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Algues vertes : cinq questions sur la mort d'un joggeur dans les Côtes-d'Armor

Les associations Sauvegarde du Trégor et Halte aux algues vertes déposent plainte, vendredi, contre les préfets de région et du département pour "mise en danger de la vie d'autrui". Cette plainte intervient après la mort d'un joggeur dans une vasière à Hillion, début septembre.

Article rédigé par Carole Bélingard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des algues sur une vasière, à Hillion (Côtes-d'Armor), en août 2014. C'est près de cet endroit qu'a été retrouvé le corps d'un joggeur, jeudi 8 septembre 2016. (MIGUEL MEDINA / AFP)

Les algues vertes ont-elles fait une nouvelle victime en Bretagne ? C'est ce que soupçonnent les associations écologistes locales après la mort d'un joggeur à l'embouchure du Gouessant, à Hillion (Côtes-d'Amor), jeudi 8 septembre. Après avoir écarté, dans un premier temps, tout lien entre cette mort et les algues vertes, le parquet a finalement ordonné l'exhumation du corps, jeudi 22 septembre. Néanmoins, deux associations, Sauvegarde du Trégor et Halte aux algues vertes vont déposer plainte, vendredi, contre le préfet de région et le préfet des Côtes-d'Armor, pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui".

Qu'est-il arrivé à ce joggeur ?

L'homme de 50 ans fait son jogging à Hillion dans l'estuaire de Gouessant (Côtes-d'Armor), jeudi 8 septembre. Ce jour-là, il ne rentre pas à son domicile. Seul son chien regagne la maison familiale, donnant alors l'alerte. Le corps inanimé du quinquagénaire est retrouvé dans la vase. Comment s'est-il retrouvé là ? Est-il allé chercher son chien et s'est-il ensuite retrouvé piégé par la vase ?

Ce n'est pas l'hypothèse défendue par Yves-Marie Le Lay, président de Sauvegarde du Trégor, contacté par franceinfo. Ce dernier estime que l'homme est tombé, pour une raison ou une autre, dans la vase et qu'il a pu perdre connaissance. Or, certaines vases de ce secteur sont imprégnées par les algues vertes en putréfaction. Ces dernières dégagent alors un gaz extrêmement toxique : l'hydrogène sulfuré. "S'il a respiré ce gaz ne serait-ce que dix minutes, c'est amplement suffisant pour mourir", précise Yves-Marie Le Lay.

Que dit l'enquête ?

En premier lieu, le parquet a écarté tout lien entre la mort du joggeur et la présence des algues vertes. Le procureur estimait alors que l'homme s'était "enlisé jusqu'à la taille et y était décédé, vraisemblablement d'un infarctus, en s'épuisant pour tenter de s'extraire".

Mais un nouveau témoignage, celui d'un pompier qui a retrouvé le corps dans la vase, met en cause l'hypothèse de l'enlisement. Selon lui, le corps était "allongé face contre terre sur la vase, le visage dans la boue". L'enquête est donc relancée. Le parquet ordonne l'exhumation du corps.

Est-ce le premier accident dans ce secteur ?

Durant l'été 2011, trente-six sangliers ont été découverts morts sur une plage de Morieux dans les Côtes-d'Armor, à quelques mètres de l'endroit où a été retrouvé le joggeur. En 2009, un cheval est mort asphyxié par des algues vertes. Son cavalier a fait un arrêt respiratoire, mais s'en est sorti.

La même année, un chauffeur, Thierry Morfoisse, s'effondre alors qu'il transportait des algues vertes ramassées pour nettoyer la plage. Pour l'heure, les différentes expertises n'établissent aucun lien entre sa mort et les algues vertes. Ses proches sont pourtant convaincus que le fait d'avoir respiré pendant des heures cet hydrogène sulfuré a causé sa mort. 

D'autres cas similaires sont intervenus bien des années auparavant : en 1999, un ouvrier du ramassage des algues vertes, Maurice Briffaut, est retrouvé inconscient au volant de son tracteur. Il a survécu, mais est resté tout de même quatre jours dans le coma, explique France Inter. Dix ans plus tôt, en 1989, c'est le corps inanimé d'un joggeur de 26 ans qui est retrouvé au sein d'un amas d'algues vertes, rapporte la radio.

Pourquoi les associations portent plainte contre les préfets ?

"Cela fait des années que nous alertons les pouvoirs publics sur les dangers des algues vertes et que l'on demande des mesures", peste Yves-Marie Le Lay . "Les préfets devraient mettre en place des zones délimitées où se trouvent ces algues et installer des panneaux indiquant qu'il y a un risque de toxicité. Par ailleurs, nous avons donc déjà demandé aux préfets d'ordonner, en cas d'accidents dans des zones d'algues vertes, de faire automatiquement des prélèvements sanguins", poursuit-il. Les associations souhaitent ainsi qu'on puisse établir rapidement la présence ou non d'hydrogène sulfuré, et donc le lien avec les algues vertes.

Qu'attendent-elles de cette plainte ?

"Nous espèrons que cette plainte relance les autres que nous avons déjà déposées auparavant. Il va falloir que la justice se secoue pour qu'on débouche sur un véritable procès des marées vertes. Il faut mettre les choses à plat et que chacun assume ses responsabilités", assure Yves-Marie Le Lay. 

En attendant, les algues vertes sont ramassées, mais pour Yves-Marie Le Lay, c'est insuffisant. "Et surtout, on continue à faire de l'agriculture intensive. Ce n'est pas l'agriculture bio, ni raisonnée, mais l'agriuclture industrielle et polluante qui occasionne les rejets à l'origine des algues", affirme-t-il.

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