Trois questions sur les pesticides dits "propres", potentiellement nocifs pour les pollinisateurs
La nouvelle génération de pesticides va-t-elle faire autant de dégâts que la première ? C’est l’inquiétude de l’association Pollinis qui publie une étude ce mardi 20 juin sur ces nouveaux produits. D’après ce rapport sur cles pesticides, ces substances ne sont pas sans conséquence pour des insectes pollinisateurs, déjà en mauvais état de conservation. Explications.
Qu’est-ce que ces pesticides nouvelle génération ?
Pollinis s'est penché dans un rapport sur les pesticides à ARN interférent (ARNi), ou pesticides "génétiques", conçus pour "bloquer l'expression de certains gènes et inhiber les fonctions vitales" chez les insectes ravageurs de culture. Il s’agit de produits élaborés à la fois par les poids lourds des pesticides comme Syngenta, Bayer, etc., mais aussi et par des start-ups en pointe dans le domaine génétique. Cette nouvelle gamme de pesticides s’attaque donc aux gênes des parasites pour bloquer certaines fonctions vitales.
Par exemple, l’un des produits actuellement testé est capable de cibler la fonction de l’appétit sur le doryphore. Il bloque le développement de cette fonction. Le doryphore n’a plus faim, il ne se nourrit plus, et donc il dépérit. D’autres produits empêchent la mue des papillons ou entraînent une déformation physique du parasite.
Le pesticide existe en spray. Il peut aussi être diffusé sous forme de virus par la plante. Les industriels affirment que cette technique est très précise et qu’elle est inspirée des mécanismes naturels.
Qu’est-ce qui ressort de l’étude menée par Pollinis ?
La promesse de ces produits, pour certains déjà testés en plein champ, y compris en France : offrir une plus grande précision et mieux cibler les insectes qui s'attaquent aux cultures, en épargnant les précieux pollinisateurs. Pour vérifier cela, Pollinis a évalué 26 produits : elle a comparé les séquences génétiques qui étaient ciblées sur le parasite avec les séquences d’autres insectes précieux dans la pollinisation.
Et selon les conclusions de l’association, la moitié des produits pourraient avoir des effets sur 136 espèces de pollinisateurs qui ont des séquences génétiques extrêmement proches des parasites ciblés. Les auteurs de l’étude estiment qu’il y a un risque pour ces insectes, parmi lesquels l'abeille mellifère européenne, le bourdon des prés, le papillon belle-dame ou encore le papillon monarque qui est menacé d’extinction.
Pollinis soulève un autre problème : il n’y a pas assez d’études aujourd’hui pour correctement évaluer ces nouveaux pesticides. Les tests d’innocuité n’ont pas été délivrés. Pourtant certains députés poussent en Europe pour classer ces produits dans la catégorie des produits naturels.
Est-ce que ces pesticides sont déjà sur le marché ?
Ce n’est pas encore le cas en France ni en Europe. Mais certains de ces pesticides ont déjà été testés dans l’Hexagone. D’après l’Agence de sécurité sanitaire, trois essais ont eu lieu entre 2020 et 2021 dans ces champs de colza et de pomme de terre. C’était sur des petites surfaces et avec des quantités réduites, donc sous le régime de la déclaration, sans dossier déposé auprès des autorités.
L'ONG demande ainsi que les pesticides ARNi soient exclus de la définition des produits de biocontrôle (qui se fondent sur des mécanismes naturels), une évaluation de leurs risques "drastique et rigoureuse" par une agence indépendante, et enfin la suspension immédiate des essais en plein champ en Europe.
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