Rescapés des camps de Corée du Nord, ils témoignent devant l’ONU
Arrestation arbitraires, exécutions publiques et actes de tortures dans des camps de travail dignes des pires goulags... Ceux qui en ont réchappé racontent ce qu'ils ont vécu devant une commission d'enquête depuis le 20 août.
Une commission d’enquête des Nations unies a lancé, depuis le mardi 20 août, une série d’auditions d’exilés nord-coréens, afin d’enquêter sur les probables violations des droits de l'homme dans leur pays. Les témoignages, recueillis à Séoul en Corée du Sud, sont éloquents.
Arrestations arbitraires
La commission d'enquête de l’ONU a entendu Kim Young-soon, aujourd’hui âgée de 77 ans. Elle est parvenue à fuir son pays natal en 2011 après avoir passé neuf ans dans un camp de travail. Ancienne danseuse, elle a appartenu au cercle proche du pouvoir. Et parmi ses amis figurait une actrice mariée, devenue dès 1969 la maîtresse de Kim Jong-il, l'homme qui deviendra, entre 1994 et 2011, le dirigeant de la Corée du Nord.
Le simple fait d'avoir été au courant de cette liaison (Kim Jong-il était par ailleurs marié) a été considérée comme une faute. Pour s’assurer que ce secret ne soit jamais éventé, le pouvoir a envoyé Kim Young-soon, avec ses parents et ses quatre enfants, dans un camp situé à Yodok, "l’endroit le plus infernal de la planète", au centre du pays. Obligés de travailler sans relâche, sous-nourris, battus et torturés, les détenus y tombaient comme des mouches. Les parents de Kim Young-soon sont morts au bout d’un an. Un de ses fils s’est noyé dans une rivière et sa fille a été placée dans une famille de paysans. Elle ne l’a jamais revue.
Châtiments atroces dans les camps
L'ONU a recueilli des témoignages sur l'horreur des "goulags" nord-coréens. Shin Dong-hyuk a ainsi expliqué comme il a été contraint, pour sa propre survie, de dénoncer sa mère et son frère et d’assister à leurs exécutions. Il a également subi de nombreux sévices corporels. Son récit tient presque de l’absurde : pour avoir simplement laissé tomber une machine à coudre, on lui a amputé un doigt. "Je ne savais pas du tout ce qui allait se passer… Je pensais que toute ma main allait être amputée au niveau du poignet. Alors finalement, j’ai été reconnaissant qu’ils ne coupent que mon doigt", dit-il. Shin Dong-hyuk est à ce jour le transfuge le plus connu : il a en effet raconté sa douloureuse expérience dans un livre. Né en prison, il y a résidé jusqu’à l’âge de 24 ans, avant de parvenir à s’échapper. Il s’était confié à nos confrères de France2 en mai 2012.
Jee Heon-a, une prisonnière de 34 ans, a pour sa part détaillé l’une des scènes atroces dont elle a été témoin pendant son incarcération. "C’était la première fois de ma vie que je voyais un nouveau-né, ce qui m’a remplie de joie. Mais soudain, un garde est entré et a ordonné à la jeune maman de noyer son propre bébé dans une bassine d’eau (…) La mère a supplié le garde de l’épargner, mais il ne s’arrêtait pas de la frapper. Elle a pris alors son bébé dans ses bras tremblants et lui a plongé la tête dans l’eau. Les pleurs se sont arrêtés et le petit a rendu son dernier souffle. La dame âgée qui avait réalisé l’accouchement a emmené le corps du bébé, en silence, à l’extérieur."
Les rescapés ont aussi décrit de terribles conditions sanitaires et de malnutrition. "Nous ressemblions tous à des animaux, les yeux enfoncés dans les orbites, nourris par des grenouilles dont nous retirions la peau", a expliqué Jee Heon. Shin Dong-hyuk a pour sa part raconté comment les prisonniers étaient affamés au point de manger des rats vivant, ou encore les sabots d’une chèvre que les gardiens de prison avaient jeté, après l'avoir abattue.
L’enfer de la famine des années 1990
La famine a sévi en Corée du Nord entre 1994 et 1998. Les habitants consacraient toute leur énergie à trouver de la nourriture et les plus vulnérables (jeunes, vieux, handicapés) ne résistaient souvent pas. "On avait des handicapés dans notre ville. Lorsque la situation alimentaire s'est améliorée à la fin des années 1990, on ne les a plus vus. Ils étaient sans doute morts", a raconté Ji Seong-ho, qui est parvenu à s'échapper de son pays natal en 2006. Il a aussi expliqué, selon le New York Times, que de nombreuses femmes ont été vendues à des trafiquants chinois à cette époque.
Kim Hyuk, 32 ans, a raconté comment il est devenu, à la mort de sa mère, à l'âge de 7 ans, un enfant des rues. "Quand j'ai commencé cette vie, les gens nous donnaient à manger. Ça a changé avec la famine." Les enfants mouraient dans les rues. Des équipes policières étaient chargées de ramasser les survivants et de les envoyer dans des orphelinats, où beaucoup mouraient également, mais à l'abri des regards. Dans l’orphelinat où il a passé trois ans, il affirme que, sur 75 enfants pensionnaires, 24 sont morts.
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