Guerre en Ukraine : "Je suis archi convaincu que Vladimir Poutine répondra de ses actes", affirme un avocat spécialiste en droit pénal international
Me Emmanuel Daoud ajoute qu'il considère que Vladimir Poutine "est un criminel de guerre depuis longtemps", notamment "depuis le bombardement d'Alep".
"Je suis archi convaincu que monsieur Poutine répondra de ses actes", a affirmé vendredi sur franceinfo Me Emmanuel Daoud, avocat au barreau de Paris, spécialiste en droit pénal international et inscrit sur la liste des avocats auprès la Cour pénale internationale, alors que les accusations contre Moscou de commettre des crimes de guerre en Ukraine se multiplient, à mesure que les victimes civiles augmentent dans des attaques sanglantes menées par l'armée russe, et alors que le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) enquête sur des allégations de crimes de guerre en Ukraine. "Ces poursuites sont des signaux très forts adressés à l'ensemble des parties prenantes, à commencer par monsieur Poutine", assure Emmanuel Daoud. "A un moment ou un autre, ils devront répondre de leurs actes", assène l'avocat.
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franceinfo : Que peut faire le droit dans une guerre où les règles sont manifestement bafouées ?
Me Emmanuel Daoud : Ce que peut faire le droit, c'est d'annoncer un message très clair aux criminels de guerre, et en particulier à monsieur Poutine, dont je considère qu'il est un criminel de guerre depuis longtemps, depuis le bombardement d'Alep, depuis le bombardement de Grozny, où des populations civiles ont été délibérément attaquées. C'est un signal contre l'impunité. Il faut comprendre que le droit et la mise en œuvre du droit devant les juridictions internationales, et en particulier la Cour pénale internationale, cela prend du temps. Les crimes qui sont poursuivis sont des crimes qui sont imprescriptibles. Celles et ceux qui sont des criminels de guerre et qui sont identifiés comme tels savent qu'à un moment ou un autre, ils devront répondre de leurs actes. Et je pense que c'est un moyen de pression qui, évidemment n'est peut-être pas très efficace aujourd'hui pour arrêter immédiatement les hostilités, pour faire cesser ces bombardements contre les populations civiles, mais a le mérite d'exister. Slobodan Milosevic a été déféré devant la Cour pénale internationale, Ratko Mladic aussi. Donc il ne faut pas désespérer.
Faut-il imaginer un renversement du pouvoir en Russie pour voir un jour Vladimir Poutine devoir s'expliquer ?
Oui c'est une hypothèse. Mais je voudrais vraiment insister sur un point. Je suis peut-être trop optimiste ou crédule. Mais l'existence de ce droit pénal international, l'existence de ces poursuites, l'existence même de l'ouverture de cette enquête sont des signaux très forts qui sont adressés à l'ensemble des parties prenantes dans ce conflit et à commencer par monsieur Poutine.
Joue-t-on avec les mêmes règles ?
Non, bien sûr que l'on ne joue pas avec les mêmes règles puisque, quand vous êtes dictateur et un despote comme monsieur Poutine et que vous êtes un criminel de guerre, vous devez regarder en souriant la Cour pénale internationale et les juristes s'agiter. Mais ça, c'est le temps du court terme. À moyen et long terme, ce sera peut-être une autre histoire.
Vous avez évoqué Grozny, Alep, des faits qui remontent à cinq ou vingt ans. Pourtant Vladimir Poutine et les autorités russes n'ont jamais été inquiétés pour ces faits-là...
La différence aujourd'hui, et malheureusement la différence cynique, notamment lorsque l'on se place du côté des nations occidentales, c'est que cette fois-ci, on est en Europe. Cette fois-ci, cela concerne les Ukrainiens et les Ukrainiennes. Et je pense qu'on a atteint du côté de monsieur Poutine un point de non-retour. Je vais le dire comme je le pense de façon triviale. Vraisemblablement, les Européens se fichaient des Tchétchènes et se fichaient des Syriens. Aujourd'hui, il s'agit des Ukrainiens. Il s'agit d'un président d'Ukraine qui interpelle les nations occidentales tous les jours. Et je pense que cela va changer la donne.
Est-ce que l'on arrive aujourd'hui aux limites de l'organisation du droit international, au pouvoir très puissants des membres du Conseil de sécurité avec l'un de ses membres qui se retrouve agresseur ?
Le Conseil de sécurité, dans cette hypothèse-là, est totalement pieds et poings liés et ne peut en aucune façon être actif s'agissant du respect de l'application du droit pénal international. Je rappelle que les États-Unis, la Chine, la Russie, Israël et l'Inde ne sont pas signataires du Statut de Rome. Donc, on voit bien les limites de l'exercice. Pour autant, nous avons une situation ukrainienne, dont est saisi la Cour pénale internationale avec une enquête qui a été déclenchée.
Combien faudra-t-il d'hôpitaux détruits, de maternités visées, de théâtres abritant des civils pour que l'attitude des Occidentaux, pour que le droit puisse prendre le dessus sur l'immédiateté des décisions de Vladimir Poutine ?
Je ne peux pas répondre à cette question. La seule chose que je puis vous dire, c'est comme avocat et comme citoyen, quand je vois les ruines du théâtre de Marioupol, les larmes me viennent aux yeux. Mais il y a aussi la volonté des uns et des autres, et avec nos confrères et consœurs ukrainiennes, de nous battre parce que la justice pénale internationale n'est pas un vain mot. Et je suis archi convaincu que monsieur Poutine répondra de ses actes.
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