Brexit : c'est quoi, ce nouveau plan proposé par Boris Johnson ?
Le Premier ministre britannique a présenté mercredi un "compromis" pour éviter un Brexit sans accord. Il a été fraîchement accueilli par les Européens.
Comment sortir l'Irlande du Nord de l'Union européenne sans installer de frontières physiques entre les deux ? Pendant trois ans, les équipes de l'ancienne Première ministre, Theresa May, se sont creusé la tête pour trouver un moyen de mettre en œuvre le Brexit, tout en préservant à la fois l'unité du Royaume-Uni et les accords de paix en Irlande du Nord, sans succès. C'était le fameux "backstop", honni des Brexiters. Boris Johnson a, mercredi 2 octobre, proposé son propre plan, pour régler la question du statut commercial de l'Ulster et se débarrasser du "backstop".
Dès le lendemain, les négociateurs européens ont fait savoir que ce dernier ne leur convenait pas. Or, à l'approche de la date limite du Brexit, fixée au 31 octobre, la pression est à son comble pour empêcher le scénario, aux conséquences imprévisibles, d'une sortie de l'UE sans accord. Franceinfo vous dit ce qu'il faut savoir de ce nouveau plan controversé.
Que propose Boris Johnson ?
Le plan de Boris Johnson prévoit que l'Irlande du Nord quitte l'union douanière européenne, comme le reste du Royaume-Uni, mais que la province britannique continue quand même à appliquer les règles européennes en matière de circulation des biens, y compris agro-alimentaires. Pour cela, il veut créer une "zone de réglementation" englobant toute l'île d'Irlande, avec l'accord du parlement et de l'exécutif nord-irlandais. Cette option éliminerait tous les contrôles réglementaires entre l'Irlande du Nord et l'Irlande. Cela éviterait donc de réinstaurer une frontière physique entre les deux Irlandes, laquelle menacerait la paix dans la région, en proie à de terribles violences entre 1968 et 1998.
La collecte des taxes douanières n'aurait pas non plus lieu entre les deux pays. Le suivi des marchandises serait opéré grâce à une "coopération étroite entre le Royaume-Uni et l'Irlande", avec des vérifications ponctuelles, à distance, précise Le Monde.
Pour cela, Boris Johnson propose de donner au Parlement nord-irlandais la possibilité de décider, avant la fin de la "période de transition" (fin 2020), s'il accepte d'adhérer à cette zone réglementaire commune à toute l'île. Il pourrait voter à nouveau pour ou contre tous les quatre ans. Le Premier ministre britannique demande aussi à l'UE de signer un traité par lequel elle s'engagerait à ne jamais réinstaurer de frontière physique entre les deux Irlandes.
Pour le Premier ministre britannique, ce compromis "juste et raisonnable" rendrait à Londres le contrôle "total" sur sa politique commerciale, contrairement au "backstop" imaginé par Theresa May.
Qu'est-ce qui était prévu à l'origine ?
Avec les négociateurs européens, les Britanniques ont d'abord imaginé un système provisoire appelé "backstop" : ce dernier prévoyait de créer temporairement une union douanière regroupant le Royaume-Uni et l'UE, si aucune solution n'est trouvée, d'ici juillet 2020, au casse-tête de la frontière irlandaise.
En clair, les marchandises circuleraient librement entre le continent et l'archipel britannique. Le Royaume-Uni n'aurait pas le droit de négocier d'autres accords de libre-échange, afin d'éviter que des produits d'un pays tiers n'entrent trop facilement sur le marché européen, via l'Irlande du Nord.
Critiqué de toute part, le "backstop" était un élément-clé de l'accord de retrait proposé par Theresa May, lequel a été rejeté trois fois par les députés britanniques.
Pourquoi le plan de Johnson dérange-t-il l'UE ?
La "première réaction" du Parlement européen n'est "pas positive", a déclaré mercredi soir le député Guy Verhofstadt, président du "comité de pilotage du Brexit". "Ces propositions de dernière minute du gouvernement britannique, dans leur forme actuelle, ne constituent pas la base d'un accord", estime l'eurodéputé libéral. Michel Barnier, négociateur en chef chargé de la préparation et de la conduite des négociations avec le Royaume-Uni, voit même un piège dans cette proposition, rapporte le Guardian (en anglais).
D'abord, l'entourage de Michel Barnier estime que les contrôles "à distance" proposés par Johnson sont impossibles, en l'état actuel des technologies, explique Le Monde. Il n'y a donc, pour l'UE, aucune garantie que les contrôles soient suffisants pour que les produits qui entrent en Irlande (donc dans l'UE) via l'Irlande du Nord respectent bien les normes européennes.
Mais le plus gros frein, pour les Européens, consiste à donner au parlement nord-irlandais la possibilité de sortir de la "zone réglementaire", de manière unilatérale (par le vote reconduit tous les quatre ans). Les négociateurs de l'UE y voient un droit de veto accordé à Stormont (l'exécutif et le Parlement nord-irlandais). Si ce droit est utilisé, "c'est retour au 'no deal'", résume un proche des négociations au Monde Si le Parlement nord-irlandais décidait un jour de quitter le marché commun, "l'UE serait piégée, sans filet de sécurité, pour protéger son marché intérieur", explique Michel Barnier, cité par le Guardian. Ceci à cause du traité voulu par Boris Johnson qui empêcherait l'UE de réinstaurer une frontière physique entre les deux Irlandes.
Comme les Européens, le Premier ministre irlandais, Leo Varadkar, estime que ces propositions "ne remplissent pas entièrement les objectifs du 'backstop'". Il a donc réaffirmé sa volonté de continuer à travailler pour trouver un accord.
Et maintenant ?
À moins d'un mois de la date prévue pour le Brexit, le temps presse. Boris Johnson doit donc poursuivre ses discussions avec ses homologues. N'oublions pas que l'accord devra être validé par l'unanimité des 27, sans quoi le Royaume-Uni sortira de l'UE brutalement le 31 octobre.
La perspective du rétablissement d'une frontière entre les deux Irlandes, en cas de "no deal", inquiète particulièrement Dublin, qui y voit une menace pour la paix en Irlande du Nord.
Boris Johnson a prévenu qu'en cas d'échec des négociations avec l'UE, il ne demanderait pas de report du Brexit à Bruxelles, bien qu'une loi le lui impose, s'il n'obtient pas d'accord d'ici au 19 octobre, juste après le prochain sommet européen.
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