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Fin de la vente des voitures thermiques en 2035 : "Ça ne peut pas être la seule solution", explique un chercheur après le vote du Parlement européen

"Bon signal envoyé aux acteurs du secteur", la mesure adoptée mercredi n'est toutefois pas suffisante pour repenser nos mobilités. Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports, explique pourquoi à franceinfo.

Article rédigé par Camille Adaoust - propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Une voiture électrique est en cours de recharge à Montaigu-Vendée (Vendée), le 9 juin 2022. (MATHIEU THOMASSET / HANS LUCAS / AFP)

Le Parlement européen a acté, mercredi 8 juin, la fin de la vente des véhicules thermiques neufs à partir de 2035. La mesure, qui fait partie du "paquet climat" de Bruxelles, doit pouvoir réduire les émissions de gaz à effet de serre, responsables du changement climatique, du secteur des transports. "C'est un bon signal envoyé aux acteurs du secteur. L'électrification est indispensable pour la transition énergétique des véhicules les plus légers", réagit Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports à la Chaire énergie et prospérité. Toutefois, c'est loin d'être suffisant pour atteindre les objectifs de neutralité carbone. "Ça ne peut pas être pensé comme la seule solution sur la mobilité des voyageurs", complète-t-il. Il explique pourquoi à franceinfo. 

Franceinfo : Cette mesure votée par les eurodéputés est-elle une bonne nouvelle, en faveur d'une transition vers des transports moins carbonés ? 

Aurélien Bigo : Oui, c'est un bon signal envoyé aux acteurs du secteur. L'électrification est indispensable pour la transition énergétique des véhicules les plus légers. En France, un véhicule électrique émet en moyenne trois fois moins qu'un véhicule thermique, lorsqu'on prend en compte tout son cycle de vie. On avait besoin que les réglementations accélèrent le processus. Et cette date de 2035 avance les objectifs fixés précédemment au niveau national pour un certain nombre de pays européens, dont la France, qui s'était fixé l'échéance de 2040. Ça va dans le bon sens, pour autant ce n'est pas suffisant. Il faudrait une date de fin de vente encore plus tôt et il faut combiner l'électrification avec d'autres solutions. Ça ne peut pas être pensé comme la seule solution concernant la mobilité des voyageurs. 

Quelles sont les limites de cette mesure ? 

La stratégie nationale bas-carbone [ou SNBC, feuille de route de la France pour respecter l'accord de Paris limitant le réchauffement climatique à 2 °C, voire 1,5 °C] a fixé pour objectif de diviser par six les émissions territoriales de la France. La comparaison n'est pas parfaite, mais si on transpose ça au secteur des transports, il faut que le progrès soit plus important que la seule division par trois permise par une transition vers l'électrique.

Par ailleurs, cette seule solution laisse de côté nombre d'enjeux. L'artificialisation des sols par exemple. Les véhicules électriques nécessitent eux aussi des infrastructures et consomment de l'espace, menaçant la biodiversité. Cela ne permet pas non plus un rééquilibrage de l'espace public en faveur d'autres types de mobilités et en faveur de la végétalisation des villes, nécessaire pour s'adapter notamment aux vagues de chaleur et aux fortes pluies. On peut citer aussi la pollution visuelle, l'inactivité physique, l'accidentologie, etc. Ces problèmes ne sont pas résolus en passant seulement du thermique à l'électrique. Et cela vient aussi en ajouter d'autres. 

Lesquels ?

L'utilisation des ressources en métaux pour la fabrication des batteries. On sait qu'il va y avoir des tensions sur le cobalt, le nickel et le lithium par exemple, en raison de la forte croissance de la demande. Il y a aussi un risque d'effet rebond. Dans le secteur des transports, on a observé que l'amélioration de l'efficacité des moteurs avait conduit les usagers à parcourir de plus longues distances et à plus facilement utiliser leur voiture, et non à baisser la consommation. Avec la voiture électrique, qui a un coût moins élevé lors du déplacement, ça peut aussi faciliter les déplacements et donc les multiplier.  

Quels leviers faudrait-il donc actionner, en plus de la fin de la vente des voitures thermiques ?

Un des principaux défis désormais, c'est d'éviter que cette électrification se fasse vers des véhicules lourds. Ça priverait la transition d'un grand nombre de bénéfices. Pour l'éviter, il faut de nombreuses mesures liées à la sobriété, qui manquent énormément dans les décisions prises jusqu'à présent. Il y a plusieurs leviers : modérer la demande de transport et donc réduire les kilomètres parcourus, favoriser les mobilités actives comme la marche et le vélo, diminuer la part de la voiture par rapport aux transports en commun, mieux remplir les véhicules avec le covoiturage et enfin aller vers des véhicules plus légers, moins rapides et plus aérodynamiques, contrairement à la tendance actuelle en faveur des SUV. Globalement, il faut requestionner la place de la voiture dans nos mobilités.

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