Référendum, limitation à 110 km/h, écocide… Ce qu'il faut retenir du discours d'Emmanuel Macron devant la Convention citoyenne pour le climat
Le chef de l'Etat s'est déclaré favorable à la majorité des propositions des 150 membres de la convention, tout en y posant des limites.
C'est une rencontre qui tombe à pic : au lendemain de la vague verte aux élections municipales, Emmanuel Macron a voulu apporter, lundi 29 juin, des réponses aux propositions des 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat, reçus à l'Elysée. Le président de la République a annoncé qu'il comptait transmettre au gouvernement ou au Parlement, ou encore soumettre à référendum "la totalité des propositions" de la Convention citoyenne pour le climat, "à l'exception de trois d'entre elles". Voici ce qu'il faut retenir de ce discours.
15 milliards d'euros pour la conversion écologique
C'est bien le nerf de la guerre : Emmanuel Macron a commencé par annoncer l'injection de 15 milliards d'euros supplémentaires sur deux ans "pour la conversion écologique de notre économie". Le président de la République a également annoncé la création d'"un fonds de transformation écologique" dans le cadre du plan de relance qui doit permettre de faire redémarrer l'économie après le confinement lié à la crise sanitaire.
"On doit remettre l'ambition écologique au cœur du modèle productif", a affirmé le chef de l'Etat. Mais "je crois à la croissance de notre économie", a-t-il ajouté, en se félicitant que la Convention ne prône pas un modèle de décroissance. Parmi les objectifs affichés par Emmanuel Macron : "investir dans les transports propres, rénover nos bâtiments, inventer les industries de demain, investir aussi dans des domaines (...) comme les énergies décarbonées, les réseaux, la préservation de la ressource en eau, car notre gaspillage en eau demeure encore trop élevé".
Un projet de loi annoncé pour la fin de l'été
Emmanuel Macron a ensuite assuré qu'un projet de loi "multi-mesures" serait présenté à l'Assemblée "à la fin de l'été". Ce texte devrait reprendre la quasi-totalité des mesures proposées par les 150 membres de la Convention citoyenne sur le climat, énumérées et défendues par le chef de l'Etat durant son discours.
Parmi ces mesures, on retrouve pêle-mêle "les chèques alimentaires pour permettre aux plus modestes d'acheter des produits de qualité", des "aides renforcées pour que les plus pauvres puissent acquérir des véhicules propres", "la division par deux des surfaces urbanisables", la "sanctuarisation des espaces agricoles, naturels et forestiers", "la fin de la bétonisation" ou encore un "moratoire sur les nouvelles zones commerciales en périphérie des villes"... Autant de mesures auxquelles le président de la République s'est déclaré favorable.
La limitation à 110 km/h sur autoroute rejetée
"Je vous avais dit : toutes les propositions qui seront abouties et précises seront transmises 'sans filtre' soit au gouvernement, soit au Parlement, ou directement au peuple français", a rappelé Emmanuel Macron, assurant qu'il irait "au bout de ce contrat moral". Le président de la République a cependant écarté certaines des idées portées par les 150 membres de la Convention.
Parmi les mesures laissées sur le bas-côté : la limitation de la vitesse à 110 km/h sur les autoroutes. "J'ai présenté beaucoup de grands plans qui se sont trouvés résumés à une seule mesure ou réduits à une petite phrase. Je ne voudrais pas que vous connaissiez le même sort que moi et que des mois de travail s'abîment dans une polémique", a justifié le chef de l'Etat. "Croyez-moi, je formule cette proposition en spécialiste", a-t-il lancé en souriant, en allusion à sa décision de limiter la vitesse sur certaines routes à 80 km/h, qui avait contribué à lancer le mouvement de protestation des "gilets jaunes".
Pas de taxe sur les dividendes
Emmanuel Macron s'est également prononcé contre l'instauration d'une taxe de 4% sur les dividendes, proposée par la Convention climat. "La mettre en œuvre c'est décourager l'investissement. Alors qu'il faut au contraire tirer les talents, les entreprises, les investisseurs, tous ceux qui veulent contribuer à rendre notre économie plus sobre en carbone, plus verte", a-t-il estimé. Le chef de l'Etat a aussi souligné qu'il fallait continuer à "évaluer" l'accord commercial UE-Canada (Ceta), dont les 150 avaient réclamé qu'il ne soit pas ratifié.
