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Climat : Swot, le satellite qui va bouleverser notre connaissance de l'eau sur Terre

Cet engin de fabrication française et américaine, qui sera mis en orbite jeudi, va multiplier par dix la définition des images et fournir une grande quantité de nouvelles données pour étudier les lacs, les fleuves et les océans.
Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Vue d'artiste montrant le satellite Swot en orbite à quelque 890 km d'altitude au-dessus de la surface de la Terre. (NASA / JPL-CALTECH / CNES / THALES ALENIA SPACE)

Il ouvre un "nouveau champ des possibles". Le satellite Swot (pour Surface water and ocean topography, soit "topographie de la surface de l'eau et de l'océan") permettra des avancées majeures dans l'observation de l'eau sur Terre. Ce bijou de technologie doit être lancé jeudi 15 décembre. Il sera embarqué dans la fusée Falcon 9 de SpaceX, qui décollera de la base aérienne de Vandenberg, en Californie (Etats-Unis).

Fruit d'une collaboration entre l'Agence spatiale française (Cnes), et l'Agence spatiale américaine (Nasa), cette mission promet de bouleverser nos connaissances actuelles. Swot, qui se placera en orbite à 890 km d'altitude, est équipé d'un instrument révolutionnaire : un "interféromètre à large fauchée" destiné à mesurer la hauteur de l'eau. Baptisé "KaRIn", cet outil dispose de deux antennes radars qui sont situées à dix mètres l'une de l'autre, comme le montre cette image d'illustration publiée par la Nasa.

Le signal reçu par chacune des deux antennes est légèrement différent, produisant une image à deux dimensions. Résultat : la mesure est plus précise que ce que l'on peut obtenir actuellement. Passer d'une à deux dimensions et avoir des altimètres avec des représentations moins à plat fait partie des principaux points saillants de Swot. "A lui tout seul, Swot fournira autant de données que six altimètres classiques", explique Aurélien Ponte, chercheur en océanographie spatiale à l'Ifremer, dans un communiqué.

Pour Karen St. Germain, directrice de l'observation de la Terre à la Nasa, "nous allons disposer d'une résolution dix fois supérieure à ce que produisent les technologies actuelles pour mesurer la hauteur des océans". Guillaume Charria, chercheur en océanographie physique à l'Ifremer, résume auprès de franceinfo cette amélioration avec cette image : "C'est comme passer des jumelles au télescope".

A la recherche des petits courants et tourbillons

Avec ce nouveau satellite de haute précision, les scientifiques seront capables de réaliser des photographies "instantanées" de phénomènes qui font parfois quelques centimètres de hauteur, comme les courants côtiers ou les panaches des fleuves se jetant dans l'océan.

La résolution des instruments actuels ne permet pas d'observer des phénomènes de moins de 150 km de large. C'est suffisant pour étudier le gigantesque courant marin qu'est le Gulf Stream ou mettre en évidence le courant chaud appelé El Nino. Avec Swot, les scientifiques pourront en quelque sorte zoomer davantage et observer les mers et les océans à des échelles jusqu'alors inatteignables.

"Une vision plus détaillée et plus fine peut aider à mieux comprendre ce qu'est un courant", relève Guillaume Charria, également membre de l'équipe scientifique de Swot. "Par exemple, nous avons déjà constaté que les grands courants océaniques n'étaient pas seulement des écoulements d'eau linéaires mais qu'ils étaient très turbulents. Nous allons encore passer une étape" avec ce nouveau satellite.

>> L'article à lire pour comprendre pourquoi les océans sont essentiels dans la lutte contre le changement climatique

Les courants et tourbillons localisés, d'environ quelques dizaines de kilomètres de large, n'ont pas encore pu être scrutés. Ils ont pourtant un impact non négligeable sur la température de l'eau en surface, les transferts de chaleur, ainsi que l'absorption par l'eau du dioxyde de carbone (le CO2, principal gaz à effet de serre) présent dans l'atmosphère. Toute nouvelle connaissance pour mieux caractériser ces phénomènes est importante car la machine climatique est fortement liée aux océans, ces derniers agissant comme un thermostat géant.

Guillaume Charria met en avant la possibilité d'avoir une idée spatiale des courants qui, pour l'instant, peuvent "très bien être mesurés mais de façon ponctuelle". Ces nouvelles connaissances peuvent avoir des impacts sur les prévisions océaniques. A court terme pour la navigation, ou à long terme pour les modélisations climatiques.

Les lacs et les fleuves, témoins du changement climatique

Swot ne va pas seulement s'intéresser aux mers et aux océans. Les lacs, les rivières, les fleuves sont également à son menu. La puissance des instruments permettra de se pencher sur des eaux continentales qui ne sont pas encore observées, augmentant drastiquement le volume d'informations. Alors que nous disposons pour l'instant de données sur quelques milliers de lacs à travers le monde, grâce à Swot, nous en aurons au moins sur deux millions, selon la Nasa (en anglais).

Comme les glaces polaires, les lacs enregistrent l'histoire du climat. Ils peuvent témoigner du changement climatique en cours si nous documentons la hausse des températures de l'eau, la réduction de leur couverture de glaces ou encore les variations des niveaux d'eau. Au cours du dernier siècle, la température superficielle de l'eau des Grands Lacs aux Etats-Unis a augmenté de 3,5°C, illustre le Cnes.


"Sur les rivières et les fleuves, nous allons avoir des estimations plus fines des débits
, note Guillaume Charria. En France, des fleuves sont très bien suivis avec des instruments sur place mais ce n'est pas le cas partout dans le monde", rappelle le chercheur.

Finalement, toute la connaissance du cycle de l'eau sur Terre, des précipitations à l'évaporation en passant par le pompage pour les villes et l'irrigation pour les cultures, doit être enrichie. A terme, toutes les données récoltées par Swot seront associées à d'autres observations satellites pour améliorer la gestion des ressources en eau sur notre planète.

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