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Courtois, parano et partisan de la Grande Allemagne : qui est Norbert Hofer, favori de la présidentielle en Autriche ?

Le candidat de l'extrême droite était à égalité avec son rival écologiste, dimanche, après le second tour.

Article rédigé par Julie Rasplus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Norbert Hofer, le candidat du Parti de la liberté (FPÖ, extrême droite), exulte après son score au premier tour de l'élection présidentielle autrichienne, le 22 avril 2016, à Vienne.  (LEONHARD FOEGER / REUTERS)

Personne ne le connaissait au début de la campagne, et pourtant : Norbert Hofer est devenu le favori de l'élection présidentielle en Autriche. Le candidat d'extrême droite du Parti de la liberté (FPÖ) était au coude-à-coude, dimanche 22 mai, avec l'écologiste Alexander Van der Bellen, après un second tour si serré que les résultats étaient finalement attendus lundi. Au premier tour, le populiste avait recueilli 35% des suffrages et balayé les partis traditionnels.

A 45 ans, l'ingénieur en aéronautique n'a pas vu venir son succès. Lorsque le dirigeant de son parti, l'emblématique Heinz-Christian Strache, lui a proposé d'être le candidat du FPÖ, il a même décliné l'offre, se trouvant "trop jeune", raconte La CroixC'est pourtant bien son âge qui a conquis un électorat fatigué de la grande coalition formée par les sociaux-démocrates et les conservateurs.

C'est même cette discrétion qui a joué en sa faveur. L'homme s'est présenté comme un candidat "neuf, honnête et compétent", alors même qu'il cumule deux décennies d'expérience politique. Depuis 2013, Norbert Hofer est vice-président du Parlement autrichien. Il est aussi un membre historique du FPÖ, qu'il a rejoint il y a vingt-deux ans. 

Son sourire pour principal atout

Tout au long de la campagne, Norbert Hofer s'est échiné à rejeter les accusations d'extrémisme. "A chaque campagne, c'est la même chose. On nous accuse d'être des fascistes. Il faut apprendre de sa propre histoire, mais il ne faut pas en être prisonnier", a-t-il ainsi rétorqué lors d'un débat auquel nos confrères de France 2 assistaient.

C'est d'ailleurs l'un des seuls moments où l'homme a perdu son sang-froid. Le reste du temps, il a pris soin d'apparaître sous son meilleur jour. Lors des débats télévisés, auxquels il assistait assis depuis qu'un grave accident de parapente l'a laissé partiellement handicapé en 2003, il a toujours affiché un visage calme et souriant. Du coup, l'homme est "réputé pour sa courtoisie", écrit Le Figaro.

Même sur la question des migrants, thème central de la campagne, Norbert Hofer a évité les dérapages, tout en surfant sur la peur de ses concitoyens. Il a laissé au placard les sorties xénophobes, rompant avec le profil de la précédente candidate du FPÖ. En 2010, Barbara Rosenkranz avait défrayé la chronique pour sa proximité avec l'idéologie nazie et les négationnistes.

Un programme hostile aux étrangers

En présentant ce "visage amical", le quadragénaire "est soudain devenu une option pour de nombreux électeurs", constate le quotidien Die Presse, cité par La Croix. Norbert Hofer incarne désormais la dédiabolisation recherchée par le FPÖ. Reste qu'il a mené toute sa campagne armé d'un pistolet Glock, relève The Telegraph (en anglais). Interrogé sur cette lubie, il s'est justifié en invoquant la crise des migrants : "Dans des temps incertains, les gens essayent de se protéger."

En réalité, Norbert Hofer "ne dévie pas d’un millimètre de la ligne du parti", et joue clairement sur l'ambiguïté pour convaincre les foules. Cela n'a pas trompé le site Vice News (en anglais), qui rappelle les positions du candidat. Pour lui, "l'Autriche doit quitter l'Union européenne, (...) renvoyer tous les étrangers et (...) interdire aux femmes de porter le foulard".

En avril, Norbert Hofer a justement expliqué ce dernier point. "Pour moi, la burqa est un symbole de l'oppression des femmes, tout comme le foulard", a-t-il ainsi déclaré, selon le site The Local (en anglais), avant d'ajouter que "ce que l'on fait chez soi concerne forcément les autres". Pour enfoncer le clou, le candidat a prévenu qu'il refuserait de nommer une femme portant le foulard dans son gouvernement. Tout comme il a menacé de dissoudre l'Assemblée si la majorité ne le suivait pas sur la question des migrants. 

Un idéologue "fasciné par la Grande Allemagne"

L'homme affable est surtout l'un des principaux idéologues du FPÖ, dont il a rédigé le programme en 2011, rappelle The Guardian (en anglais). Ce proche de Heinz-Christian Strache, sulfureux chef du parti, y a notamment introduit l'expression Volksgemeinschaft, une référence à la "communauté allemande", utilisée par la propagande nazie.

Il est aussi membre honoraire de la corporation étudiante Marko-Germania zu Pinkafeld, qui défend l'idée du pangermanisme, une des bases du national-socialisme. Son manifeste daté de 1994 rejette l'idée "saugrenue" d'une nation autrichienne, explique le quotidien britannique. Die Zeit (en allemand) affirme qu'en janvier, Norbert Hofer a arboré une écharpe aux couleurs de l'Allemagne lors d'une réception. En 2015, il avait déjà appelé à réintégrer la province italienne du Tyrol du Sud, qui fit partie de l'Empire austro-hongrois.

A l'approche du second tour, certains n'hésitent donc pas à tirer la sonnette d'alarme sur la vraie personnalité du candidat. Christian Rainer, rédacteur en chef de l'hebdomadaire Profil, parle "d'un homme fasciné par l'idéologie de la Grande Allemagne (...), sorti du chapeau par un chef de parti qui a frayé dans le milieu néonazi".

Il n'empêche. Norbert Hofer, qu'un proche de l'ex-dirigeant du FPÖ Jörg Haider qualifie dans le Guardian de "loup déguisé en mouton", pourrait bien devenir le premier président d'extrême droite d'un pays européen depuis la seconde guerre mondiale. 

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