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"C'est à la limite du sabotage" : au sein de la Convention citoyenne pour le climat, les travaux sur le projet de loi ont jeté un froid

Le gouvernement a présenté, lundi 7 et mardi 8 décembre, les grandes lignes du projet de loi climat issu des travaux de la Convention citoyenne. Sur le fond comme sur la forme, la déception est palpable parmi ses 150 membres.

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
La Convention citoyenne pour le climat, le 18 novembre 2019 à Paris. (MAXPPP)

Au téléphone, Guy Kulitza marque une pause. Ecocide, sortie des pesticides, redevance sur les engrais azotés… Ce membre de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) énumère toutes les mesures rabotées ou écartées par le gouvernement, parmi les propositions du groupe "se nourrir". A-t-il relevé des éléments positifs dans la présentation du projet de loi tiré des travaux de la CCC ? Le retraité limousin finit par souffler : "Les choses qui vont avancer, je n'en ai pas relevé des masses."

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A l'issue de ces réunions de présentation du futur texte, organisées lundi 7 et mardi 8 décembre, cette déception est partagée, à des degrés divers, par la poignée de citoyens interrogés par franceinfo. Certains, comme Agnès Catoire, ont même refusé de participer à ces rendez-vous. "Ces réunions avaient pour objectif de nous présenter un projet que nous n'avons pas eu en amont, sur lequel nous n'avons pas pu travailler et discuter", justifie cette gestionnaire de paie du Val-de-Marne, qui pointe aussi la convocation reçue seulement quatre jours avant, laissant peu de temps pour s'organiser professionnellement et personnellement. "C'est à la limite du sabotage", dénonce-t-elle.

"Il n'y a pas de réel échange"

Angela n'a pas boycotté la rencontre, mais partage cet agacement sur la méthode. "Une fois de plus, nous étions dans une réunion sans ordre du jour, sans avoir eu les documents avant", regrette l'aide-soignante de Seine-et-Marne, membre du groupe "consommer". Certains participants ont bien reçu des documents de travail, mais seulement quelques heures avant le début de la réunion. Résultat : "il n'y a pas de réel débat, d'échanges ou de coconstruction", considère Eric, sapeur-pompier à la retraite en Seine-et-Marne. Dans ces conditions, "on ne peut pas discuter sereinement".

Cette colère sur la forme rejoint celle sur le fond. "Beaucoup de choses sont amoindries, reprises dans des délais plus longs ou avec une ambition réduite", résume Eric, membre du groupe "consommer". L'interdiction de la publicité pour les produits très émetteurs de CO2 est ainsi devenue, sous la plume gouvernementale, un bannissement anecdotique de la réclame pour les énergies fossiles. Viticulteur en Gironde, Lionel constate également qu'"au niveau de l'avion, il n'y a pas grand-chose". "Ce projet sera moins-disant que ce que la Convention citoyenne a proposé. Si on retrouve nos mesures, ce sera à des doses plus faibles", synthétise ce membre du groupe "se déplacer".

"Le voile reste très épais"

Au-delà des mesures écartées, les citoyens déplorent également les points importants non tranchés, comme la rénovation obligatoire des bâtiments, et le manque de détails. "Là où je suis agréablement surpris, c'est que nous avons retrouvé nos mots dans les paroles des ministres. Mais il y a des points extrêmement importants pour l'avenir du pays qui n'ont pas d'arbitrage, et c'est problématique", estime William Aucant, architecte en Loire-Atlantique et candidat aux régionales sur une liste de la gauche et des écologistes, pour qui le "voile sur ce projet de loi" reste "très épais" après deux jours de réunions.

Membre du groupe "produire et travailler", Agny Kpata relève également "des choses intéressantes". "Mais encore une fois, il n'y a pas suffisamment de détails pour le valider à 100%", relève-t-elle, déplorant au passage que ce projet de loi soit estampillé "Convention citoyenne", alors qu'il a été profondément remanié par le gouvernement. Elle aurait préféré, comme le président de la République s'y était engagé, que les propositions soient soumises directement aux parlementaires, sans le filtre gouvernemental.

Le débat parlementaire aura lieu après la présentation du texte complet en Conseil des ministres, fin janvier. En attendant de juger sur pièces, les citoyens interrogés redoutent qu'il ne soit pas à la hauteur de l'objectif fixé par le président de la République : réduire "d'au moins 40% des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030, dans un esprit de justice sociale". Lors d'une réunion de travail, Eric a demandé à la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, qu'"à chaque fois qu'une proposition était amoindrie, le gouvernement explique comment il compte faire pour atteindre ces 40%". Il n'a pas obtenu de réponse.

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