La mairie de Paris en guerre contre les affichages publicitaires sauvages ou "guerilla marketing"
Des agences publicitaires utilisent des échaffaudages ou des façades d'immeubles pour coller leurs affiches et poster les photos sur les réseaux sociaux. La municipalité fait appel à la justice pour interrompre ces pratiques illégales.
Nous voici devant les grands magasins du Boulevard Haussmann, dans le 9e arrondissement de la capitale. C’est avec le Marais, l’un des quartiers de Paris les plus touchés par le phénomène des campagnes d'affichage publicitaire sauvage.Thomas Bourgenot, chargé de plaidoyer pour l’association Résistance à l’Agression Publicitaire (RAP) nous fait une visite guidée : "Vous avez un édifice, au milieu du carrefour, qui est régulièrement squatté par des afficheurs sauvages. Ils mettent des affiches à peu près tous les jours, voire plusieurs fois par jour. Et juste en face, on a un échafaudage avec les mêmes affiches, de deux marques différentes, qui sont collées les unes à côté des autres."
"On a déjà une explosion de publicité légale et là, on rajoute une couche de publicités qui ne sont pas permises."
Thomas Bougenot, chargé de plaidoyer à l'Association Résistance à l'Agression Publicitaireà franceinfo
La mairie de Paris estime que l’affichage sauvage colonise 500 espaces publics ou privés de la ville. Des agents sont mobilisés tous les jours pour nettoyer 1 600 mètres carrés chaque semaine, soit l’équivalent de deux terrains de handball.
Une campagne pour les réseaux sociaux
Pourquoi des agences publicitaires choisissent-elles l'illégalité ? Ces entreprises - de petites ou grandes structures - revendiquent ces campagnes sauvages. Elles appellent cela la "guérilla marketing". La campagne se déroule principalement sur les réseaux sociaux. La ville sert de décor, explique Stéphane Dottelonde, président de l’Union de la Publicité Extérieure (UPE) qui dénonce ces pratiques : "C'est surtout pour se donner un aspect un peu disruptif, non conventionnel, comme s'il ne s'agissait pas d'une communication commerciale, alors qu'il s'agit bien d'une communication commerciale."
"Généralement, ces marques utilisent un dispositif de répercussion sur les réseaux sociaux pour amplifier l'impact de cette campagne."
Stéphane Dottelonde, président de l'Union de la Publicité Extérieureà franceinfo
On ne parle pas de MJC (maisons des jeunes et de la culture) ou de groupes de rock de quartier qui chercheraient à se faire de la pub gratuitement mais de grands noms de la mode tels Balenciaga, Yves Saint Laurent ou encore Diesel. De grandes marques qui affichent, par ailleurs, leurs produits dans les espaces réglementés.
Que risquent ces agences ? Avant tout une sanction financière. En 2020, la préfecture de police de Paris a corsé les montants. Elle a infligé une amende de 15 000 euros à la principale agence du secteur et la municipalité a demandé le remboursement des frais de nettoyage pour presque un million d’euros.
"Un petit jeu du chat et de la souris"
Mais cette pression financière ne suffit pas. Les agences publicitaires ont intégré le risque. Nous avons appellé l’une d’entre elles en prétendant être un client potentiel. Voilà ce que notre interlocuteur nous répond lorsqu'on explique craindre les représailles de la municipalité : "C'est un petit jeu du chat et de la souris depuis des années et il n'y a pas de problème moralisateur derrière tout ça, affirme-t-il. Le risque, effectivement, c'est d'avoir une amende. Il y a deux options, la première option c'est de ne pas prendre d'assurance et là c'est à votre charge s'il y a une amende. Sinon, on propose des assurances, entre guillemets, et là c'est totalement à notre charge si vous avez une amende. Il n'y a pas d'amendes sur toutes les campagnes, il n'y a pas de règles."
"Comme ce sont des inspecteurs qui tournent dans Paris, il faut qu'ils tombent au moment où il y a votre affiche. C'est vraiment une question de chance."
Le représentant d'une agence publicitaireà franceinfo
La mairie de Paris souhaite donc changer de braquet. L'adjointe en charge de la propreté dans l’espace public estime qu’Il faut passer à l’action pénale. Même si Colombe Brossel a bien conscience que c’est délicat à mettre en œuvre : "Tant qu'il n'y avait pas la matérialité, la preuve que vous aviez vendu cette prestation illégale, et bien, le simple fait de l'afficher n'était pas en soi illégal. C'est pour ça qu'on a un partenariat avec le parquet et que nous travaillons en ce moment à constituer quelques dossiers très étayés, très renseignés, pour que des poursuites puissent être entreprises."
L’association Résistance à l’Agression Publicitaire (RAP) demande, pour sa part, la dissolution de ces agences. En novembre dernier, devant l’absence de résultats, des militants ont mené une action contre la vitrine d’un de ces publicitaires.
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