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Réfugiés climatiques : faut-il une convention internationale pour les aider ?

A l'occasion de la Journée mondiale de l'environnement, francetv info revient sur le flou juridique autour de ces personnes dont les conditions de vie sont mises en difficulté par le changement climatique.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Des habitants des îles Kiribati construisent un mur de pierres pour tenter de lutter contre la montée du niveau de la mer. Photo rendue publique en 2013 par le secrétariat de la communauté du Pacifique. (SPC / AFP)

Les habitants de l'archipel des Tuvalu, menacés par la montée des eaux. Les 1,2 million d'habitants de la Nouvelle-Orléans (Louisiane, Etats-Unis) contraints de quitter la ville après le passage de l’ouragan Katrina, en 2005. Les Bozos du Mali obligés de migrer vers les villes parce qu'ils ne peuvent plus pêcher à cause de la raréfaction de l’eau et des poissons.

Trois exemples parmi tant d'autres... Les réfugiés climatiques sont de plus en plus nombreux. D’après l'Observatoire des situations de déplacement interne, les catastrophes naturelles ont contraint, en 2013, 22 millions de personnes dans le monde à se déplacer. A l'instar des autres réfugiés, humanitaires ou politiques, faut-il une convention internationale pour tenter de leur venir en aide ? A l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement, vendredi 5 juin, francetv info revient sur ce phénomène.

Actuellement, pas de texte sur la question

Pour le moment, il n'existe aucun texte qui définisse un statut ou accorde des droits aux réfugiés climatiques. Les situations sont extrêmement variées, ce qui pose d'emblée un problème de définition. Doit-on parler de raison "environnementale""climatique" voire de "catastrophe naturelle" ? Difficile de trancher car le tri est quasi-impossible. Des mécanismes lents, comme la désertification, se mêlent à des événements plus ponctuels, comme des ouragans ou des inondations.

"Tout ce que l’on peut dire, c’est que le changement climatique augmente le nombre et la violence de ces catastrophes. On ne peut pas prendre une catastrophe en particulier et dire : 'Celle-là, c’est à cause du changement climatique'", explique François Gemenne, chercheur à Sciences Po, expert des questions de géopolitique de l'environnement.

"Les juristes vivent dans un monde à la Disneyland"

Les Etats sont réticents à se pencher sur la question. C'est cette force d'inertie qu'entend briser Yvon Martinet, ancien bâtonnier de Paris, qui a choisi de s'emparer du sujet et a rédigé un projet de convention internationale sur les déplacés environnementaux. Le texte a été soumis à différents gouvernements et instances internationales comme l'Organisation internationale pour les migrations ou l'Agence des Nations unies pour les réfugiés.

Mais pour l'instant, les retours officiels et même officieux sont peu nombreux. "La priorité, c’est l’accord sur les émissions de gaz à effet de serre. Donc l’enjeu est de réussir à mettre la question des déplacés environnementaux à l’agenda de la communauté internationale." 

Une démarche globale qui suscite quelques réserves. "Les juristes vivent un peu dans un monde à la Disneyland où ils imaginent que c’est une convention qui va régler le problème", tacle François Gemenne, qui salue plutôt l'initiative Nansen (du nom de l'ancien haut-commissaire aux réfugiés). Ce projet, lancé en 2012 par la Suisse et la Norvège, a été rejoint en février 2014 par la France, qui a intégré le club des pays amis de l'initiative. L'ambition de ce mouvement : mettre en place un cadre international dans lequel vont se déployer toute une série de politiques locales et concrètes.

Lesquelles ? Par exemple, aider les Etats à fournir rapidement des papiers d'identité aux déplacés. Dans la précipitation, ceux-ci perdent ou oublient fréquemment leurs papiers. Ce qui est problématique parce qu'ils ne peuvent plus faire valoir leurs droits, prouver qui ils sont et d'où ils viennent. Il peut aussi s'agir d'aider les autorités à créer des quartiers sains pour les réfugiés, qui se retrouvent souvent dans des bidonvilles. "Cela concerne aussi les gouvernements du Nord, souligne François Gemenne. En 2005, pendant Katrina [à la Nouvelle-Orléans], il n'y a eu aucune évacuation collective. Les gens devaient quitter la zone par leurs propres moyens alors qu'un quart de la population n'avait pas de voiture."

Renouveler la coopération internationale

"On remarque souvent qu’il n’y a pas de correspondances entre les discussions internationales et la réalité du terrain. Les experts internationaux sont déconnectés de la réalité locale, il y a une grande méconnaissance, remarque Christel Cournil, maître de conférences en droit public à l’université Paris-13 et coauteure du livre Les Migrations environnementales, enjeux et gouvernance (Presses de Sciences Po, 2014)Là, il s’agit de faire des consultations sur place pour faire remonter les informations."  

Autrement dit, l'initiative Nansen renverse le mode de fonctionnement habituel des grandes institutions. "Ce sont les pays en demande qui expriment leurs besoins. C’est un processus qui renouvelle la coopération internationale, explique François Gemenne. On dit simplement aux Etats qui sont prêts à avancer que l’on peut avancer ensemble." Des propositions doivent être finalisées en octobre 2015, deux mois avant la conférence de Paris sur le climat. Reste à savoir si elles seront entendues.

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