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Les ratés de PyongYang

Kim Jong-Un, le dirigeant suprême qui a remplacé son père, Kim Jong-Il, décédé le 17 décembre 2011, a indiqué que la Corée du Nord n'allait pas changer de politique. Le régime, qui joue de la menace militaire pour sa survie économique, vient de rater un nouveau tir de missile balistique.
Article rédigé par Jean-Claude Rongeras
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Des nord-coréens attendent le bus à Pyongyang, le 11/04/2012 (AFP/PEDRO UGARTE)

Pour le centième anniversaire de son fondateur Kim Il-Sung (grand père de Kim Jong-Un), héros de la guerre contre les Japonais, la Corée du Nord avait prévu de grandioses cérémonies et le lancement d’une fusée UNHA-3,  qui emportait, selon elle, un satellite civil d’observation terrestre. L'engin, lancé le 13 avril, s'est  écrasé en mer à 150 km des côtes. Pour les Etats-Unis, il s'agissait d'un missile balistique à longue portée de type Taepodong-2. Deux tirs précédents en 1998 et 2009 avaient échoué. L'Onu a dit craindre un prochain nouvel essai.

Le régime, qui a connu dix-sept ans de mauvais résultats économiques, se sert du chantage à l’armement nucléaire pour obtenir des aides internationales.

Kim Jong-Un se recueille devant la dépouille de son père Kim Jong-Il

(Euronews, le 20/12/2011)

Depuis l’installation grâce à la l’URSS d’un réacteur de recherche sur les matières fissiles à Yongbyon, en 1965, la Corée du Nord a toujours jouée de la partition nucléaire pour obtenir l’aide des occidentaux et de ses voisins. Pyongyang justifie la possibilité de détenir une arme nucléaire en la considérant comme arme de dissuasion. Dans le cas où les forces américaines, présentes en Corée du Sud depuis le début de la guerre en juin 1950, quitteraient le pays, le programme serait abandonné, affirme le régime communiste.

Les américains sont à l’origine de l’introduction de l’arme nucléaire dans la péninsule. Ils ont installé, en 1958, des missiles à tête nucléaire – les Matador - pointés sur la Corée du Nord depuis la Corée du Sud. 

Après les missiles, les essais nucléaires
Les Nord-Coréens ont réalisé deux essais nucléaires souterrains de faible puissance, le 9 octobre 2006 et le 25 mai 2009. En dehors des périodes de crise aiguës, PyongYang affiche régulièrement ses intentions de discuter de son programme nucléaire avec les cinq autres pays impliqués dans le dossier coréen : Chine, Russie, Corée du Sud, Japon et Etats-Unis. A chaque fois le processus a été rompu. Ainsi, le 29 février 2012, un cycle de dialogue démarrait entre la Corée du Nord et les Etats-Unis sur un moratoire concernant les tirs de missiles, les essais nucléaires et les activités d’enrichissement d’uranium. Le 16 mars, PyongYang annonçait le tir de UNHA-3.

La Corée du nord tient également en haleine la commuauté internationale par ses gestes incontrôlables, comme le torpillage d'une vedette sud-coréenne en mars 2009 ( 40 morts), qui lui ait attribué, ainsi que des tirs d'artillerie sur une petite île sud-coréenne qui fit 4 morts en novembre 2009.

Conforter le pouvoir de Kim Jong-Un
Pour nombre d’observateurs, le lancement du missile de la base de Tonchang-ri, à 50 km de la frontière chinoise, a pour but d’asseoir la légitimité de Kim Jong-Un, dernier rejeton  de la lignée dictatoriale, en flattant la fierté du peuple. Un contrepoids aux performances économiques médiocres du pays.

Agé de moins de trente ans, Kim-Jong-Un, qui a fait une partie de ses études en Suisse, hérite d’un système dont l’appareil industriel et l’organisation agricole sont obsolètes. L’effondrement de l’URSS en 1989 est à l’origine d’une grave crise alimentaire survenue au milieu des années 90. Plus d’un million de personnes en sont mortes. Pour y remédier, Pongyang compte sur le bon-vouloir de pays tiers qui ne tiennent pas à ce que la situation devienne critique. Depuis 1995, l’aide alimentaire internationale s’est élevée à plus de 12 millions de tonnes de nourriture, les Chinois étant les plus grands donateurs.

Un essai de libéralisation de l’économie, selon le modèle chinois, a eu lieu au début des années 2000. Mais le régime de Kim Jong-Il est revenu en arrière trois ans plus tard par peur de perdre le contrôle du système. Des analystes estiment cependant qu’il existe un secteur marchand parallèle au marché officiel.

Economie : légère embellie et manque d’investissements.
Selon les chiffres de novembre 2011 de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et du Programme alimentaire mondiale (PAM), la production de céréales a crû de 8,5% en 2010 en Corée du Nord. Le déficit s’élèverait à 740.000 tonnes. Avec l’aide internationale, il n’y aurait presque pas de manque.

La production d’électricité, dans l'un des derniers régimes marxistes de la planète, serait en augmentation grâce notamment à la mise en service de nouvelles centrales hydrauliques et à l’emploi de plus de charbon pour les centrales électriques.

Ces signaux positifs ne sont cependant pas suffisants pour améliorer le sort de toute la population. La vie dans la capitale est relativement bonne alors que la campagne souffre beaucoup. Sur le plan macroéconomique, la Corée du Nord manque cruellement de devises. Alors que tout le monde s’entend sur le formidable potentiel minier de la Corée du Nord, estimé à  6.300 milliards de dollars, Pyongyang doit vendre les droits d’exploitation du sous-sol à la Chine pour obtenir du cash.  

Rôle modéré de Pékin 
Pékin a toujours été un élément de modération lors des crises entre Pyongyang et le reste de monde. Cette fois encore, après l’annonce du tir de missile, la Chine a appelé toutes les parties  «à la retenue». La position chinoise est délicate. Elle ne peut investir massivement chez son voisin sans provoquer une déstabilisation. Lorsqu’elles parlent de l’importation du modèle économique chinois, les autorités de Pyongyang évoquent la nécessité «d’un temps d’étude». Pour l’heure, les investissements du puissant voisin sont évalués à 100 millions de dollars. Concentrés dans le nord du pays, ils sont le fait de PME aux mains du secteur privé ou gérées par des provinces chinoises. 

Urgence d’un vrai partenariat  avec Séoul  
Face au défi du développement, la meilleure solution serait d’accroître le partenariat avec la Corée du sud. Mais lors de son discours du 30 décembre 2011, Kim Jong-Un a écarté toute possibilité de dialogue avec Séoul, en raison de l’attitude de ses voisins sudistes lors des obsèques de Kim Jong-Il. Le président sud coréen Lee Myung-bak avait drastiquement restreint les voyages de ses concitoyens. 

En 2004, une zone de coopération intercoréenne, fonctionnant avec de la main d’oeuvre  nord-coréenne, bien formée et touchant un maigre salaire, est crée à Kaesong (Corée en Nord), à 10 km de la frontière. 50.000 ouvriers du nord travaillent dans les usines encadrés par un millier de Sud-Coréens. Le deal, qui représente un gain de 40 millions de dollars par an pour la Corée du Nord, fonctionne bien mais est resté au premier stade. Séoul ne s’est pas décidé à investir plus. Kim Jong-Un, qui a promis l’établissement d’une «nation puissante et prospère» en 2012, et la Corée du Sud pourraient donner un coup d’accélérateur à ce processus de coopération et d’enrichissement.

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