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Pollution au large de la Corse : ce que l'on sait de la nappe d'hydrocarbures qui dérive à l'est de l'île

Cette nappe, longue de 35 km, s'est éloignée vers le large où des navires de la marine effectuent des opérations de récupération. Une enquête a été ouverte et confiée à la gendarmerie maritime.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Une nappe contenant des hydrocarbures lourds, dans le secteur d'Aleria-Solenzara, au large de la côte est de la Corse, le 12 juin. (AFP PHOTO / MARINE NATIONALE)

Une immense nappe d'hydrocarbures recouvre la Méditerranée, au large de la Corse. Samedi 12 juin, elle s'est approchée dangereusement du littoral avant de finalement s'éloigner vers le sud. De nombreux moyens ont été déployés, des plages ont été fermées et des navires de la marine effectuent des opérations de récupération. Franceinfo récapitule ce que l'on sait de cette pollution.

Deux nappes d'hydrocarbures repérées vendredi

Cette pollution maritime aux hydrocarbures lourds a été repérée, vendredi 11 juin vers midi, au cours d'un exercice mené par la base aérienne de Solenzara. Visuellement, il s'agissait  de deux nappes étalées sur environ 35 kilomètres de long. 

Samedi soir, la capitaine de frégate Christine Ribbe, porte-parole de la préfecture maritime de Méditerranée, a expliqué que la nappe s'éloignait vers le large, au sud de l'île. Interrogée par franceinfo, dimanche, elle a donné des nouvelles rassurantes : "On est beaucoup plus confiants ce matin [dimanche], d'abord parce que la pollution s'éloigne des côtes alors qu'elle était encore hier soir à 15 km des côtes." La pollution est désormais "extrêmement morcelée", explique-t-elle, avec "une nappe en surface qui s'est fragmentée, et des boulettes qui sont de plus en plus petites et de plus en plus dispersées".  

Samedi midi, la pollution s'était approchée à moins d'un kilomètre des côtes, dans le secteur d'Aleria-Solenzara, dans l'est de l'île, une zone qui compte de nombreuses plages de sable. "Finalement, les courants ont changé et elles sont parties à peu près à 6 kilomètres au large", avait rapporté sur franceinfo le maire de Serra-Di-Fiumorbo, Jean-Noël Profizi. 

Un dégazage à l'origine de la pollution ?

Cette pollution est vraisemblablement liée au dégazage d'un navire, un procédé illégal par lequel des navires vidangent leurs cuves d'hydrocarbures en pleine mer. Pour la porte-parole de l'ONG Surfrider Foundation Europe, interrogée par franceinfo, il s'agit "certainement d'un navire qui l'a déversé". "La question maintenant, c'est : 'Est-ce qu'il est volontaire et quel est l'auteur ?'", questionne Antidia Citores, précisant qu'il n'y a pas eu de "flagrant délit", précise-t-elle.  

Une enquête a été ouverte et confiée à la gendarmerie maritime, a déclaré la procureure de Marseille, Dominique Laurens, afin d'en savoir plus sur les circonstances de cette pollution. Interrogée sur l'enquête, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a qualifié de "bandits" le ou les responsables de cette pollution : "Nous allons évidemment trouver quels sont les auteurs de ces actes et ils seront punis très sévèrement." Pour rappel, "la loi permet des peines allant jusqu'à 10 ans d'emprisonnement et 15 millions d'euros d'amendes", a-t-elle ajouté.

Dans la soirée, la ministre a évoqué dans un tweet "un pur acte de délinquance écologique" et a ciblé trois bateaux "identifiés comme les auteurs potentiels".

La ministre de la mer Annick Girardin a annoncé dans un tweet que des procédures sont engagés pour retrouver "les voyous des mers".

Interrogé par franceinfo, le maire de Serra-Di-Fiumorbo (Haute-Corse) demande également à l'Etat de voir plus loin : "Le nombre de bateaux qui passent dans ce canal de Corse est une aberration. Cela fait trente ans, quarante ans qu'on se bat pour réguler ce flux et ça n'avance pas. Et s'il y a une catastrophe, on n'est pas prêts."

Le plan Polmar-Terre déclenché, les plages interdites d'accès

D'importants moyens ont été déployés dans le cadre du plan Polmar-Terre afin de protéger le littoral. Quelque 80 militaires de la sécurité civile, pompiers et gendarmes sont d'ores et déjà déployés. "Ils sont munis des outils de collecte au sol des hydrocarbures s'ils venaient à toucher les côtes ainsi que du matériel de protection", a précisé la préfecture maritime. La marine nationale a aussi envoyé deux bâtiments de soutien et d'assistance affrété (BSAA), Pionnier et Jason, avec des matériels antipollution et du personnel spécialisé. Des moyens stationnés en Corse sont aussi déployés.

Les opérations de pompage en mer ont débuté samedi. "Tout ce qu'on peut récupérer à la mer, on le récupère", avait martelé Christine Ribbe, de la préfecture maritime, sur France InterElle annonce que les équipes ont déjà pu récupérer "trois à quatre tonnes d'hydrocarbures, et vont continuer à travailler aujourd'hui [dimanche]". 

En prévention, le préfet de Haute-Corse, François Ravier, a interdit l'accès aux plages sur une bande située entre les communes d'Aleria et Ventiseri. "Il est aussi recommandé aux habitants de ne pas se rendre sur les plages proches de ces zones. Le périmètre de l'arrêté sera revu en fonction des informations sur la dérive des nappes", a précisé la préfecture dans un communiqué. La pêche a été interdite sur ces mêmes secteurs. Le préfet de Haute-Corse appelle surtout les habitants à "ne pas toucher ou procéder par eux-mêmes au ramassage des galettes qu'ils peuvent être susceptibles de trouver sur les plages". Mieux vaut informer la gendarmerie ou les sapeurs-pompiers de leur présence sur le sable. 

La colère des autorités locales

Selon Antidia Citores, de l'ONG Surfrider Fundation Europe, les zones de "la réserve de Scandola, le détroit de Porto-Vecchio et Bonifacio" étaient menacées par la pollution. L'association Surfrider Fundation Europe a annoncé son intention de porter plainte contre X, "de sorte à encourager les autorités à mener les investigations et à remonter jusqu'à l'auteur".

Et même si la pollution semble s'éloigner, les inquiétudes sont loin d'être levées pour le maire de Serra-Di-Fiumorbo, Jean-Noël Profizi : pour lui, si les côtes devaient être touchées, "ce sera une catastrophe écologique. On n'est pas prêts à faire face à une marée noire." 

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