Guerre en Ukraine : pourquoi la prise de Vouhledar par l'armée russe constitue une défaite stratégique et symbolique pour Kiev
Elle a fini par tomber. L'armée ukrainienne a annoncé, mercredi 2 octobre, qu'elle se retirait de la ville de Vouhledar, la laissant aux mains des troupes russes après deux ans et demi de combats meurtriers. "Le haut commandement a donné son autorisation à la manœuvre de retrait de Vouhledar pour permettre de sauver les hommes et les équipements militaires et de prendre de nouvelles positions pour la suite des opérations", a expliqué sur Telegram le groupement de forces ukrainiennes dans la zone.
Le lendemain, jeudi 3 octobre, la Russie a revendiqué la prise de cette localité, située dans l'est de l'Ukraine. "Grâce aux actions résolues des unités du groupement de troupes Est, la localité de Vougledar (...) a été libérée", s'est félicité le ministère de la Défense russe sur Telegram. Franceinfo vous explique pourquoi ce retrait est un coup dur pour Kiev dans le conflit.
Parce que Vouhledar est une position hautement stratégique
Les combats dans cette ville, qui comptait près de 15 000 habitants avant le début de la guerre le 24 février 2022, ont débuté dès les premières semaines de l'offensive russe. Ville minière de charbon située dans la région de Donetsk (est du pays), construite par l'Union soviétique dans les années 1960, Vouhledar faisait partie des cibles prioritaires de Moscou.
Outre la présence de mines de charbon, la ville, aujourd'hui largement détruite par les bombardements incessants, offre l'avantage d'être située en hauteur et de permettre aux troupes qui la contrôlent d'avoir une vue panoramique de la zone. Il s'agit également d'un carrefour stratégique pour l'approvisionnement des deux camps, car située à la jonction des fronts est (régions de Louhansk et de Donetsk) et sud (régions de Zaporijjia et de Kherson).
Cette prise de guerre va offrir à la Russie la possibilité de frapper l'Ukraine encore plus en profondeur et va obliger les troupes ukrainiennes à reculer. "Vouhledar est un nœud logistique qui, en cas de perte, impliquerait mécaniquement un recul de la ligne défensive, car les Ukrainiens devraient alors s'appuyer sur d'autres nœuds logistiques situés plus en profondeur", avait expliqué à Ouest France Thibault Fouillet, directeur scientifique de l'Institut d'études de stratégie et de défense, avant le retrait ukrainien. "Potentiellement, la perte de la ville menace la sécurité de toute la partie sud-ouest de l'oblast de Donetsk", résumait également fin septembre Federico Borsari, chercheur au Centre d'analyse de la politique européenne, dans le Kyiv Independent.
Parce que ce retrait illustre les manques de l'armée ukrainienne
Dès le mois de septembre, plusieurs responsables ukrainiens avaient estimé que tenir Vouhledar devenait toujours plus difficile, les Russes pilonnant constamment cette zone avec des bombes aériennes guidées très puissantes. "La principale tactique [des Russes] était de nous encercler par les flancs, et ils l'ont fait constamment pendant six à sept mois avec des attaques aériennes constantes. Grâce à cette tactique, ils ont réussi à épuiser nos ressources, car nous n'en avons pas autant qu'eux", a déclaré à ABC Arsenii Prylipka, chef du bureau de presse de la 72e brigade, qui défendait la ville depuis août 2022.
Pourtant, les troupes ukrainiennes ont réussi à repousser les Russes l'année dernière. "En janvier et en septembre 2023 notamment, les Russes avaient perdu des dizaines, voire des centaines de blindés et de chars, détruits par l'artillerie ukrainienne et les champs de mines installés depuis des mois", écrit Le Figaro.
Mais, malgré cette résistance acharnée, les troupes ukrainiennes ont dû céder, notamment face à la force de frappe russe. "Ils ont de l'équipement, ils ont des armes et ils ont plus de monde que nous", a expliqué à l'AFP un commandant ukrainien, chargé de défendre la ville. Symboliquement, Vouhledar constitue donc une lourde perte après plus deux ans et demi de lutte et alors que Volodymyr Zelensky s'est rendu aux Etats-Unis il y a deux semaines pour présenter son "plan de la victoire", réclamant toujours l'autorisation des Américains et des Européens pour utiliser leurs armes à longue portée.
Parce que sa chute symbolise les avancées russes
Avant de revendiquer cette victoire, la Russie a d'abord fait preuve de prudence. "Nos soldats sont dans Vouhledar, un drapeau russe a été planté sur le bâtiment de l'administration locale. Cependant, il est prématuré de parler de prise de la ville", a déclaré mercredi Ian Gaguine, un conseiller du dirigeant des forces d'occupation de la région de Donetsk, à l'agence de presse d'Etat russe RIA Novosti. "Il y a encore des unités éparses de l'armée ukrainienne. Une opération de nettoyage est en cours et prendra un certain temps", a-t-il ajouté.
Mais cette chute illustre les avancées des Russes, qui grignotent du terrain dans l'Est et se rapprochent toujours plus de Pokrovsk, une ville clé pour la logistique ukrainienne. Cette victoire conforte Vladimir Poutine alors qu'il vient de présenter son projet de loi budgétaire 2025 qui prévoit une envolée de 30% des dépenses militaires l'an prochain. Le budget militaire national avait déjà explosé de près de 70% en 2024. Le président russe avait érigé mi-septembre "le renforcement de la capacité de défense du pays" et "l'intégration des régions" ukrainiennes occupées comme des "priorités".
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