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Guerre en Ukraine : ce que l'on sait sur le bombardement de la gare de Kramatorsk

Une frappe de missile a eu lieu vendredi, au moment où des civils étaient rassemblés pour fuir cette région de l'est du pays par crainte d'une offensive russe. Un massacre qui a suscité l'indignation des Occidentaux.

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
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La gare de Kramatorsk (Ukraine), le 8 avril 2022 après un bombardement meurtrier. (FADEL SENNA / AFP)

Des civils pris pour cible alors qu'ils tentaient de fuir l'avancée des combats dans la région du Donbass, dans l'est de l'Ukraine. La gare de Kramatorsk a été frappée par un bombardement, vendredi 8 avril au matin. 

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Selon le dernier bilan officiel en date des autorités régionales, 52 personnes ont été tuées et 109, blessées. Voici ce que l'on sait sur ce massacre qui suscite l'indignation des Occidentaux.

Des corps dans des sacs et des trottoirs maculés de sang

Le missile s'est abattu sur la gare vers 10h30, à l'heure où, comme chaque jour, des centaines d'habitants s'y regroupent dans l'espoir de monter dans un train ou une voiture qui leur permettra de fuir l'offensive russe, relate l'envoyée spéciale de France Télévisions sur place, Maryse Burgot.

Arrivée sur les lieux après le bombardement, l'équipe d'envoyés spéciaux de France Télévisions a filmé des scènes de chaos. Des corps entassés sur le sol, dans des sacs mortuaires ou sous des bâches, des trottoirs maculés de sang, des valises abandonnées, une femme en pleurs qui embrasse le corps sans vie d'un proche...

Un homme, qui venait d'arriver à la gare avec sa grand-mère, s'est éloigné pour aller acheter des cigarettes, juste au moment du bombardement. "Je viens juste de sortir son corps sans vie de la voiture", raconte-t-il à France 2. "Tout a explosé tout d'un coup, beaucoup de gens sont morts", témoigne un autre homme.

Une cible stratégique

Une partie du Donbass est contrôlée depuis 2014 par des séparatistes prorusses. Kramatorsk est la "capitale" de cette zone encore sous contrôle ukrainien. Une région qui vit dans l'angoisse d'une offensive russe majeure et imminente. Car après avoir retiré ses troupes de la région de Kiev et du Nord de l'Ukraine, le président russe Vladimir Poutine a fait de la conquête totale du Donbass sa priorité. La ville de Kramatorsk est désormais enserrée au Sud et à l'Est par les "républiques" séparatistes prorusses de Donetsk et Lougansk, et par l'avancée des troupes russes au Nord.

La région de Kramatorsk et ses habitants sont sous la menace d'un opération militaire d'envergure qui les prendrait en tenaille. Ces derniers jours, les autorités ukrainiennes n'ont donc cessé d'appeler la population à évacuer le Donbass au plus vite. Et Kramatorsk a vu affluer les déplacés quittant leur domicile pour se réfugier à l'Ouest, loin des combats, explique Maryse Burgot sur France 3.

Moscou dément être responsable de la frappe

Moscou a démenti être responsable de la frappe. Le Kremlin a affirmé ne pas disposer du type de missile qui aurait été utilisé et dénoncé une "provocation" ukrainienne. "Les forces armées ukrainiennes ont commis le 8 avril un nouveau crime de guerre, en frappant avec un missile tactique Totchka-U", a réagi le ministère russe des Affaires étrangères.

Celui de la Défense a accusé Kiev d'avoir "orchestré" la frappe pour "empêcher le départ de la population de la ville afin de pouvoir l'utiliser comme bouclier humain". Une stratégie qui n'est pas nouvelle : Moscou dénonce régulièrement des "provocations" ukrainiennes pour se défendre des accusations d'exactions et de crimes de guerre, comme à Boutcha.

Après le bombardement, les restes d'un missile étaient visibles sur le parvis de la gare, comme le notent Les Révélateurs, le service de vérification des images de France Télévisions. On pouvait y lire en russe "Pour nos enfants". Cette expression récurrente des séparatistes prorusses est une référence à leurs enfants tués depuis la première guerre du Donbass, commencée en 2014.

Le président ukrainien demande "une réponse ferme"

En réaction, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a dénoncé les méthodes "inhumaines" de la Russie. "Sans la force et le courage de nous affronter sur le champ de bataille, ils annihilent cyniquement la population civile. C'est un mal qui n'a pas de limites. Et s'il n'est pas puni, il ne s'arrêtera jamais", a-t-il écrit vendredi sur Telegram. "C'est un autre crime de guerre de la Russie, pour lequel chacun parmi ceux impliqués sera tenu responsable", a dit le président ukrainien dans un message vidéo, samedi matin. "Les puissances mondiales ont déjà condamné l'attaque de la Russie contre Kramatorsk. Nous attendons une réponse ferme mondiale à ce crime de guerre", a-t-il poursuivi.

Les dirigeants occidentaux condamnent

Volodymyr Zelensky a été entendu par le président des Etats-Unis. Cette attaque sanglante sur la "capitale" de la partie du Donbass encore sous contrôle ukrainien est une "nouvelle horrible atrocité commise par la Russie", a réagi dans un tweet Joe Biden.

Un haut responsable américain du ministère de la Défense a balayé les arguments des autorités russes. "Je note qu'initialement ils ont fait état d'une frappe réussie, et qu'ils se sont rétractés uniquement après des informations sur des victimes civiles", a souligné ce responsable.

C'est une "attaque méprisable", selon la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, arrivée vendredi en Ukraine pour une visite de soutien, accompagnée du chef de la diplomatie de l'Union européenne, Josep Borrell. Tous deux sont allés en fin d'après-midi à Boutcha, près de Kiev, où des dizaines de cadavres portant des vêtements de civils, certains les mains liées dans le dos, ont été découverts début avril après le départ des forces russes.

Le chef d'Etat français a, lui aussi, dénoncé le bombardement de Kramatorsk comme "abominable". Plus généralement, Emmanuel Macron a ajouté ensuite que la France était en train de "rassembler les preuves" contre "des crimes de guerre des Russes" en Ukraine. "Nous avons envoyé des gendarmes et des magistrats en coopération pour aider (...) à récolter des preuves de la culpabilité de soldats russes et l'identité de ces soldats russes", a-t-il ajouté.

Le ministre des Affaires étrangères a même parlé d'un "crime contre l'humanité""Ils tapent la gare, sur des réfugiés, donc sur des civils donc ça répond aux crimes contre l'humanité", a estimé Jean-Yves Le Drian, vendredi soir sur France 5, dans une référence évidente aux forces russes. "C'est sordide, un carnage de plus", a dit le chef de la diplomatie français. "Ces crimes ne pourront pas rester impunis", a-t-il martelé, en faisant aussi référence aux massacres de civils perpétrés dans la banlieue de Kiev.

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