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Guerre en Ukraine : "On sait que les Russes ont miné la centrale de Zaporijjia", affirme une experte indépendante en sûreté nucléaire

Selon Olga Kosharna, la menace que fait peser la Russie sur la centrale nucléaire de Zaporijjia est "bien réelle". Et représente un "atout" pour Moscou afin d'arrêter la contre-offensive de Kiev.
Article rédigé par Camille Magnard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
La centrale nucléaire de Zaporijjia en Ukraine, le 29 mars 2023. (SERGEI ILNITSKY / EPA / VIA MAXPPP)

Que se passe-t-il vraiment au cœur de la plus grande centrale nucléaire du sol européen ? Kiev alerte depuis la mi-juin sur le fait que les Russes prépareraient un assaut sur la centrale de Zaporijjia, pour en accuser l’Ukraine et semer un peu plus le chaos dans ce conflit.

>> DOCUMENT FRANCEINFO. Guerre en Ukraine : dans les coulisses de la visite sous haute tension de l'AIEA à la centrale de Zaporijjia

Si l'Agence Internationale pour l'Énergie Atomique (AIEA), en visite à la centrale à la mi-juin, reconnaissait que la situation est "grave", son directeur général a ensuite assuré, le 29 juin, dans un entretien accordé à France 24, qu'il n'y avait pas de preuves que Moscou préparerait un assaut contre la centrale.

Une menace pourtant "bien réelle", selon Olga Kosharna, une experte indépendante en sûreté nucléaire rencontrée à Kiev par franceinfo. Cette ancienne membre du Conseil de direction de la surveillance nucléaire ukrainienne l'assure : "Je n'ai peur de rien et je ne pense pas que mon point de vue d'experte critique puisse faire du tort à mon pays. Au contraire".

Une vue aérienne de la centrale dite de "Zaporijjia", à Enerhodar. (GOOGLE MAPS)

"Politique de la terre brûlée"

Ces derniers temps, Olga Kosharna se dit plutôt d'accord avec son gouvernement, qui alerte sur la menace "bien réelle", selon l'experte : les troupes russes s'apprêteraient à provoquer un accident nucléaire à la centrale, occupée depuis plus d'un an.

Elle accuse : "Depuis août 2022, on sait qu’ils y ont installé des munitions, des armes lourdes et qu’ils ont miné la centrale. Il faut comprendre la logique des Russes : quand ils n’arrivent pas à rester maîtres de quelque chose, ils pratiquent la politique de la terre brûlée. C’est ce qu’ils ont fait au barrage de Kakhovka, et il faut comprendre la logique des Russes : quand ils n’arrivent pas à rester maîtres de quelque chose, ils pratiquent la politique de la terre brûlée. C’est ce qu’ils ont fait au barrage de Kakhovka." 

"Je suis persuadée que la centrale est l’atout qu’ils gardent dans leur manche pour arrêter notre contre-offensive". 

Olga Kosharna

à franceinfo



L'AIEA "légitime l'action des Russes", estime l'experte en sûreté nucléaire

Selon l'experte, le scénario le plus à craindre serait que les Russes accusent l’Ukraine d’avoir fait exploser un système de refroidissement de la centrale, ce qui entraînerait un accident nucléaire avec fuite radioactive. Les conséquences seraient limitées sur les cinq réacteurs qui sont arrêtés à froid, estime-t-elle, mais beaucoup plus graves sur le dernier réacteur encore arrêté à chaud, et que les Russes refusent de basculer à froid.

La centrale nucléaire de Zaporijjia à Enerhodar (Ukraine), le 9 juillet 2019. (DMYTRO SMOLYENKO / NURPHOTO / AFP)

Olga Kosharna en veut beaucoup à l’AIEA et à son patron Rafael Grossi. "Lors de sa dernière visite à Zaporijjia,on lui avait demandé d'insister sur le fait que les Russes devaient mettre le réacteur n°5 en arrêt à froid. Mais il n’en a pas dit un mot !", raconte l'experte. "La mission de l’AIEA n’a aucun poids sur les décisions techniques, et elle légitime l’action des Russes, poursuit Olga Kosharna. À mon avis, il faudrait tout simplement évacuer leurs experts, parce que les Russes pourraient les retenir en otages et les utiliser comme boucliers humains quand ils vont devoir partir".

Olga Kosharna regrette surtout que ces alertes ne semblent pas entendues par les alliés occidentaux de l’Ukraine. Elle rappelle que beaucoup de pays européens, dont la France, ont des liens très étroits et anciens avec l’industrie atomique russe, en particulier pour acheter ou faire transiter l’uranium consommé par nos centrales.

Le témoignage d'Olga Kosharna au micro de Camille Magnard

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