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Gaz : l'arrêt de Nord Stream "est une manière de faire pression" sur l'Europe, analyse un spécialiste

Selon Philippe Chalmin, "ce n'est vraiment pas le moment pour Vladimir Poutine d'abaisser la pression qu'il fait porter sur l'Europe au travers du gaz naturel."

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le gazoduc Nord Stream, au nord-est de l'Allemagne, est mis à l'arrêt par le géant russe Gazprom. (ODD ANDERSEN / AFP)

Philippe Chalmin, le professeur d'histoire économique à l'université Paris-Dauphine, spécialiste des matières premières et de l'énergie, affirme samedi 3 septembre sur franceinfo que l'arrêt "complet" du gazoduc Nord Stream par le géant russe Gazprom en raison de fuites d'huile est "une manière de faire pression" sur les Européens. Pour lui, "c'est une fuite d'huile politique".

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franceinfo : Des fuites d'huile peuvent-elles vraiment justifier l'arrêt complet du gazoduc ?

Philippe Chalmin : C'est une fuite d'huile politique, dans la mesure où Siemens qui fabrique la turbine en question dit que ce type d'événement peut arriver et qu'il n'y a aucune raison d'arrêter le gazoduc pour autant. C'est une manière de faire pression et ce d'autant plus qu'on sent la tension monter en Europe à cause de la flambée du prix du gaz, de la flambée du prix de l'électricité. Les doutes sur la stratégie adoptée vis-à-vis de la Russie se renforcent un petit peu et il faut se rendre compte que, cela nous concerne moins au niveau français, mais il y a un certain nombre de pays à l'Est de l'Europe qui commencent à être des maillons faibles, notamment la Bulgarie. Ce n'est vraiment pas le moment pour Vladimir Poutine d'abaisser la pression qu'il fait porter sur l'Europe au travers du gaz naturel.

Le G7 a décidé de plafonner le prix du pétrole russe. La présidente de la Commission européenne estime qu'il est temps de plafonner les prix du gaz russe. Ce faisant, les Occidentaux n'agissent-ils pas comme la Russie ?

Je dirais que c'est plus facile du côté des Russes de fermer le robinet que du côté des Occidentaux. J'ai peur que le système imaginé par le G7 ne soit quelque peu une usine à gaz.

"Force est de constater que pour l'instant les ventes de pétrole russe se sont largement maintenues, au-delà même des estimations qu'on avait pu faire. Certes, le pétrole russe se vend un petit peu moins cher que le baril de Brent, mais, pour l'instant en tout cas, la Russie est assez peu affectée."

Philippe Chalmin, professeur d'histoire économique

à franceinfo

Sur le gaz, c'est quand même plus complexe parce qu'ils ferment Nord Stream, ça veut dire que peu à peu ils ne vont plus exporter de gaz sur l'Europe, sauf qu'ils n'ont pas tellement d'autres moyens d'exporter du gaz. Les tuyaux vers la Chine sont saturés et les exportations de gaz naturel liquéfié seront de toute manière assez limitées.

Gazprom assure qu'il va livrer près de 43 millions de mètres cubes de gaz à l'Europe via l'Ukraine ce samedi. Les livraisons ne sont donc pas coupées ?

Les gens de Gazprom, pour l'instant, essaient de respecter autant que faire se peut les contrats, donc ils essaient de trouver de bonnes raisons de ne pas utiliser Nord Stream. Le paradoxe est que, effectivement, le tuyau qui passe par l'Ukraine continue à débiter du gaz, de la même manière qu'il y a quand même des tuyaux qui font venir, vers l'Italie en particulier, du gaz en provenance de la mer Caspienne. Si les Russes voulaient le bloquer, ils y arriveraient d'une manière ou d'une autre. Donc, quelque part, ils maintiennent une certaine fiction de contrat sur lequel ils auraient simplement des problèmes techniques, comme s'ils disaient "ah bon il y a une guerre ? Non, nous ne sommes pas concernés, nous n'avons que des problèmes techniques".

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