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Guerre en Ukraine : manifestations, enlèvements, privations... A quoi ressemble le quotidien dans les villes occupées par l'armée russe ?

Plusieurs villes du sud de l'Ukraine, situées entre Odessa et Marioupol, sont tombées aux mains des soldats russes. Les habitants y dénoncent l'invasion décidée par Vladimir Poutine mais font face à une répression croissante.

Article rédigé par franceinfo
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Un véhicule de l'armée russe le 15 mars 2022 devant la centrale hydro-électrique de Kherson (Ukraine). (SPUTNIK / AFP)

Vivre sous l'occupation. Un mois après le début de l'invasion russe, lancée le 24 février, plusieurs grandes villes du sud de l'Ukraine ont été prises par les troupes de Vladimir Poutine. A Kherson, Melitopol ou Berdiansk, les habitants subissent le sort des populations occupées. Voici à quoi ressemble le quotidien dans ces villes désormais sous contrôle de l'armée adverse.

A Kherson, des manifestations réprimées

Située au sud de l'Ukraine, non loin de la Crimée annexée par la Russie en 2014, Kherson est la première grande ville conquise par les forces russes, le 3 mars. Depuis, cette cité de plus de 200 000 habitants est devenue le théâtre de manifestations pacifiques presque quotidiennes. Les participants exhortent les soldats russes à partir. "Ici, c'est l'Ukraine, allez-vous-en, rentrez chez vous", entend-on par exemple dans les cortèges.

Les manifestants, scandant "Gloire à l'Ukraine"ont été dispersés lundi 21 mars par des tirs d'armes automatiques, des grenades assourdissantes et des gaz lacrymogènes. Des responsables ukrainiens ont fait état d'au moins un blessé.

"A Kherson, les occupants ont tiré vers des gens qui étaient sortis pacifiquement, sans armes, pour protester. Pour la liberté, pour notre liberté", a affirmé le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans une vidéo postée mardi à l'aube. Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba a quant à lui dénoncé sur Twitter "les criminels de guerre russes [qui] ont ouvert le feu sur des gens sans arme qui manifestaient pacifiquement contre les envahisseurs".

A Melitopol, un maire enlevé puis libéré

Le 11 mars, Ivan Fedorov, maire de Melitopol, a été emmené de force et en plein jour par des soldats russes alors qu'il se trouvait au centre de crise pour s'occuper de questions d'approvisionnement. Située à mi-chemin entre le port assiégé de Marioupol et Kherson, Melitopol est également occupée par les forces russes. Peu après l'annonce de son enlèvement, des dizaines d'habitants se sont réunis pour demander la libération de l'élu. Selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky, e maire a été enlevé parce qu'il "refusait de coopérer avec l'ennemi"

Dès le lendemain, Volodymyr Zelensky a appelé son homologue français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz pour leur demander d'aider à faire libérer Ivan Fedorov. Ce dernier a été relâché le 16 mars, en échange de neufs prisonniers russes, selon la déléguée aux droits humains du Kremlin, Tatiana Moskalkova.

Dans une vidéo postée sur Telegram, le président ukrainien, qui a parlé au maire de Melitipol, s'est dit "content d'entendre la voix d'un homme vivant". Le maire lui a répondu qu'après "un ou deux jours pour s'en remettre", il serait à nouveau à ses ordres "pour contribuer à notre victoire". Cependant, l'édile n'a pas retrouvé ses fonctions au sein de la mairie où il a été remplacé par l'élue prorusse, Galina Danilchenko, installée à la tête de la ville par les forces russes.

Deux jours après l'enlèvement d'Ivan Fedorov, un autre maire a été enlevé, à 80 km plus au nord, à Dniproroudné. Ces enlèvements ont été condamnés par l'UE. "Il s'agit d'une nouvelle attaque contre les institutions démocratiques en Ukraine et d'une tentative d'établir des structures gouvernementales alternatives illégitimes dans un pays souverain", a dénoncé le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, sur Twitter.

"Ces enlèvements et autres pressions sur les autorités locales ukrainiennes constituent une autre violation flagrante du droit international", a ajouté Charles Michel le président du Conseil européen. "L'agression militaire et politique de la Russie contre l'Ukraine doit cesser."

A Kakhovka, un journaliste kidnappé

Kidnappé par des soldats russes le 12 mars, le journaliste ukrainien Oleh Baturin, 43 ans, travaillant à Khakova, dans la région de Kherson, a été relâché après huit jours de détention. "Ils voulaient les noms et contacts de ceux qu'ils appellent les 'nationalistes' – qui organisent les rassemblements de soutien à l'Ukraine à Kakhovka, Nova Kakhovka, Kherson et d'autres villes occupées – et de ceux qui gèrent les chaînes Telegram dans la région", a-t-il expliqué dans une interview au Monde.

D'autres personnalités, activistes entre autres, disparues mystérieusement dans les zones occupées par les Russes, ne sont toujours pas réapparues, comme la coordinatrice des manifestations à Melitopol, Olga Gaisumova, qui a été kidnappée le 12 mars, rapporte également Le Monde (article payant). Si le nombre de disparitions, "mélange d'enlèvements ciblés et aléatoires" selon l'analyste politique Mattia Nelles qui a fui Kiev, est inconnu, les témoignages recueillis par Le Monde et ceux obtenus par des défenseurs des droits de l'homme attestent tous d'une répression croissante.

A Berdiansk, la télévision et le gaz coupés

"Les gens restent unis face à l'occupation", rapporte Igor, un habitant de Berdiansk, interogé le 10 mars par franceinfo"Ils ont coupé la télévision. Nous n'avons pas non plus de gaz, donc pas de chauffage. On a juste l'électricité. Il n'y aura bientôt plus de nourriture, les magasins, les entrepôts se vident. Je ne sais pas où ça va aller, mais il faut que tout ça se termine."

Berdiansk a été rapidement conquise par les troupes russes. Mais dans ce port qui donne sur la mer d'Azov, des habitants ont aussi manifesté contre l'occupation. "Ils sont de plus en plus nombreux", remarque Igor. "Berdiansk, c'est l'Ukraine !", les entend-on crier dans une vidéo. Les manifestants dénoncent aussi les contraintes imposées par l'occupant russe.

L'occupation ne signifie pas la fin des combats. La marine ukrainienne a ainsi affirmé jeudi 24 mars avoir détruit un navire russe de transport de troupes qui avait jeté l'ancre dans la ville. Une information invérifiable dans l'immédiat. Berdiansk est situé à 80 km à l'ouest du port stratégique de Marioupol, ville assiégée depuis la fin du mois de février.

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