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Vidéo Sous les trottoirs de Paris, le réseau de froid urbain veut remplacer les climatiseurs

Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Article rédigé par Sarah Calamand
Radio France
Dix centrales alimentent le réseau de froid urbain parisien, premier réseau d'Europe, qui se présente comme une alternative plus propre à la climatisation individuelle.

Place du Canada, dans le 8e arrondissement de Paris, on ne remarque pas le cercle dessiné dans le béton du trottoir. Un cercle qui pourtant se soulève et révèle l'escalier d'accès à une centrale de production de froid, entrée digne d'un film de science-fiction. 

La centrale, située sous les pieds des nombreux passants, forme un cylindre de 30 mètres de diamètre et 30 mètres de profondeur, divisé en quatre étages. Propriété de la Ville de Paris, elle fait partie des dix centrales exploitées par Fraîcheur de Paris pour alimenter le réseau de froid urbain parisien. Quatre-vingt-douze kilomètres de canalisations qui constituent une alternative à la climatisation autonome et permettent de rafraîchir des bâtiments en faisant circuler de l'eau froide en circuit fermé.

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Aux deux étages les plus profonds de la centrale, les machines refroidissent l'eau grâce à un gaz frigorigène. Des machines qui produisent un bruit assourdissant, sans jamais qu'on puisse les entendre de l'extérieur. La preuve en est qu'une des centrales, située près de la Philarmonie de Paris, n'a jamais dérangé personne. Cette eau, à moins de 10°C, est ensuite envoyée vers les bâtiments raccordés, où un premier échange thermique entre la température de l'air ambiant et l'eau glacée va permettre de rafraîchir les pièces. L'eau, alors aux alentours de 15°C, retourne vers la centrale pour être de nouveau refroidie, et ainsi de suite. 

"Aujourd'hui, les températures augmentent, rappelle Raphaëlle Nayral, secrétaire générale de Fraîcheur de Paris. On parle d'un climat sévillan à horizon 2050 à Paris". Face à ce constat, les Parisiens ont le choix entre deux modes de climatisation, selon Raphaëlle Nayral : "Soit vous choisissez une climatisation autonome, des systèmes individuels, qui pour la grande majorité vont réchauffer l'air, en rejetant la chaleur des bâtiments dans l'air extérieur. Ça crée ce qu'on appelle des îlots de chaleur urbains". L'autre solution, c'est la sienne : le réseau de froid urbain, qui n'accentue pas l'écart de température entre l'intérieur et l'extérieur d'un bâtiment.

La Seine, un outil pour économiser l'électricité

Si la centrale ne rejette rien, elle consomme bien sûr de l'électricité pour fonctionner. Depuis 2022, des champs de panneaux solaires dédiés, situés en France, fournissent aux centrales plus de 50% de leurs besoins en électricité. Et la ville de Paris dispose d'un autre outil qui, ici, va permettre d'économiser de l'énergie : la Seine, qui est utile toute l'année. "En période estivale, elle sert à dissiper la chaleur qui est produite par la centrale, détaille Raphaëlle Nayral.

"Et pendant l'hiver, si je caricature un peu, la centrale est presque silencieuse. On va rafraîchir l'eau directement par échange thermique avec la Seine'.

Raphaëlle Nayral, secrétaire générale de Fraîcheur de Paris

à franceinfo

La secrétaire générale rappelle tout de même que l'eau de la centrale et celle de la Seine ne se mélangent jamais.

Le fleuve parisien n'échappe pas au réchauffement climatique : la température de l'eau monte. Pour éviter d'avoir un quelconque impact sur la Seine, Fraîcheur de Paris s'oblige à respecter un écart de 5°C maximum entre le moment où l'eau de la Seine entre dans la centrale et celui où elle en sort.

Objectif : équiper les particuliers

Fraîcheur de Paris compte 765 clients. Parmi eux, le musée du Louvre, le centre commercial Beaugrenelle, l'hôtel le Meurice ou encore le Palais-Bourbon, siège de l'Assemblée nationale, ainsi que de nombreux immeubles de bureaux. Manque tout de même à cette liste le parc résidentiel, car le raccordement de logements particulier est plus compliqué. "On n'a quasiment pas de bâtiment de catégorie résidentielle parmi nos clients, admet Raphaëlle Nayral. On est souvent sollicité, mais la difficulté, c'est la multipropriété et le fait que le raccordement nécessite une rénovation lourde du bâtiment. Mais, techniquement, nous serions capables de fournir du froid à des immeubles d'habitation".

La concession de Fraîcheur de Paris court jusqu'en 2042, avec comme ambition de tripler le réseau et de démocratiser le service, notamment auprès des hôpitaux, des crèches, des Ehpad, mais aussi des commerces de pieds d'immeubles. Si la vertu environnementale de cette solution semble acquise, reste le problème du prix, puisque le raccordement représente un investissement conséquent, rentabilisé en "dix ans" environ. Ce système a déjà fait ses preuves : le réseau de froid urbain parisien est le premier du continent, au coude-à-coude avec ceux de pays nordiques, comme la Suède ou la Finlande.

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