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Climat : "L’homme s’adaptera au changement, il l’a déjà souvent fait"

Anthropologue, le Dr Alain Froment anticipe, à l’heure de la COP24 et des négociations autour du réchauffement climatique, le devenir de l’homme avec des yeux optimistes. L'homme, dit-il en substance, en a déjà vu d'autres.

Article rédigé par Ludovic Pauchant
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Un homme et des enfants se rafraîchissent, dans le centre de Kiev (Ukraine), le 3 août 2018 (SERGEI SUPINSKY / AFP)

A la veille de la COP24 avec, au cœur des négociations, l’avenir de la planète soumise au réchauffement climatique, le Dr Alain Froment, anthropobiologiste et directeur de recherche à l’IRD au Musée de l’Homme, met en doute les scénarios catastrophes pour l’avenir de l’être humain. Selon lui, si les changements climatiques vont amplifier un certain nombre de désastres (incendies, tempêtes, migrations, famines), la tendance actuelle à la collapsologie, à faire l’hypothèse que l’espèce humaine disparaîtra, n’est pas raisonnable. Optimiste assumé, il envisage le devenir de l’homme sous des cieux plus chauds à l’aune de son adaptabilité. En somme : et si l’homme en avait déjà vu d’autres ?  

franceinfo : Comment l’Homme pourrait-il s’adapter si les températures continuaient à monter ?

Dr Alain Froment : L’homme est très adaptable, et à cet égard, je refuse à être catastrophiste. L’homme s’adaptera au changement climatique : il l’a d’ailleurs déjà souvent fait. L’homme moderne, comme ses ancêtres, est un animal d’origine tropicale. Aussi, les australopithèques se sont par exemple très bien adaptés à la savane, où il fait facilement 40 ou 45°C. À l’inverse de nos cousins les gorilles ou les chimpanzés, qui sont poilus, nous avons développé, outre des poils plus fins et moins nombreux, des glandes sudoripares pour nous rafraîchir lorsqu’il fait chaud. Et c’est ainsi que les hominiens ancestraux ont conquis la savane, avec notamment la possibilité de forcer les animaux à la course : quand ils font des efforts soutenus, parce que leur système de thermorégulation est moins efficace et passe par le halètement et non la sudation, la température de ces animaux s’échauffe. Ils peuvent courir plus vite, mais moins longtemps que les humains, et sont limités par leur température centrale.

Si la température montait de 2°C en moyenne, ce ne serait donc pas un problème ?

Non ! La température de neutralité thermique, c’est-à-dire celle pour laquelle le corps humain n’a ni chaud ni froid, sans vêtement, est autour de 24°C. Il y a donc de la marge…du moins sur la température moyenne, puisque certaines régions connaîtront des pics à 50°C. Mais même dans les régions beaucoup plus chaudes, les hommes se déplacent et s’installent ailleurs, par exemple dans les hautes terres, comme on le voit en Ethiopie. Trump avait ironisé sur le fait que si le climat se réchauffait, l’homme ne devait pas s’inquiéter puisque, dans le fond, il pouvait bien mettre la climatisation. Je ne souscris absolument pas à cette idée, qui n’en est pas une, surtout si l’on considère la consommation en énergie qu’elle suppose, ni au personnage, mais… il y a du vrai, sur ce point-là, si l’on considère les progrès technologiques ! On peut par exemple, biologiquement, synthétiser  de la mélanine dans la peau pour se protéger des ultraviolets.

L’homme développe une infinité de solutions techniques. Des techniques permettent ainsi de transformer le CO2 atmosphérique en matière plastique… On peut avancer que tout excès de technologie peut a priori être corrigé par de la technologie. Et ce n’est pas la peine de coloniser Mars : il y a beaucoup de place dans les mers, et rien ne nous empêche de faire des villes sous-marines. Ou des villes flottantes. On peut imaginer des conditions de vie éloignées de nos conditions de vie biologique. Ces changements se feront sur plusieurs dizaines d’années : cela laisse à l’Homo sapiens intelligent le temps de trouver des solutions.

Pourtant, la canicule de 2003 a causé la mort de 15 000 personnes… 

Effectivement, mais ce que les médias n’ont pas répercuté, c’est que dans les mois qui ont suivi, il y a eu 15 000 morts de moins ! Ceux qui sont morts lors de cet épisode étaient en fait des personnes fragiles et en fin de vie… On a d’ailleurs connu des canicules plus violentes, et nous avons appris à nous y confronter, par exemple en cessant de forcer les vieillards à boire, mais plutôt à leur proposer du sodium, qui retient l’eau.

Voilà pour le court terme. Mais sur le temps long ?

Si l’on regarde la fin de l’âge glaciaire, au début du mésolithique, après la fonte des glaces, il y a 8 000 ans, la température a augmenté de 5 à 7°C en moins de… cent ans. Toute la faune glaciaire a fui vers le nord, les rennes sont partis et ont été remplacés par les cerfs, la steppe a été remplacée par la forêt, et ceci sur le temps de quelques générations d’humains. Quant au niveau de la mer, on l’a vu progressivement monter de 120 mètres, alors qu’aujourd’hui, on discute d’une quarantaine de centimètres. C’est dire si les phénomènes ne sont pas comparables. L’homme évolue lentement : les premiers Homo sapiens d’Afrique d’il y a 200 000 ans nous ressemblent assez. On peut valablement penser que les futurs hommes ne seront pas vraiment différents de nous ; mais d’ici là, la biologie sera largement relayée par la technologie.

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