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Convention citoyenne : le coût humain des reconversions industrielles "n'est pas du tout suffisamment provisionné", critique un économiste

"Les ordres de grandeur ne sont pas du tout à la hauteur de ce qu'il va falloir dépenser", insiste  Christian de Perthuis, fondateur de la Chaire Économie du Climat.

Article rédigé par franceinfo
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Christian de Perthuis, fondateur de la Chaire Économie du Climat, le 08 novembre 2017. (CHRISTOPHE MORIN / MAXPPP)

Le coût humain de la transition énergétique "n'est pas du tout suffisamment provisionné, ni dans notre budget national, ni dans le budget des collectivités territoriales", analyse l'économiste Christian de Perthuis, fondateur de la Chaire Économie du Climat, mardi 30 juin sur franceinfo, au lendemain du discours du président Emmanuel Macron acceptant 146 propositions de la Convention citoyenne sur le climat. Selon lui, "c'est la grande faiblesse des politiques environnementales aujourd'hui, c'est la grande faiblesse des programmes politiques, c'est la grande faiblesse des mesures de la convention citoyenne".

franceinfo : Le président a promis 15 milliards d'euros pour financer la transition écologique en France. Est-ce suffisant ?

Christian de Perthuis : Je pense qu'on ne peut pas se prononcer sur une promesse de 15 milliards d'euros dont on ne sait pas le détail. Ce qui est certain, c'est que si on regarde les propositions des citoyens, beaucoup de dépenses d'investissement public sont du ressort des collectivités locales et donc la promesse du président, si j'ai bien compris ce que voulait dire Emmanuel Macron, c'est bien de rajouter 15 milliards dans un budget de relance national, donc le budget de l'État. Donc déjà, la première question qui se pose : quid des financements des collectivités locales qui seront en première ligne pour appliquer la grande majorité des mesures proposées par la Convention citoyenne ? Tout ce qui concerne la mobilité locale et régionale, qui est l'essentiel du travail à faire, puisqu'il s'agit de se transporter différemment dans les villes, d'organiser les mouvements entre les banlieues, les campagnes et les villes, tout ça, c'est du ressort des régions et des municipalités. C'est là qu'il y aura un besoin considérable de financement. Le deuxième point qui est fondamental, c'est que, pour faire la transition énergétique, d'un côté, il y a un coût d'investissement - il faut investir dans l'efficacité énergétique, dans les nouvelles sources d'énergie, dans la filière hydrogène, etc. - et puis de l'autre côté, il y a un coût de désinvestissement, puisqu'il s'agit bien de sortir de la logique du système énergétique basé sur les fossiles. Il s'agit de sortir du pétrole, du gaz et du charbon. Et ce coût de désinvestissement est à mes yeux beaucoup plus élevé que le coût de l'investissement aujourd'hui, parce qu'il faut accélérer la transition.

Ce coût de désinvestissement, c'est ce qui ralentit la transition énergétique selon vous, par exemple, dans le cas des centrales à charbon ?

Ce n'est pas très glorieux parce que d'une part elles ne sont pas toutes fermées aujourd'hui, et il y a un grand débat, notamment sur certaines d'entre elles, de savoir s'il faut les fermer ou les reconvertir. On voit bien que le coût principal de l'accélération de la transition énergétique, c'est le coût de transformation. Il faut sortir de l'énergie fossile pour aller vers les énergies décarbonées. On a un très bon exemple de ce que ça coûte lorsqu'on regarde le nucléaire. Sortir plus rapidement de Fessenheim qu'il était prévu, ça a un coût. Sortir plus rapidement de l'industrie automobile basé sur le moteur thermique, ça va avoir un coût. Sortir plus rapidement des énergies carbonées, cela veut dire que, bien évidemment, on va créer de nouvelles usines - par exemple j'ai en tête les usines de pales d'éoliennes géantes en train d'ouvrir à Dunkerque pour équiper les nouveaux champs éoliens offshore - mais en même temps, à Belfort, on doit fermer des usines qui fabriquent des centrales électriques thermiques.

Mais ces fermetures d'usines ont aussi un coût humain. La transition énergétique risque de ce faire au détriment des emplois et ça pourrait se retrouver dans les urnes.

Bien évidemment. On a en France un extraordinaire exemple historique de ce que ça a coûté de sortir des mines de charbon. (…) Ce coût de reconversion des industries traditionnelles n'est pas du tout suffisamment provisionné, ni dans notre budget national, ni dans le budget des collectivités territoriales.

[Le coût humain], c'est l'enjeu majeur et un certain nombre de travaux d'économistes très sérieux montrent que c'est sur l'emploi que va se jouer la transition énergétique. 

Christian de Perthuis, fondateur de la Chaire Économie du Climat

à franceinfo

Dans un grand nombre de cas, si on conduit correctement la transition énergétique en anticipant les reconversions professionnelles et les formations qu'il faut faire, on peut créer plus d'emplois qu'on en détruit. Pour moi, c'est la grande faiblesse des politiques environnementales aujourd'hui, c'est la grande faiblesse des programmes politiques, c'est la grande faiblesse des mesures de la convention citoyenne qui traitent quand même marginalement de la question, notamment sur la rénovation énergétique. Mais le coût global est évidemment très important. Au niveau européen, c'est l'objet du Fonds de la transition juste. Mais les ordres de grandeur ne sont pas du tout à la hauteur de ce qu'il va falloir dépenser.

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