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Convention citoyenne pour le climat : trois questions sur les recours au référendum envisagés par Emmanuel Macron

Le chef de l'Etat a rejeté la révision du préambule de la Constitution, proposée par la Convention climat, mais envisagé de recourir au référendum pour adopter d'autres propositions.

Article rédigé par franceinfo
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Emmanuel Macron lors de son discours devant les membres de la Convention climat, le 29 juin 2020 au Palais de l'Elysée à Paris. (CHRISTIAN HARTMANN / AP / SIPA)

La France n'a pas organisé de référendum depuis 2005, quand le "non" l'avait emporté, au sujet de la Constitution européenne. Le prochain se tiendra-t-il sous la présidence d'Emmanuel Macron sur des questions liées à l'urgence climatique ? Dans son discours devant les membres de la Convention citoyenne pour le climat, lundi 29 juin, le chef de l'Etat a envisagé de recourir au référendum pour faire adopter plusieurs propositions émises par 150 citoyens.

On vous explique dans quelles conditions les Français pourraient être amenés à se prononcer par référendum sur les propositions de la Convention climat.

A quelles conditions les référendums sont-ils organisés en France ?

La Constitution de 1958 prévoit deux types de référendum. Le premier, le référendum législatif, régi par l'article 11 de la Constitution, permet au président de la République de soumettre un texte aux Français sans faire voter les députés et sénateurs. Le texte doit toutefois d'abord être présenté au débat à l'Assemblée nationale et au Sénat. Ce référendum "est à la discrétion du président de la République", explique à franceinfo Jean-Philippe Derosier, constitutionnaliste et professeur de droit public à l'université de Lille, "c'est-à-dire qu'il peut décider seul de sa mise en œuvre quand il le souhaite". "Il ne peut porter que sur des thèmes déclarés : l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la Nation", poursuit le constitutionnaliste. C'est dans ce dernier thème donc, que s'inscrivent les propositions de la Convention citoyenne pour le climat.

L'autre référendum, prévu par l'article 89 (le dernier) de la Constitution et permet de modifier la loi fondamentale elle-même. Nommé "référendum constituant", il peut porter sur presque n'importe quel sujet, mais ne peut pas "porter atteinte à l'intégrité du territoire" ni réviser "la forme républicaine du gouvernement". Sa mise en œuvre est un peu plus complexe. "Il faut que le texte soit validé par l'Assemblée nationale et le Sénat dans les mêmes termes", détaille Jean-Philippe Derosier. Contrairement à la majorité des textes votés en France, "l'Assemblée n'a pas le dernier mot". Si les deux chambres "ne s'accordent pas, il n'y a pas de référendum", résume le spécialiste.

Quelles propositions pourraient être soumises au référendum ?

"Je souhaite laisser ouverte la possibilité de conduire, dès 2021, un référendum sur la base de l'article 11 de la Constitution, sur un ou plusieurs textes de loi reprenant vos propositions. Comme je vous ai fait confiance, je fais confiance aux Français", a lancé Emmanuel Macron aux représentants des 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat.

Parmi les 149 propositions de la Convention citoyenne, on retrouve par exemple la création de chèques alimentaires pour permettre aux plus modestes d'acheter des produits de qualité, la division par deux des surfaces urbanisables, la sanctuarisation des espaces agricoles, la fin de la bétonisation ou encore un moratoire sur les nouvelles zones commerciales en périphérie des villes… Autant de mesures qui pourraient être soumises au référendum.

"Attention, prévient cependant le constitutionnaliste Dominique Rousseau, certaines mesures ne rentrent pas dans le cadre de l'article 11, comme le crime d'écocide par exemple." La Convention a en effet proposé d'inscrire dans le droit la notion de "crime d'écocide", afin de pouvoir punir "toute action ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées". Le professeur de droit public à Paris 1 Panthéon-Sorbonne rappelle qu'il s'agit là de "matière pénale", qui ne "peut pas faire l'objet d'un référendum". Concernant ce point, Emmanuel Macron a d'ailleurs prudemment dit qu'il étudierait, "avec l'appui des juristes, comment ce principe peut entrer dans le droit français dans le respect de nos principes fondamentaux".

Il semble peu probable que toutes les propositions de la Convention soient présentées au référendum. Un grand nombre sera probablement soumis au vote des assemblées.

Dominique Rousseau, constitutionnaliste

à franceinfo

A ce stade, le président a seulement évoqué un projet de loi "multi-mesures" qui pourrait être présenté à l'Assemblée à la fin de l'été. "A bien comprendre le discours du président, ce projet de loi pourrait ensuite être soumis à référendum", suggère Jean-Philippe Derosier. "Le problème, c'est que s'il choisit cette méthode, alors tout le texte doit être présenté. Le peuple ne peut pas se prononcer sur chaque article du projet, il doit accepter ou refuser l'ensemble du texte", prévient-il.

Si le président veut que les citoyens se prononcent en détail sur plusieurs propositions de la Convention climat, il faudra donc un projet de loi par proposition. "Concrètement, le référendum demandera : approuvez-vous le projet de loi 1 ? Approuvez-vous le projet de loi 2 ?, etc.", détaille le professeur de droit public.

La Constitution pourrait-elle être modifiée ?

C'est une autre idée des 150 membres de la Convention pour le climat : modifier la Constitution de 1958, afin d'y mentionner plus clairement l'importance des enjeux climatiques. La Convention a proposé deux modifications importantes.

La première consiste à inscrire au préambule de la Constitution la mention suivante : "La conciliation des droits, libertés et principes qui résultent (de la Constitution) ne saurait compromettre la préservation de l'environnement, patrimoine commun de l'humanité." Une proposition refusée d'office par le chef de l'Etat, qui a estimé que son rôle de garant des institutions lui commandait de s'y opposer. "Telle que proposée, la rédaction menace de placer la protection de l'environnement au-dessus des libertés publiques, au-dessus même de nos règles démocratiques", a-t-il balayé.

La seconde proposition a été accueillie favorablement. La Convention citoyenne a proposé une modification de l'article 1er, afin qu'il précise que "la République garantit la préservation de la biodiversité, de l'environnement et lutte contre le dérèglement climatique". Une proposition qui"semble aller dans le bon sens", selon Emmanuel Macron. Cette idée nécessite de convoquer l'article 89 de la loi fondamentale et donc de soumettre un texte au vote des deux chambres, qui devront s'accorder sur des "termes identiques".

"D'un point de vue juridique, cette modification ne sert à rien", conteste Dominique Rousseau, qui rappelle que le Conseil constitutionnel a déjà donné une valeur constitutionnelle à la Charte de l'environnement de 2004 et donc à "la préservation des rapports entre le milieu naturel et les êtres humains contenus dans la charte". Cette Charte de l'environnement est, depuis le 1er mars 2005, citée dans le premier alinéa du préambule de la Constitution.

D'un point de vue plus politique, cette révision de la Constitution a, selon Jean-Philippe Derosier, peu de chances d'aboutir : "Toute révision constitutionnelle qui aboutit est un succès au crédit du président de la République. Si ce référendum a bien lieu à un an des élections présidentielles, le Sénat, à majorité de droite, n'aura aucune raison de faire un tel cadeau à Emmanuel Macron", analyse-t-il.

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