeurs ukrainiens ont ainsi été retenus du côté polonais pendant une dizaine de jours, créant des files d'attente parfois longues de 30 kilomètres, comme l'a rapporté la BBC.

Des routiers ukrainiens, alors coincés depuis un mois en Pologne, le 5 décembre 2023. (WOJTEK RADWANSKI / AFP)

"Des milliers de [chauffeurs] sont forcés de vivre avec peu de nourriture, d'eau et de carburant", avait détaillé sur X le ministre ukrainien des Infrastructures, Oleksandr Kubrakov, appelant au déblocage du trafic. Mais durant les semaines qui ont suivi, la tenue des barrages a forcé les autorités ukrainiennes à déployer des équipes pour ravitailler les routiers coincés.

2 Que réclament les transporteurs routiers polonais ?

Le déblocage d'un premier poste-frontière majeur, dimanche, représente une lueur d'espoir dans la dispute qui déchire Varsovie et Kiev depuis de longues semaines. A Medyka, "l'enregistrement ainsi que le passage des camions entrant en Ukraine s'effectuent comme d'habitude", assurent les gardes-frontières ukrainiens. Mais les routiers polonais attendent toujours des contreparties dans la lutte qui les oppose à leurs voisins du sud-est.

L'Association des transporteurs routiers internationaux en Pologne (ZMPD) dénonce sur son site un "grave déséquilibre concurrentiel des entreprises de transport polonaises" face aux sociétés ukrainiennes. Les membres de la ZMPD réclament notamment le rétablissement d'un système européen de permis pour les compagnies de transport ukrainiennes.

Ce dispositif a été suspendu par l'UE depuis l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, afin de soutenir l'effort de guerre ukrainien grâce aux "routes de la solidarité", rappelle Euronews. Mais les transporteurs polonais estiment que cela a aussi créé de nombreuses opportunités pour les routiers ukrainiens, aux tarifs bien moins élevés que leurs voisins. Après une prolongation, l'exemption de laissez-passer est pour l'instant en vigueur jusqu'au mois de juin 2024.

3 Comment Varsovie et Kiev négocient-elles ? 

La Pologne, alliée de l'Ukraine dans la guerre contre l'envahisseur russe, veut adopter une nouvelle approche dans cette crise. Fraîchement arrivé au pouvoir, son Premier ministre, Donald Tusk, a juré de mettre fin à "la longue inaction" du gouvernement précédent dans ce dossier.

Avant la réouverture du poste de Medyka, le nouveau chef de la diplomatie polonaise, Radoslaw Sikorski, avait rencontré, vendredi 22 décembre à Kiev, le ministre Oleksandre Koubrakov, ainsi que son homologue des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, mais aussi le président ukrainien, Volodymyr Zelensky.

Pour Kiev, cette situation, jugée "inacceptable", exige des solutions urgentes. "Une position commune" doit être trouvée "dans les prochains jours", espère le chef de la diplomatie ukrainienne. En plein réchauffement des relations entre les deux pays, le président Zelensky a aussi évoqué sur X l'achat de nouvelles armes polonaises à Varsovie. De son côté, Donald Tusk a promis de trouver une solution avec les transporteurs polonais mécontents. 

4 Ces blocages ont-ils une incidence sur la guerre en Ukraine ?

Si une partie de l'aide militaire occidentale, telle que les munitions et les véhicules blindés, transite généralement sur les réseaux ferrés, la route reste une ligne de vie pour l'Ukraine en guerre. Parmi les camions bloqués ces dernières semaines, nombreux étaient ceux qui transportaient de l'aide alimentaire, du carburant ou encore des équipements médicaux, a fait valoir le ministre ukrainien des Infrastructures.

Le transport terrestre vers l'Ukraine, fragilisé en l'espace de deux mois, a bien failli être encore plus réduit après des menaces et une série de blocages organisés, début décembre, par des routiers slovaques à la frontière ukrainienne. Au plus fort de la crise, les transporteurs hongrois ont aussi menacé de se joindre au mouvement.

Alors que les bombardements et attaques de drones russes continuent de s'abattre sur l'Ukraine, la Pologne veut toutefois continuer à soutenir sa voisine envahie. A l'inverse de l'ancien gouvernement, qui avait suspendu en septembre l'aide militaire à Kiev, le nouvel exécutif polonais assure qu'il aidera son voisin dans la durée. "Dans ce combat titanesque, la Pologne est à vos côtés", a assuré vendredi le chef de la diplomatie polonaise, Radoslaw Sikorski, cité par la chaîne DW.

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