En plus de Daech, la Turquie veut-elle faire coup double contre le PKK ?
Depuis vendredi, la Turquie s'est résolument engagée dans la lutte contre Daech, en réponse à l'attentat suicide qui a fait 32 morts à Suruç la semaine dernière. Les bombardements de l'armée turque se sont donc poursuivis tout le weekend, contre des positions djihadistes en Syrie et en Irak. "Ces opérations ne sont pas des opérations ponctuelles et continueront tant que des menaces viseront la Turquie ", a indiqué le Premier ministre turc.
Lundi, Washington et Ankara ont annoncé que leur but était de travailler ensemble pour "établir une zone débarrassée de Daech et améliorer la sécurité et la stabilité le long de la frontière entre la Turquie et la Syrie ". Les détails concernant cette zone "restent à définir ", a expliqué un responsable américain. Et François Hollande a salué lundi "le renforcement de l'engagement de la Turquie " aux côtés de la coalition et pour son "action vigoureuse " contre Daech en Syrie.
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La Turquie a-t-elle ciblé délibéremment des positions kurdes en Syrie ?
Lundi, les rotations des F16 turcs ont repris en début de matinée vers le Kurdistan irakien. Ces frappes contre les bases arrière du parti kurde PKK sont presque une routine, depuis 25 ans. Lundi soir la Turquie a expliqué qu'elle continuerait ces frappes jusqu'à ce que le PKK dépose les armes. Car la Turquie considère le PKK comme un groupe "terroriste", alors que pour la coalition internationale, les Kurdes font figure de carte maîtresse sur le terrain, dans la lutte contre Daech.
Mais en parallèle de ces attaques, ce qui était moins prévisible, c'est que la Turquie a aussi visé lundi les forces kurdes en Syrie (appelées YGP). Une salve d'artillerie a eu lieu dans la nuit sur le canton kurde de Kobané, qui a blessé quatre combattants et fait plusieurs victimes civiles, Ankara chercherait-elle à ouvrir un troisième front, ou bien est-ce une erreur ? Ce lundi, les forces kurdes de Syrie accusent donc la Turquie de les avoir bombardées. "Cette agression doit cesser ", ajoute l'YPG.
Selon la version d'un haut responsable du gouvernement turc, l'armée turque a riposté après avoir été sous le feu de tirs en provenance de l'autre côté de la frontière dimanche soir. Mais il a dit qu'on ne savait pas quel groupe était concerné et a affirmé que l'YPG n'était pas une cible. Une enquête sur cette affaire est ouverte à Ankara. Alors que l'YPG a poursuivi lundi son avancée contre Daech dans le nord de la Syrie.
"Daech est un prétexte pour la Turquie pour attaquer le PKK"
Derrière ces évènements, plusieurs observateurs se demandent si la Turquie n'a pas surtout pour objectif de limiter les capacités des forces kurdes en Syrie et en Irak, plutôt que de s'attaquer à Daech. Cette double opération viserait d'abord à empêcher les Kurdes d'étendre leur influence dans le nord de la Syrie et, accessoirement, pourrait servir à renforcer le président Recep Tayyip Erdogan en cas d'élections législatives anticipées.
"Il fallait une couverture à la Turquie pour attaquer les Kurdes ", considère sur France Info Polat Murat, porte-parole du Conseil démocratique kurde de France. "On le voit bien, les attaques dirigées vers les Kurdes sont plus intenses que vers Daech ", dit-t-il. "Daech est un prétexte pour la Turquie pour attaquer le PKK et de mener à bien l'avancée de leur projet de zone tampon en Syrie ", ajoute-t-il.
À la demande de la Turquie, les ambassadeurs des 28 pays membres de l'Otan se réuniront mardi à Bruxelles pour des consultations sur la montée de tension entre Ankara d'une part et les rebelles kurdes et le groupe Daech de l'autre.
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