Pas question de modifier le préambule de la Constitution
La Convention citoyenne sur le climat souhaitait modifier le préambule de la Constitution afin que l'environnement au-dessus des autres valeurs fondamentales. Emmanuel Macron, qui s'est posé en garant des institutions, s'est refusé à cette modification : "Telle que proposée, la rédaction menace de placer la protection de l'environnement au-dessus des libertés publiques, au-dessus même de nos règles démocratiques. Aussi, je ne souhaite pas reprendre cette proposition."
Une ouverture pour un référendum dès 2021
La Convention climat a formulé d'autres propositions de réforme constitutionnelle. Parmi celles-ci, l'introduction des notions de biodiversité, d'environnement et de lutte contre le réchauffement climatique, qui, selon le chef de l'Etat "semble aller dans le bon sens". La Convention a, en effet, souhaité qu'aux côtés de la reconnaissance d'une République "sociale" et "décentralisée", à l'article 1er de la Constitution, soit également prise en compte la notion de République "écologique". "Je veux que nous puissions engager à l'Assemblée nationale et au Sénat un débat (...) en vue d'une révision constitutionnelle. Je souhaite la voir aboutir d'ici 2021. Je suis prêt à recourir au référendum si celui-ci était alors constitutionnellement possible après le vote des chambres", a promis Emmanuel Macron.
Le président de la République a, par ailleurs, ouvert "la possibilité de conduire dès 2021 un référendum sur la base de l'article 11 de la Constitution, sur un ou plusieurs textes de loi reprenant vos propositions".
Vers une limitation des vols intérieurs
Bien que l'abandon de ces trois propositions soit clairement assumé, d'autres mesures ont été, plus discrètement, retoquées par l'exécutif. Parmi elles, la suppression des vols intérieurs "lorsque la destination est accessible par un autre moyen de transport. Uniquement sur les lignes où il existe une alternative bas carbone satisfaisante" en moins de quatre heures.
"Il ne faut pas enclaver nos territoires", a défendu Emmanuel Macron qui a souhaité que la loi s'en tienne à la proposition du gouvernement, qui a retenu comme seuil les trajets pouvant être effectués en 2h30 ou moins.
Le crime d'écocide dans le droit français ?
"Quant à l'écocide, je crois être le premier dirigeant à avoir employé ce terme lorsque l'Amazonie brûlait" s'est enorgueilli le chef de l'Etat. "Je partage donc l'ambition que vous défendez. (...) La mère des batailles est internationale : faire en sorte d'inscrire ce terme dans le droit international pour que les dirigeants (...) rendent des comptes devant la Cour pénale internationale", a estimé Emmanuel Macron. Le président s'est engagé à étudier, "avec l'appui de juristes", la question de l'introduction de ce crime dans le droit pénal français, "dans le respect de nos principes fondamentaux. (...) Ce n'est pas le cas de la rédaction proposée", a-t-il prévenu.
Le flou autour des passoires thermiques
Emmanuel Macron est également revenu sur la proposition d'interdiction des "passoires thermiques", ces appartements très mal isolés qui présentent une forte déperdition d'énergie. "Que des personnes modestes dépensent des fortunes pour se chauffer tout en ayant froid l'hiver, chaud l'été et que cela soit mauvais pour le climat, c'est insensé", a-t-il défendu. Il a néanmoins indiqué que ce combat ne pourrait être remporté "qu'en trouvant les accompagnements nécessaires, en assurant des aides financières pour ces ménages, pour qu'aucun propriétaire, locataire ne soit dans une impasse".
D'autres conventions citoyennes à venir
"Il y aura d'autres conventions citoyennes", a promis Emmanuel Macron qui s'est félicité de la bonne organisation et du travail fourni par cette première expérience. "Durant ces neuf mois, vous avez montré qu'il était possible sur un sujet difficile, inflammable même, de créer du consensus, d'avancer dans la concorde et l'apaisement", a défendu le président de la République qui a souhaité "que se créent d'autres conventions citoyennes".
A cette fin, Emmanuel Macron a annoncé une réforme du Conseil économique social et environnemental (CESE), qui devrait être présentée au prochain conseil des ministres. L'objectif : faire du CESE "la chambre des conventions citoyennes".
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