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Six résidus de pesticides sur dix retrouvés dans notre alimentation suspectés d’être des perturbateurs endocriniens, affirme Générations futures

L'association Générations futures appelle les autorités publiques, après la publication d'un rapport, à prendre des actions pour assurer leur disparition de notre agriculture. 

Article rédigé par franceinfo
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Un tracteur pulvérise son champ à l'aide d'un traitement fongicide en Belgique, le 8 mai 2018. (photo d'illustration)  (JEAN-MARC QUINET / AFP)

Les perturbateurs endocriniens au menu ? En juillet dernier, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a publié un rapport sur la présence de pesticides dans l’alimentation européenne : plus de 96% des échantillons analysés se situaient dans les limites légales. Mais, dans un rapport publié mardi 4 septembre, Générations futures assure que plus de six résidus de pesticides sur dix détectés lors de ces analyses sont "suspectés" d’être des perturbateurs endocriniens. L'association appelle les autorités publiques à prendre des actions pour assurer leur disparition de notre agriculture. On vous détaille les enseignements de ce rapport.

Quels sont les résultats de cette étude ?

Générations futures s'est appuyée sur le dernier rapport (PDF en anglais) sur la présence de pesticides dans les aliments, publié par l'Efsa en juillet. L'Autorité européenne de sécurité des aliments a compilé les analyses réalisées en 2016 au sein des 28 pays de l'Union européenne, ainsi qu'en Norvège et en Islande, sur 84 657 échantillons de nourritures : des légumes, des fruits, des noix, des céréales, des aliments pour nourrissons...

Plus de la moitié des aliments concernés (50,7%) ne comportaient aucun résidu de pesticide quantifiable. Mais, dans les autres produits testés, les analyses avaient pu permettre de détecter un total de 109 843 résidus différents. Générations futures a croisé ces résultats avec une liste de perturbateurs endocriniens "potentiels" établie par TEDX (en anglais), l’organisation créée par la scientifique Theo Colborn à l’origine de la découverte des phénomènes de perturbation endocrinienne. Cette liste regroupe 1 457 molécules ou familles de molécules qui ne sont pas forcément considérées comme des perturbateurs endocriniens avérés par les autorités, mais pour lesquelles au moins une étude universitaire publiée dans une revue scientifique a montré un effet de perturbation endocrinienne. 

Selon l'étude de Générations futures, 69 433 de ces 109 843 résidus de pesticides figurent dans la base de données de TEDX : "Notre travail montre que plus de six résidus de pesticides sur 10 quantifiés dans l'alimentation européenne sont suspectés d'être des perturbateurs endocriniens", affirme l'organisation dans son rapport (PDF).

Faut-il s'en inquiéter ?

Le rapport de l'Efsa établissait que 96,2% des échantillons alimentaires analysés ont des concentrations de résidus de pesticides inexistantes ou inférieures aux limites maximales en résidus (LMR). Seuls 3 175 des échantillons analysés dépassaient les valeurs légales. "Comme les années précédentes, ce rapport confirme le niveau élevé de conformité des denrées alimentaires présentes dans les rayons dans l’UE", saluait en juillet Vytenis Andriukaitis, le Commissaire européen chargé de la santé et de la sécurité alimentaire.

L'Autorité avait évalué le risque alimentaire à court et à long-terme : "dans la plupart des scénarios" étudiés, l'exposition des consommateurs à ces résidus de pesticide dans l'alimentation était "bien en dessous" de la dose journalière jugée "admissible".

L’EFSA a réalisé une évaluation du risque alimentaire aigu (court terme) et chronique (long terme). (...) Dans les deux cas, les risques pour la santé des consommateurs ont été jugés faibles.

L'Autorité européenne de sécurité des aliments

dans son rapport

Des analyses rassurantes, mais qui ne suffisent pas à convaincre Générations futures : l'association affirme que, pour les perturbateurs endocriniens, le respect de la LMR ne suffit pas à garantir l'innocuité des résidus trouvés dans l'alimentation.

Ce n'est pas tant une question de dose qu'une question de période d'exposition.  Les doses alimentaires d'un pesticide perturbateur endocrinien peuvent être totalement inoffensives pour un homme de 50 ans mais catastrophiques pour un fœtus de 3 mois.

François Veillerette, directeur et porte-parole de Générations futures

à franceinfo

Il existe en effet des périodes de vulnérabilité accrue aux perturbateurs endocriniens : la formation du fœtus, la petite enfance et la puberté. Les enfants seraient ainsi tous contaminés aux perturbateurs endocriniens, peu importe leur lieu de vie, affirme une étude du magazine 60 millions de consommateurs publiée en avril 2017. Et les effets de ces agents peuvent être transmissibles entre générations. 

Quels sont les risques potentiels pour la santé ?

En empêchant les hormones de fonctionner correctement, les perturbateurs endocriniens sont, entre autres, soupçonnés de perturber le développement des fœtus, de favoriser les pubertés précoces, les cancers, l'obésité, les diabètes et les problèmes cardiovasculaires, détaille l'OMS (en anglais)

Le perturbateur endocrinien suspecté le plus souvent identifié dans l'alimentation européenne est le boscalide, un des fongicides SDHi (inhibiteurs de la succinate déshydrogénase) les plus utilisés. Or, en avril dernier, des scientifiques français du CNRS, de l'Inserm et de l'Inra ont publié une étude et une tribune dans Libération appelant à suspendre l'utilisation de ces fongicides. Leurs recherches ont en effet montré qu'ils provoquent l'accumulation, dans l'organisme humain, d'une petite molécule, le succinate, et expliquent, à terme, un changement de la structure de notre ADN et l'apparition de tumeurs. Mais, chiffre rassurant : seuls 19 échantillons présentaient des niveaux supérieurs au seuil légal, le fameux LMR.

Parmi les autres perturbateurs endocriniens les plus fréquemment rencontrés dans les aliments analysés par l'Efsa, on trouve aussi le fludioxonil, le pyrimethanil et le cyprodinil. Or, une étude publiée en 2012 montrait la toxicité de la combinaison de ces trois fongicides. "Ce travail montre que certains pesticides, isolément ou en combinaisons, peuvent induire du stress et des modifications du devenir des cellules humaines", expliquait à ce sujet le professeur Michael Coleman, responsable de l’étude. Mais là encore, seuls 43 échantillons présentaient des niveaux de résidus supérieurs au LMR pour ces trois pesticides.

Que réclame Générations futures ?

"L'alimentation est un vecteur majeur d'exposition aux perturbateurs endocriniens", analyse François Veillerette à la lumière des résultats du rapport. Une conclusion que les autorités publiques doivent prendre en compte dans l'élaboration d'une nouvelle Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE 2), sur laquelle planche le gouvernement actuel, estime-t-il. 

Problème : le pré-projet de la SNPE 2 qui a été présenté à Générations futures en juillet a été jugé "décevant et incomplet" par l'association, notamment sur le volet de l'alimentation. "C'est très faible sur ce point-là, ce qui est surprenant", estime François Veillerette. 

Cette stratégie présente des lacunes inacceptables, parmi lesquelles l’absence de mesures pour éviter l’exposition par le biais de l’alimentation.

Générations Futures

Pour renforcer la sensibilisation des risques à l'exposition aux perturbateurs endocriniens par voie alimentaire, l'association suggère par exemple d'entériner l'étiquetage de produits de consommation courante susceptibles d'en contenir. 

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