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Peut-on être écolo et en faveur des gaz de schiste ?

Partisane d'une écologie "raisonnable et modérée", la navigatrice Maud Fontenoy se prononce aussi pour les gaz de schiste. Mais est-ce vraiment compatible ?

Article rédigé par Mathieu Dehlinger
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Maud Fontenoy sur son monocoque durant une sortie d'entraînement en mer au large des Sables-d'Olonne (Vendée), en mars 2006. (MARCEL MOCHET / ARCHIVES / AFP)

Elle a choisi de naviguer à contre-courant, en défendant une source d'énergie décriée pour ses risques environnementaux. Maud Fontenoy se fait la VRP des gaz de schiste dans Le Parisien, jeudi 30 janvier, "dans l'intérêt de l'écologie".

Pour la navigatrice, la ressource pourrait être un "atout" dans ce domaine. Elle lance donc un appel au président François Hollande pour qu'il autorise son exploitation dans l'Hexagone, actuellement au point mort.

Mais la promotion des gaz de schiste est-elle compatible avec un engagement écologiste ? 

Une écologiste, mais qui en a "ras-le-bol"

A priori, Maud Fontenoy a toutes les caractéristiques de la défenseure de l'environnement. Rendue célèbre pour sa traversée de l'Atlantique à la rame, en 2003, la navigatrice est depuis vice-présidente du Conservatoire du littoral, membre du conseil économique, social et environnemental et à la tête de sa propre fondation, dédiée à la préservation des océans.

Le Parisien la présente donc comme une "navigatrice écolo", L'Express comme une "ambassadrice de l'écologie en France" et Le Figaro Madame voit en elle une "green girl". Autant de qualificatifs qui font sourire dans les rangs d'Europe Ecologie-Les Verts, dont plusieurs responsables ont raillé l'interview de Maud Fontenoy sur Twitter.

Le site de sa fondation indique que Maud Fontenoy "intervient régulièrement dans des conférences, séminaires, tables rondes pour des entreprises", parmi lesquelles Total et GDF Suez, deux sociétés qui ont investi dans le gaz de schiste à l'étranger. Contactée par francetv info, Maud Fontenoy était indisponible. "Evidemment je ne suis ni financée par Total ni par GDF Suez ni par aucun autre si la question est là", a-t-elle cependant précisé à ce sujet sur RTL.

"Tous les marins ne sont pas écologistes, ce n'est pas automatique", réagit François de Rugy, coprésident du groupe EELV à l'Assemblée, interrogé par francetv info. "Je croyais surtout que Maud Fontenoy était sarkozyste. En général quand on est sarkozyste, on n'est pas très écologiste." Proche de l'ancien président, candidate sur une liste UMP aux régionales de 2004, Maud Fontenoy a fait part de son "ras-le-bol des écolos" – comprendre surtout des Verts – dans un livre, où elle estime que le développement durable n'est pas "réservé à la gauche".

Sauf que les gaz de schiste semblent faire l'unanimité contre eux dans le spectre de l'écologie politique. Outre EELV, Nicolas Hulot et sa fondation se sont déclarés contre, tout comme la centriste Corinne Lepage, ministre de l'Environnement sous Jacques Chirac : "Madame Fontenoy fera partie d'une catégorie assez particulière des écologistes qui luttent contre leur camp", explique-t-elle à francetv info. "C'est impossible d'être écologiste et pro-gaz de schiste, ça n'existe pas."

Du gaz de schiste propre ?

Mais Maud Fontenoy assure avoir trouvé du gaz de schiste propre, comme le souhaite Arnaud Montebourg. Dans Le Parisien, elle défend "la fracturation au propane, choisie par le Canada" : "C'est la solution la plus intéressante actuellement car elle ne pollue pas."

La technique, expérimentée par deux sociétés nord-américaines, a l'avantage de ne pas consommer d'eau et peu, voire pas, de produits chimiques, contrairement à la fracturation hydraulique classique, interdite en France. Le propane peut même être réutilisé en grande partie, indique l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), dans un rapport (PDF) sur les gaz de schiste publié en novembre 2013.

L'alternative est "intéressante", juge François Kalaydjian, de l'Institut français du pétrole-énergies nouvelles, dans Le Monde. Sauf que cette méthode supposerait de stocker jusqu'à plusieurs centaines de tonnes de propane inflammable en surface, ce qui transformerait chaque forage en site Seveso, classé comme dangereux.

Reste une autre solution : un cousin du propane, le "fluoropropane", connu sous le sigle NFP. Là, pas de risque d'incendie, pas de risque d'explosion, mais le produit n'est pas tout à fait écologique, reconnaît l'OPECST. Car si le fluoropropane est "sans danger pour la couche d'ozone", en cas de fuite, il n'est "pas sans danger pour le climat" car il participe à l'effet de serre.

La priorité aux énergies renouvelables ?

"Pour l'instant, il n'y a tout simplement pas de technologie propre", balaye François de Rugy. "Aucune d’entre elles n’est optimale vis-à-vis de l’environnement", confirmait à Rue 89 Michel Cathelineau, chercheur au laboratoire de géologie et gestion des ressources minérales et énergétiques.

"C'est un peu une fuite en avant de s'en remettre aux énergies fossiles au lieu de se lancer vraiment dans les énergies renouvelables", estime François de Rugy. Exactement la position de Nicolas Hulot et de sa fondation, pour qui l'extraction de gaz de schiste est donc "particulièrement inutile".

Dans Le Parisien, Maud Fontenoy imagine plutôt investir dans ces nouvelles énergies avec les économies créées grâce au gaz de schiste. Attention, le gaz de schiste n'est pas forcément un eldorado économique, prévient Corinne Lepage : "En Pologne, les réserves sont huit fois inférieures à ce que l'on attendait et aux Etats-Unis, il y a de plus en plus de contestation." La position de la navigatrice reste donc très éloignée de celle des écologistes.

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