Frappes en Syrie : pourquoi la position turque face à Daech n'était plus tenable ?
"La Turquie est sous la pression depuis le début de l'année de la part de ses alliés" explique Dorothée Schmid de l'IFRI, l'institut français des relations internationales. Souvent accusés de jouer double jeu avec Daech, "les Turcs se défendent d'avoir soutenu l'Etat Islamique. Mais on peut considérer qu'il y avait une sorte de trêve puisqu'ils étaient mesurés dans leurs mouvements envers l'Etat islamique."
Voilà qui a donc changé. L'aviation turque a bombardé vendredi matin trois positions du groupe Etat islamique (EI) en Syrie et la police a procédé à des dizaines d'interpellations de militants islamistes et kurdes au lendemain d'un accrochage avec l'organisation djihadiste à la frontière syrienne qui a coûté la vie à un sous-officier. "L'élément déclencheur est l'attentat perpétré par l'Etat Islamique lundi dernier qui a fait 32 morts" , explique Didier Billion, le directeur adjoint de l'IRIS, Institut des relations internationales et stratégiques, spécialiste de la Turquie. "C'était la première intervention de l'Etat Islamique sur le sol turc. La position proposée par les autorités turques de se refuser à la coalition anti Daech n'était donc plus tenable."
De plus, "depuis plusieurs semaines, il y avait des négociations avec les autorités américaines pour utiliser une grande base située dans le sud-est de la Turquie, située à 200 km de la frontière syrienne. Ils ont accepté il y a 3 jours." Auparavant, seules les attaques de drones étaient autorisées. Depuis jeudi, les Américains pourront utiliser cette base d'Incirlik, près de la frontière syrienne, pour mener des frappes aériennes contre les djihadistes.
Reste que la situation interne en Turquie n'est pas simple pour le gouvernement mené par Yalçın Akdoğan. D'une part, "la Turquie est toujours dans une crise politique puisque, depuis les élections législatives de juin dernier, on n'a pas réussi à former un gouvernement de coalition," explique Dorothée Schmid. Ensuite, "il y a en Turquie près de deux millions de réfugiés syriens parmi lesquels se trouvent des taupes et cellules dormantes de l'Etat islamique et on peut craindre que la Turquie soit à son tour victimes d'attentats," ajoute Didier Billion. Il estime d'ailleurs qui si "la Turquie a voulu montrer qu'ils ne transigeront plus," elle risque de le payer cher en interne et de "vivre des heures douloureuses".
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